(Montréal) Des convois de camionneurs québécois sont en route vers Ottawa pour rejoindre des collègues provenant de la plupart des régions du Canada, afin de protester en fin de semaine contre la vaccination obligatoire des routiers qui traversent la frontière avec les États-Unis.

Une quinzaine de poids lourds se sont rassemblés vendredi avant-midi près du poste frontalier de Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, pour se joindre aux convois de camionneurs qui convergent vers Ottawa. Une centaine de supporteurs venus appuyer leurs revendications scandaient des slogans hostiles envers le gouvernement Trudeau.

La Sûreté du Québec n’est pas en mesure d’estimer le nombre de camionneurs qui prennent part au convoi à travers la province. Aucun débordement n’a été rapporté par ses effectifs déployés un peu partout sur le territoire.

Vers 11 h 30, les camionneurs ont pris la route vers Vaudreuil, à l’ouest de Montréal, où ils rejoindront des convois partis de Saint-Théophile, dans Chaudière-Appalaches, et à Stanstead, en Estrie. Ils poursuivront leur chemin vers la capitale fédérale.

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Des dizaines de sympathisants sont rassemblés un peu partout sur les viaducs qui surplombent les autoroutes 20, 15, 10 et 40.

Depuis le 15 janvier, la vaccination complète contre le coronavirus est obligatoire pour tous les camionneurs qui entrent au Canada en provenance des États-Unis pour éviter une quarantaine de deux semaines et un test de dépistage pour la COVID-19 avant leur arrivée.

Des centaines de sympathisants sont rassemblés un peu partout sur les viaducs qui surplombent les autoroutes 20, 15, 10 et 40.

La majorité des camions qui croisent ces rassemblements spontanés klaxonnent pour encourager ou remercier ces gens. Plusieurs véhicules de police encadraient les différentes parcelles de convoi, aussi composées de sympathisants en voiture arborant le drapeau canadien, fleurdelisé ou pro-Donald Trump. Le Gadsden Flag, souvent associé à l’extrême droite et au libertarianisme, a aussi été aperçu.

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Certains sympathisants en voiture, arborant différents drapeaux, sont aussi venus encourager les camionneurs.

« Moi, je suis vaccinée, mais je crois qu’il faut permettre le libre-choix », dit Joan McElroy, une manifestante rencontrée sur un viaduc surplombant l’autoroute 10, près de Granby. « Je n’aime pas voir des gens perdre leur emploi à cause d’une décision politique qui brime leurs droits. Je connais des gens autant vaccinés que non vaccinés qui ont eu des problèmes de santé et qui sont tombés malades, dit-elle. Si la vaccination obligatoire était la solution, il n’y aurait personne aux soins intensifs. »

Mélissa Bélec, croisée avec ses enfants sur un viaduc un peu plus à l’ouest, croit que la manifestation des camionneurs symbolise un grand changement d’attitude de la population en général. « Le gouvernement doit comprendre que nous, le peuple, on en a assez. Il faut que ça cesse et qu’on retrouve notre liberté. C’est criminel de faire de la ségrégation contre les non-vaccinés. »

Parti de Saint-Colomban, dans Les Laurentides, un homme rencontré près du viaduc du boulevard Cavendish faisait le plein d’un motorisé loué expressément pour l’occasion et se rentre à Ottawa. « J’ai emmené toute ma famille, tellement je suis écœuré de tout ça. On n’est plus capables des mesures sanitaires. C’est beau de voir tous les gens sur les viaducs qui nous supportent. Tout le monde est écœuré », a-t-il dit, refusant de donner son nom par crainte d’avoir des problèmes avec son employeur.

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Des personnes sur le viaduc Saint-Jean, à Pointe-Claire, expriment leur soutien aux camionneurs.

Un autre convoi prévoit un trajet à partir de l’Abitibi-Témiscamingue devant se rendre à Vankleek Hill, dans l’est de l’Ontario. D’autres proviennent des provinces des Maritimes.

Partout au Canada

Le mouvement de formation de convois a commencé en Colombie-Britannique et a attiré des participants de tout le Canada.

Des sympathisants ont annoncé qu’ils se joindraient au convoi et feraient le voyage jusqu’à Ottawa pour la manifestation en fin de semaine. Des militants qui soutiennent des opinions d’extrême droite se sont aussi joints au mouvement contre la vaccination obligatoire des routiers.

Le premier ministre Justin Trudeau s’est dit préoccupé par le potentiel de violence à l’occasion des manifestations prévues en fin de semaine sur la colline du Parlement par des camionneurs et d’autres personnes se joignant à eux.

« Bien sûr, je suis inquiet », a déclaré M. Trudeau dans une entrevue vendredi avec La Presse Canadienne.

« Un certain nombre de personnes sont là sans vouloir inciter à la violence, mais il y aura, comme nous l’avons entendu, un petit groupe de personnes qui constituent une menace pour elles-mêmes, les unes pour les autres et pour les Canadiens », a dit le premier ministre.

« Le problème est que cela s’est transformé en quelque chose de beaucoup plus vaste qui ne représente pas ce que vit la grande majorité des camionneurs, ni même la grande majorité du point de vue des Canadiens à ce sujet », a déclaré M. Trudeau.

« Les Canadiens ne sont pas représentés par cette minorité très troublante de Canadiens, petite, mais très bruyante, qui s’en prend à la science, au gouvernement, à la société, aux ordonnances et aux conseils de santé publique », a-t-il ajouté.

Le gouvernement Legault réagit avec prudence au mouvement. Selon le leader parlementaire caquiste, Simon Jolin-Barrette, les gens peuvent s’exprimer, mais cela doit être fait dans l’ordre.

« Les gens ont le droit de manifester », a-t-il d’emblée reconnu, en marge du caucus virtuel des élus de la CAQ, qui se terminait vendredi. Il s’est toutefois empressé de justifier les mesures auxquelles les protestataires s’opposent.

« Très certainement, les mesures sanitaires en place sont là pour protéger la population, pour réussir à sortir de la pandémie. Donc, les gens peuvent s’exprimer, cependant ça doit être fait dans l’ordre. »

Les forces de sécurité sur la colline du Parlement se préparent à ce que jusqu’à 10 000 manifestants débarquent au centre-ville d’Ottawa. Le Service de police d’Ottawa a prévenu les résidants d’éviter de se déplacer en ville en fin de semaine et de s’attendre à des artères bloquées. Il a aussi averti qu’il y aurait des conséquences pour les personnes s’adonnant à des actes criminels, à la violence et à des activités encourageant la haine.

L’Alliance canadienne du camionnage, qui s’est dissociée de la manifestation, affirme que plus de 85 % des 120 000 camionneurs canadiens qui traversent régulièrement la frontière américaine sont vaccinés, mais que jusqu’à 16 000 routiers pourraient être mis à l’écart en raison de la nouvelle mesure, ce qui exacerbe les problèmes de la chaîne d’approvisionnement.

Avec Léa Carrier, La Presse, et La Presse Canadienne