L’approbation des vaccins bivalents contre Omicron et ses sous-variants a exigé moins de données cliniques que pour le feu vert initial à la fin de 2020. Selon plusieurs experts, cela montre que l’on devrait disposer d’un vaccin saisonnier semblable à celui contre la grippe.

« On se dirige vers un modèle vaccinal comme pour l’influenza », explique Ciriaco Piccirillo, immunologue au centre de recherche du Centre universitaire de santé McGill (CUSM). « Mais on n’en est pas encore là. » Un vaccin bivalent protège contre plusieurs souches du même virus.

Cette semaine, le Dr Anthony Fauci, responsable du dossier de la COVID-19 au gouvernement fédéral américain, a carrément déclaré que les Américains devaient s’attendre à se faire proposer un rappel vaccinal contre la COVID-19 une fois par année, sauf dans le cas des personnes âgées ou vulnérables, qui pourraient avoir besoin de plus d’un rappel par année.

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Le Dr Anthony Fauci, responsable du dossier de la COVID-19 au gouvernement fédéral américain

La Food and Drug Administration (FDA) a autorisé le vaccin bivalent contre les sous-variants BA.4 et BA.5 sur la foi de données d’efficacité chez des animaux plutôt que chez des humains. Cela signifie-t-il que les États-Unis sont plus avancés que le Canada dans le passage à un vaccin saisonnier contre le SRAS-CoV-2, le coronavirus responsable de la COVID-19 ?

« Je n’en suis pas sûr. Ça pourrait être dans un esprit de préparation à la pandémie », estime le professeur Piccirillo, qui est coresponsable du pilier immunologie et protection vaccinale de CoVaRR-Net, réseau canadien de réponse aux nouveaux variants.

Il n’est pas sûr que les variants BA.4 et BA.5 seront prédominants dans quelques mois, quand la campagne de doses de rappel sera en partie complétée.

Ciriaco Piccirillo, immunologue au centre de recherche du Centre universitaire de santé McGill

Frédéric Ors, investisseur en biotechnologie de Québec qui a longtemps travaillé sur des vaccins, note par ailleurs que les sous-variants BA.4 et BA.5 sont plus proches du SRAS-CoV-2 « ancestral » qui a servi pour les vaccins approuvés fin 2020, que le B.1, le variant Omicron. « Donc, pour protéger contre d’autres variants, peut-être que le BA.1 est meilleur. »

Pfizer a demandé vendredi dernier à Santé Canada d’approuver son vaccin bivalent BA.4/5. Moderna indique qu’elle « prévoit soumettre » une demande pour le sien.

Selon un résumé transmis par la porte-parole de Pfizer Canada, Christina Antoniou, la FDA, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Agence européenne des médicaments ont suggéré que la soumission pour le vaccin bivalent BA.4/5 inclue des données humaines de sécurité et d’efficacité pour le vaccin BA.1 et des études animales pour le vaccin BA.4/5.

Les autorisations des vaccins saisonniers contre l’influenza, le virus de la grippe, doivent s’appuyer sur des données d’efficacité humaine, mais seulement sur le plan « immunogénique », de génération d’anticorps.

L’approbation des premiers vaccins contre la COVID-19 fin 2020 nécessitait la preuve directe que les infections étaient moins graves. Les données d’efficacité pour le vaccin bivalent BA.1 sont immunogéniques.

L’annonce du DFauci qui prévoit que les États-Unis passeront à des doses de rappel une fois par année ne fait d’ailleurs pas l’unanimité. « Je pense qu’on pourrait très bien voir de nouveaux variants qui échappent à l’immunité actuelle au niveau de la réinfection, comme l’Omicron », explique Anne Sosin, spécialiste de santé publique au Collège Dartmouth, au New Hampshire. « On a encore des pics de transmission l’été. Un vaccin saisonnier fonctionne bien si les pics surviennent surtout l’hiver, comme la grippe. »

Vaccins nasaux

Une autre prochaine étape sera l’introduction de vaccins nasaux, comme la Chine l’a fait cette semaine.

« Les vaccins COVID-19 actuels protègent bien contre les maladies graves, mais moins bien contre la transmission, dit M. Piccirillo. Les anticorps sont dans le sang, mais se rendent peu aux voies respiratoires, où a lieu l’infection. »

Avec un rappel dans le bras, puis une dose nasale, on aurait une protection à la fois contre une maladie grave et contre l’infection. Mais il faudra travailler beaucoup pour y arriver, on ne sait pas combien de temps dure la protection des vaccins nasaux.

Ciriaco Piccirillo, immunologue au centre de recherche du Centre universitaire de santé McGill

Les données des vaccins nasaux antigrippaux montrent que les niveaux d’anticorps protégeant contre l’infection augmentent par rapport au vaccin dans le muscle du bras.

La technologie ARNm plus flexible

La technologie utilisée par Pfizer et Moderna pour leurs vaccins anti-COVID-19, dite « ARN messager », pourrait par ailleurs permettre de concevoir des vaccins antigrippaux saisonniers plus efficaces, parce que les souches grippales pourraient être choisies plus tard dans l’année. Il y a des années où les vaccins antigrippaux sont moins efficaces parce que les souches sont différentes de celles qui ont été choisies le printemps précédent. La technologie ARNm est plus flexible au niveau de la production.

Le DFauci a d’ailleurs prévenu la population américaine la semaine dernière que la saison grippale pourrait être aussi sévère que celle de 2019, sur la base de données australiennes. La grippe frappe d’abord l’hémisphère Sud.