Ce n’est pas fini. Une huitième vague de la COVID-19 semble inévitable. Mais ça ne sera pas pareil. L’automne ne ressemblera pas aux deux précédents parce qu’on a appris à vivre avec le virus. Les variants, imprévisibles, nous obligent toutefois à rester humbles.

« Si on est chanceux… »

Il y a une certitude. Il y aura une huitième vague de la COVID-19 à l’automne. Mais il y a aussi une grande inconnue. Quel sera le variant à l’œuvre ? Et selon sa contagiosité, sa gravité, sa capacité de déjouer la protection vaccinale, cela pourra faire toute la différence.

Face à cette grande inconnue, tous les scientifiques interrogés par La Presse, qui savent bien à quel point le SARS-CoV-2 a multiplié les surprises et déjoué tous les pronostics, sont très prudents dans leurs prévisions.

« Si on est très chanceux, le virus ne mutera pas beaucoup et la vague ne sera pas très haute, malgré la reddition importante de mesures de santé publique », avance le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal.

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Le Dr Quoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au Centre hospitalier de l’Université de Montréal

« Si on est malchanceux, on pourrait avoir un variant plus transmissible et plus virulent, échappant encore plus à l’immunité, et qui nous prendrait au dépourvu. »

À l’image de l’été

Mais une chose est claire. On n’abordera pas cette troisième rentrée automnale de la même façon que pour les deux précédentes. Les choses ont changé. On en sait beaucoup plus sur ce coronavirus et sur ses variants, la population est largement vaccinée, on a développé des traitements pour la maladie et des médicaments très efficaces pour réduire la gravité des infections. L’arrivée d’une nouvelle vague ne justifie pas le même degré d’inquiétude et de dramatisation qu’il y a eu lors de celles qui ont fait des ravages en 2020 et en 2021.

« Est-ce qu’on peut fermer la société pour voir baisser le nombre de cas ? », demande Karl Weiss, microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses à l’Hôpital général juif à Montréal.

« À mon sens, ce n’est plus faisable. Ce n’est plus faisable d’un point de vue social, d’un point de vue humain, d’un point de vue économique. Ça ne fait plus partie des règles du jeu, à moins qu’on ait un changement dramatique de la virulence du virus, ce qui est peu probable, même si ça pourrait arriver. »

Selon le DWeiss, l’automne sera à l’image de l’été, marqué par une septième vague portée par le sous-variant BA.5, où la très grande majorité des Québécois infectés ont été peu malades.

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Le Dr Karl Weiss, microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses à l’Hôpital général juif à Montréal

Je suis très optimiste. Ça ne veut pas dire qu’on n’aura pas de problèmes. Mais, globalement, d’un point de vue sociétal, la COVID-19 n’est plus du tout la même menace qu’au mois de mars 2020. Et ceux qui affirment le contraire ne voient pas de patients ; ils ne savent pas de quoi ils parlent.

Le Dr Karl Weiss, spécialiste en maladies infectieuses à l’Hôpital général juif à Montréal

D’ailleurs, il est important de rappeler que les statistiques dont on dispose, en plus d’être moins complètes qu’au début de la pandémie, tracent un portrait inexact de la situation. En cette 7e vague, seulement 716 des 2109 hospitalisations comptabilisées le 5 août l’étaient en raison de la COVID-19. Les autres patients étaient admis pour d’autres pathologies.

Ces données suggèrent aussi que les morts attribuées au SARS-CoV-2, dont le nombre a atteint 17 par jour au plus fort de la vague actuelle, sont moins élevées.

« Quand on parle des hospitalisations, ce n’est pas vrai, affirme le DWeiss. Il n’y a pas 2000 patients qui ont la COVID à l’hôpital. On est dans une société totalement ouverte. Et vous voyez que les hôpitaux fonctionnent à plein régime et qu’ils ne sont vraiment pas débordés. Oui, il y a des décès. Mais il faut voir qui meurt. Est-ce qu’ils seraient morts de toute façon sans la COVID-19 ? »

Le spécialiste ajoute que le virus ne doit plus être vu comme le « centre de la société », mais comme « un problème de la société ».

Une autre chose est claire. On a découvert que la notion d’immunité collective, sur laquelle on fondait beaucoup d’espoirs, n’existe pas. La pandémie ne va pas disparaître avec l’infection d’un grand nombre de personnes pour une raison fort simple : on n’est pas protégé pour le restant de nos jours quand on contracte le virus. On peut le rattraper.

