(Québec ) Le gouvernement Legault serre à nouveau la vis aux Québécois non vaccinés : ils devront bientôt payer une « contribution santé » pour le « fardeau » qu’ils mettent sur le réseau public de la santé.

« On pense qu’on est rendus là. Les personnes qui refusent de se faire vacciner amènent un fardeau sur le personnel et un fardeau financier important pour la majorité des Québécois », a annoncé François Legault, qui a fait le point sur la pandémie mardi, aux côtés du nouveau directeur national de santé publique, le DLuc Boileau.

Ce dernier, qui assure l’intérim après la démission lundi du DHoracio Arruda, aura rapidement à trancher sur la rentrée scolaire en présence – toujours prévue pour le 17 janvier – et le maintien du couvre-feu. Entre-temps, Québec durcit le ton à l’égard des non-vaccinés, qui se verront imposer une pénalité financière. La mesure ne vise pas ceux dont le statut vaccinal est lié à une condition de santé.

Tous les adultes au Québec qui n’accepteront pas d’aller chercher au moins une première dose au cours des prochaines semaines auront une facture à payer parce qu’il y a des conséquences sur notre réseau de la santé et ce n’est pas à l’ensemble des Québécois à payer pour ça.

François Legault, premier ministre du Québec

Québec prévient que le montant sera « significatif » sans pour l’heure le préciser. « Cinquante ou cent dollars, pour moi, ce n’est pas significatif », a fait valoir M. Legault.

Des discussions ont lieu avec le ministre des Finances, Eric Girard, sur les modalités liées à l’application de cette contribution. L’aspect légal est aussi examiné. Ce pourrait être un peu comme l’assurance médicaments, qui est payée lors de la déclaration de revenus pour ceux qui ne sont pas couverts par un régime privé.

Ce nouveau tour de vis survient après l’élargissement du passeport vaccinal à la Société des alcools du Québec et à la Société québécoise du cannabis. À la source de cette nouvelle stratégie : la pression s’accentue dans les hôpitaux et les personnes non vaccinées occupent 45 % des lits aux soins intensifs, selon le dernier bilan du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS).

Personnel recherché

Et le pire serait à venir. Québec anticipe que le prochain week-end sera « très difficile » et qu’on approche « d’un point de non-retour » au chapitre des hospitalisations (voir autre texte en écran 12). « Pour passer au travers des prochaines semaines », le gouvernement recherche activement 1000 travailleurs dans les hôpitaux et 1500 dans les CHSLD.

« Non seulement il y a plus de patients, mais il y a moins d’employés », a observé M. Legault.

Quelque 20 000 travailleurs de la santé sont sur la touche pour des raisons liées à la COVID-19.

Les autorités déploieront donc un nouveau train de mesures pour recruter et retenir les travailleurs dans le réseau.

Le détail de ces incitatifs, qui ont été discutés avec les syndicats de la santé qui font front commun (FTQ, CSN, FIQ, CSQ et APTS), sera dévoilé ce mercredi. Les mesures toucheront la sécurité au travail, « l’efficacité administrative » et l’ajout d’incitatifs financiers, a expliqué M. Legault mardi.

« On me dit que le climat est très positif », a ajouté le premier ministre, qui a rappelé l’importance de se « serrer les coudes » pour traverser la cinquième vague. Il faut rappeler que les relations entre les syndicats et le gouvernement Legault n’ont pas été au beau fixe l’automne dernier. Les modalités d’attribution de la prime de rétention de 15 000 $ par infirmière et l’imposition de conditions de travail par l’entremise d’arrêtés ministériels ont été de récentes pommes de discorde entre les parties.

Des fleurs pour Arruda

François Legault a amorcé sa conférence de presse en remerciant le DHoracio Arruda, qui a démissionné lundi de son poste de directeur national de santé publique. « Il a donné tout ce qu’il pouvait depuis 22 mois. […] Quand on vit ce genre de drame jour après jour, sept jours sur sept, ça rapproche et ça me touche parce que le DArruda, c’est quelqu’un de très attachant », a témoigné le premier ministre.

Sans préciser son rôle pour l’instant, M. Legault a indiqué que le DArruda resterait au MSSS. Il ne quitte pas non plus son poste de sous-ministre adjoint, a confirmé le Ministère. Il s’accorde pour l’heure quelques semaines de pause.

