L’arrivée du variant Omicron a fait exploser la proportion de la population ayant eu la COVID-19 au pays, tout particulièrement au Québec. Près des trois quarts des Québécois ont contracté à ce jour le coronavirus, montrent de nouvelles données du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19 (GTIC).

« On vient confirmer très clairement que la vague Omicron est plutôt un tsunami qu’une vague », lance d’emblée le DTimothy Evans, professeur à la faculté de médecine de l’Université McGill et directeur du GTIC. « Quand on compare avec les vagues précédentes, ça n’a tout simplement rien à voir », insiste-t-il.

Ce groupe de travail étudie l’évolution du virus dans la population depuis avril 2020, à la demande du gouvernement Trudeau. Ses données sont basées sur la séroprévalence de milliers de Canadiens ayant donné du sang, en évaluant par leurs échantillons la moyenne de l’exposition au virus.

Dans son plus récent rapport paru samedi, que La Presse a obtenu, le GTIC estime que la hausse de la séroprévalence pendant la vague d’Omicron « correspond à au moins 19,6 millions de Canadiens ayant été infectés entre le 15 décembre 2021 et le 15 août 2022 ».

C’est énorme. C’est à peu près 80 000 infections par jour. Avant Omicron, il y avait moins de 10 % des Canadiens qui avaient été infectés au pays.

Le DTimothy Evans, professeur à la faculté de médecine de l’Université McGill et directeur du GTIC

Dans l’ensemble, la séroprévalence acquise par l’infection au Canada a en effet « augmenté de manière significative entre août 2021 et août 2022, passant de 5,1 % avant la vague de Delta à 62,5 % fin août 2022, après environ huit mois avec des variants d’Omicron en circulation », résument les experts du GTIC.

Toutes les provinces, et tous les âges

Selon le rapport, l’ensemble des provinces canadiennes ont vu leur taux de séropositivité monter en flèche. Au Québec, il atteignait 73,7 % à la fin août, tandis qu’en Alberta, il était de 60 %, en Colombie-Britannique de 52 %, en Ontario de 55,7 %. Même le Canada atlantique, qui avait conservé des taux plus bas en 2021, atteint aujourd’hui un taux d’un peu plus de 60 %.

Toutes proportions gardées, le taux de l’augmentation des infections dans l’est du pays était donc « beaucoup plus élevé que dans les autres provinces et territoires pendant la phase Omicron », relèvent les spécialistes.

Les jeunes adultes, âgés de 17 à 24 ans, sont les plus touchés par le virus, avec environ 77 % d’entre eux ayant fait l’infection. Cette proportion tend toutefois à diminuer avec l’âge : chez les 25-39 ans, la proportion atteint 69 %, puis 60 % chez les 40-59 ans et 44 % chez les personnes âgées de 60 ans et plus.

« Les jeunes n’étaient pas aussi vaccinés, certes, mais les gens plus âgés ont semblé aussi beaucoup plus enclins à prendre des précautions pour prévenir l’infection. Il ne faut pas oublier qu’il y a beaucoup de personnes plus âgées qui n’ont pas été infectées jusqu’à présent. Avec la COVID longue et tout ce que ça implique, ça sera très important que ces personnes continuent de se protéger. Il faut que les autorités continuent de passer des messages en ce sens-là », affirme M. Evans.

Une « immunité hybride »

À ses yeux, il deviendra aussi crucial à terme de « bien saisir l’histoire de l’immunité chez chaque individu », soit « le nombre de vaccins, mais aussi le nombre d’infections ». « Tout ça crée ce qu’on appelle une immunité hybride, et ça va être important de la définir pour déterminer le meilleur moment pour recevoir une dose de rappel, par exemple », explique le professeur de l’Université McGill.

Environ 98 % des donneurs de sang qui ont participé à l’étude avaient en eux l’anticorps IgG « Antispike », ce qui signifie qu’ils ont reçu au moins un vaccin contre la COVID-19. Le DEvans assure toutefois que la vaccination des sujets n’a pas eu d’influence sur les données.

« On fait deux tests : un pour l’Antispike, un anticorps généré à la suite de la vaccination, et un autre avec l’Anti-nucléocapside, qui n’est augmenté que s’il y a eu infection. C’est avec ce deuxième anticorps seulement qu’on mesure le niveau de transmission », explique l’expert.

Il note toutefois que les donneurs de sang peuvent ne pas être représentatifs de la population générale en ce qui a trait à la couverture vaccinale, « principalement parce que les enfants et les adolescents sont exclus du don de sang ». En mai, une étude de séroprévalence d’Héma-Québec avait révélé qu’un adulte québécois sur quatre avait contracté la COVID-19 pendant l’hiver, entre décembre et mars. Il s’agissait alors de la quatrième grande enquête de l’organisme québécois depuis le début de la pandémie.