Cela n’empêche pas d’observer une certaine nonchalance dans la population, le désir d’un retour à la normale, en cette période estivale propice aux rapprochements, aux rassemblements et aux voyages. La vague qu’on traverse semble accueillie avec une certaine indifférence. Hormis de rares personnes qui portent le masque, c’est comme si la COVID-19 n’existait pas.

Pourtant, la bataille n’est pas gagnée, rappelle Catherine Hankins, professeure en santé publique et en santé des populations à l’Université McGill.

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La Dre Catherine Hankins, professeure en santé publique et en santé des populations à l’Université McGill

« Même si les gens veulent que ce soit fini, ce n’est pas fini, insiste-t-elle. C’est encore une pandémie. Et ce qui est évident, c’est que ce n’est pas un virus saisonnier. Il y a des cycles. On peut même calculer le nombre de semaines entre les vagues. »

Des pics épidémiques

Il subsiste malgré tout plusieurs inconnues pour l’avenir.

« Est-ce que le virus a épuisé ses capacités de muter pour être plus efficace dans sa transmission ou sa virulence ? Je ne connais pas beaucoup de virologues qui sont prêts à dire oui, absolument », lâche le DNguyen.

Un des problèmes, c’est qu’il y a tellement de sous-variants d’Omicron que les vagues deviennent de plus en plus difficiles à prédire. « Les sous-variants se font la guerre pour savoir lequel va être dominant dans l’avenir », explique Guillaume Gingras, spécialiste en modélisation mathématique liée aux maladies infectieuses, à l’Université Laval.

Ce qu’on voit, c’est que les variants sont de plus de plus transmissibles et qu’il y a de plus en plus d’échappement immunitaire, donc, de plus en plus de réinfections.

Guillaume Gingras, spécialiste en modélisation mathématique liée aux maladies infectieuses à l’Université Laval

Le virologue Benoit Barbeau ajoute que la pandémie n’est pas encore en phase endémique, un phénomène qui se produit lorsque le virus est stabilisé, et qu’elle ne le sera sans doute jamais, « parce qu’on est incapable de prévoir à quel moment le virus va se pointer ni d’avoir une idée claire du nombre de cas d’infections et d’hospitalisations ».

« C’est un virus qui cause des pics épidémiques en fonction du temps de l’année », précise Alain Lamarre, expert en virologie à l’Institut national de la recherche scientifique.

« Il faut rester humbles devant ce virus qui trouve toujours le moyen de nous infecter. »

Comment se préparer à la huitième vague

Voici cinq conseils pour affronter l’automne covidien.

Prêtez votre épaule

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Les experts consultés par La Presse sont d’avis qu’il faut recevoir une dose de rappel en prévision de l’automne.

Un récent sondage sur les attitudes et comportements des Québécois, mené par l’INSPQ du 8 au 20 juillet, révèle que 69 % des personnes vaccinées n’ont pas l’intention de recevoir une autre dose de vaccin.

Les raisons invoquées sont nombreuses. Près du tiers des répondants estiment être déjà bien protégés contre la COVID-19. D’autres préfèrent attendre l’arrivée de nouveaux vaccins offrant une meilleure protection contre les variants. Beaucoup croient que la vaccination n’est pas efficace ou sont préoccupées par les effets secondaires à la suite de l’injection de nombreuses doses.

Or, les scientifiques consultés par La Presse sont d’avis qu’il faut recevoir une dose de rappel en prévision de l’automne.

« Les gens qui n’ont pas eu leur troisième dose doivent se dépêcher d’aller la chercher », conseille Catherine Hankins, professeure en santé publique et en santé des populations à l’Université McGill.

S’ils sont admissibles à la quatrième dose, ça vaut la peine aussi parce qu’on ne sait pas quand on va avoir un nouveau vaccin bivalent. On n’a aucune idée quand ça va arriver et si ça va nous aider ou non.

Catherine Hankins, professeure à l’Université McGill

Cela dit, l’importance de cette dose varie selon le degré de vulnérabilité. Plus on est âgé et plus on a des comorbidités, plus c’est important.

« Il va falloir adopter une stratégie de vaccination à géométrie variable parce que la stratégie actuelle ne s’appliquera pas à tout le monde de la même manière », estime Karl Weiss, microbiologiste et spécialiste en maladies infectieuses à l’Hôpital général juif à Montréal. « Je pense que tout le monde va devoir continuer à suivre des consignes de vaccination, mais probablement selon son âge et son groupe à risque. »

Consultez les recommandations sur les doses de rappel contre la COVID-19

Demandez des médicaments

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Le Paxlovid réduit la gravité de la maladie et doit être administré dans les premiers jours de l’infection.