« La première chose qu’on lui doit, ce sont quelques semaines de vacances […] et je tiens à le remercier, ç’a été des moments excessivement difficiles, particulièrement dans les derniers mois », a ajouté pour sa part le ministre de la Santé, Christian Dubé.

Plusieurs analystes et chroniqueurs réclamaient le départ du DArruda depuis quelques semaines. Le premier ministre lui avait réitéré sa pleine confiance le 30 décembre, mais a admis mardi que d’apporter un nouveau visage à la tête de la Santé publique comporte certains « avantages ».

Répondre aux questions et justifier des décisions, ça amène un certain stress, surtout quand on le fait à répétition pendant 22 mois. Donc ne serait-ce que du côté d’avoir l’énergie de le faire, je pense qu’il y a des avantages à avoir une nouvelle personne pour le faire.

François Legault, premier ministre du Québec

M. Legault rejette l’idée que le DArruda serve en quelque sorte de bouc émissaire pour les erreurs liées à la gestion de la pandémie.

Celui qui assume l’intérim, le DBoileau, occupait depuis 2015 la direction de l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Il devra enfiler ses nouvelles chaussures rapidement pour déterminer si les élèves du primaire et du secondaire seront de retour en classe, comme l’espère M. Legault, à compter de lundi.

« Je n’ai pas encore eu l’opportunité de faire le point complet sur l’ensemble de la situation actuelle. Je reconnais bien qu’il y a un empressement important […] et je souhaiterais prendre les prochaines heures pour vraiment m’assurer que toute l’expertise est au rendez-vous pour soutenir une orientation [choisie] », a-t-il dit.

Il a promis une mise à jour au plus tard jeudi. Le DBoileau a par ailleurs usé de prudence lorsqu’il a été appelé à expliquer ses positions sur le port du masque N95, la vaccination obligatoire ou le couvre-feu.

Ils ont dit

Le [premier ministre] a la mauvaise habitude de prendre des décisions sans considérer les personnes vulnérables. Parmi le 10 % de non-vaccinés, il y a des sans-abri, des sans-papiers, des gens atteints de problèmes de santé mentale. Va-t-il leur envoyer une facture ? J’invite tout le monde à se faire vacciner dès maintenant. J’invite également la CAQ à dévoiler les avis juridiques et scientifiques qui appuient cette “contribution santé”.

Gabriel Nadeau-Dubois, chef parlementaire de Québec solidaire

Nous sommes tous tannés de la pandémie, des restrictions et des non-vaccinés. Mais lorsque l’on est au pouvoir, il y a une responsabilité qui nous incombe et une façon de bien faire les choses qui s’impose. Après 12 jours de silence, on s’attendait à un plan. Avec arrogance, François Legault nous fait un beau show de boucane sans avis de la Santé publique, sans aucun détail, sans avoir répondu aux questions et sans avoir consulté l’Assemblée. Encore une fois, il se base sur les sondages et son instinct politique.

Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral

Une mesure comme un impôt santé pour les non-vaccinés demande un réel débat à l’Assemblée nationale. […] Le Parti québécois souhaite évidemment des gestes visant à augmenter la vaccination, mais il faut faire des gestes qui ont réellement un impact sur la situation de la santé publique et les hôpitaux. De plus, plutôt que d’envoyer une facture aux personnes vulnérables, en situation d’itinérance ou de pauvreté qui ne sont pas vaccinées, le gouvernement devrait proposer des moyens pour les rejoindre et faciliter leur vaccination.

Joël Arseneau, chef parlementaire du Parti québécois

Les provinces et territoires continueront de prendre les décisions qui relèvent de leur compétence au sujet des mesures de santé publique. Nous sommes au courant de l’annonce récente faite par le gouvernement du Québec et nous examinerons les détails avant de formuler d’autres commentaires.

Le cabinet du ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos

La COVID nous a fait perdre beaucoup, mais il ne faut pas lui donner le pouvoir de nous faire perdre nos principes. En rappel : la Loi canadienne sur la santé. Ce sont des principes fondamentaux.

Joël Lightbound, député libéral fédéral dans la circonscription de Louis-Hébert