Il existe des médicaments et des traitements qui réduisent la gravité de la maladie. Le Paxlovid, par exemple, doit être administré dans les premiers jours de l’infection. Il est réservé aux personnes atteintes de la COVID-19 qui sont à haut risque de complications.

Pas besoin de consulter un médecin, avec les délais que cela comporte, pour l’obtenir. Le pharmacien peut évaluer si vous êtes candidat, prescrire le médicament et l’administrer.

« J’ai traité beaucoup de gens très malades de façon très agressive et leur COVID-19 est passée comme une lettre à la poste », précise le DWeiss.

Faites vacciner vos enfants

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Depuis le 25 juillet, les enfants de 6 mois à 5 ans peuvent recevoir leur première dose contre la COVID-19.

Il faut faire vacciner les enfants. Depuis le 25 juillet, les enfants de 6 mois à 5 ans peuvent recevoir leur première dose contre la COVID-19. Pour ce qui est des 5 à 11 ans, ils ne sont adéquatement vaccinés que dans une proportion de 47 %.

« J’encourage fortement les parents à faire vacciner leurs enfants dès maintenant en prévision de la rentrée scolaire », dit Donald Vinh, microbiologiste-infectiologue au Centre universitaire de santé McGill.

« Le vaccin qu’on donne génère de bonnes réponses immunitaires, il est efficace et bien toléré », ajoute Hélène Decaluwe, pédiatre immunologue au CHU Sainte-Justine et professeure agrégée de clinique à l’Université de Montréal.

« C’est sûr que les gens peuvent dire que c’est une infection légère chez la majorité des enfants, mais pas tout le temps, souligne la spécialiste. Il y a des enfants qui vont avoir des complications, qui vont devoir être hospitalisés, surtout s’ils ont des facteurs de risque. »

On sait qu’il y a une proportion des enfants qui ont des symptômes qui persistent, deux, trois mois après leur infection, qui font ce qu’on appelle la COVID longue. Et la vaccination diminue de beaucoup le risque.

Hélène Decaluwe, pédiatre immunologue au CHU Sainte-Justine

Une autre raison de faire vacciner les enfants est de réduire « très fortement » le risque de syndrome inflammatoire post-COVID. « C’est quand même des complications qui ne sont pas bénignes », ajoute la Dre Decaluwe, qui rappelle que le vaccin ne prévient pas les infections. « Ce qu’il empêche, c’est les complications. »


Consultez les recommandations sur la vaccination des tout-petits

Aérez

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Un professeur ouvre les fenêtres de sa classe d’une école du quartier Villeray pour aérer les lieux.

Pour limiter les transmissions, une des choses les plus importantes est d’améliorer la ventilation dans les lieux clos. Dans les écoles, notamment, mais aussi dans les bureaux et les restaurants, car on sait depuis longtemps que le SARS-CoV-2 se transmet par aérosols.

Le DQuoc Dinh Nguyen, gériatre et épidémiologiste au CHUM, rêve du jour où il pourra choisir son resto en fonction de la qualité de l’air pour réduire les risques d’infection. « Il faut améliorer la ventilation. C’est à coût pénalisant nul », note-t-il.

Portez le masque intelligemment

PHOTO MORGANE CHOQUER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

La prudence sera de rigueur notamment dans les lieux clos et lors de grands rassemblements intérieurs.

Préparez-vous à un certain retour du masque si le virus se présente sous un jour plus « méchant » à la rentrée. Il n’y aura probablement pas d’obligation générale, surtout en période électorale, mais des mesures de prudence s’imposent dans les lieux clos et dans les grands rassemblements intérieurs. Le but étant de protéger les personnes les plus vulnérables, de réduire les hospitalisations et d’éviter les infections à répétition.

« Si on a attrapé le virus deux, trois, quatre, cinq fois, est-ce qu’on risque d’avoir des séquelles ou d’avoir la COVID longue ? La réponse, c’est : on ne le sait pas, admet le DVinh. Mais pourquoi prendre le risque ? »

En savoir plus
  • 34 %
    Pourcentage des patients infectés à la COVID-19 qui sont précisément hospitalisés à cause de la maladie. Les autres (66 %) ont contracté le virus, mais ont été admis à l’hôpital pour une autre pathologie.
    Source : Institut national de santé publique du Québec (INSPQ)