(Ottawa) Le président de l’Agence de la santé publique du Canada a appris qu’il pourrait avoir un « problème » avec l’officier qui a supervisé la distribution des vaccins contre la COVID-19 au Canada huit semaines avant sa démission.

Iain Stewart a expliqué que la sous-ministre de la Défense nationale l’avait informé « autour de » la troisième semaine de mars qu’il pourrait y avoir un souci avec le major général Dany Fortin.

M. Stewart n’a cependant appris que le 13 mai que ce « problème » était en fait des allégations d’inconduites sexuelles.

« C’était juste un genre d’avertissement qu’il pourrait y avoir quelque chose », a relaté M. Stewart en décrivant sa conversation à ce propos en mars dernier.

Le 13 mai, il a été informé qu’il y avait une allégation d’inconduite sexuelle contre M. Fortin et qu’un processus était enclenché. Ce même après-midi, il a discuté de la suite des choses avec la ministre fédérale de la Santé Patty Hajdu.

Le lendemain, le major général Fortin a quitté son poste de vice-président de la logistique à l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) pour la campagne de vaccination en attendant le résultat de l’enquête de la police militaire. Depuis, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (SNEFC) a transféré le dossier au directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec (DPCP) qui doit déterminer si des accusations doivent être déposées.

L’avocat de M. Fortin a assuré que son client n’était pas au courant de ces allégations avant dimanche, lorsqu’un journaliste l’a contacté pour aborder ce sujet. M. Fortin a réfuté catégoriquement avoir commis un geste répréhensible.

Cette enquête s’inscrit parmi une longue liste de plaintes déposées contre des officiers de haut rang des Forces armées canadiennes au cours des derniers mois. L’armée a été sommée de remédier à ce fléau de comportements inappropriés à l’intérieur de ses rangs.

Les commentaires de M. Stewart se sont attirés des remontrances de la part de la porte-parole conservatrice en matière de santé, Michelle Rempel Garner, vendredi matin. La députée s’est dite inquiète du message qu’on envoie quand on décide de rester muet sur une telle situation pendant près de deux mois.

« Je suis abasourdie que vous puissiez être au courant de cette affaire au milieu du mois de mars et que n’ayez rien fait », a-t-elle reproché.

Iain Stewart a insisté sur le fait qu’il ne pouvait pas être plus clair en disant qu’il ne savait pas que le « problème » était lié à une allégation d’inconduite sexuelle.

« Il y avait un possible problème, mais il n’y avait aucune allégation, a-t-il répondu. Vous dites que j’étais au courant d’une allégation. Il y avait un problème et j’étais au courant qu’il y avait un problème, mais la nature exacte n’a pas été précisée. On n’avait aucune allégation. »

Le ministre de la Défense Harjit Sajjan a aussi dit avoir été informé en mars d’une enquête portant sur M. Fortin et le premier ministre Justin Trudeau a reconnu qu’il avait appris « il y a plusieurs semaines » que quelque chose se tramait.

Michelle Rempel Garner a cherché à savoir pourquoi la santé publique ne s’était pas mieux préparée à l’éventualité de perdre le chef de la logistique de sa campagne vaccinale.

« Avez-vous tout fait pour obtenir plus d’information afin de comprendre comment cela pourrait compromettre la campagne de vaccination au Canada ? », a-t-elle demandé.

Iain Stewart a répondu qu’il avait commencé à réfléchir à un plan de remplacement, mais la situation demeurait trop floue.

« On a une équipe hautement performante et efficace impliquant plus de 200 personnes dans la distribution des vaccins et on compte sur plusieurs gestionnaires pour diriger cette équipe. Alors, la mission capitale de distribuer les vaccins était prise très au sérieux par l’organisation. À ce moment, le problème possible n’était pas clair ni les répercussions qu’il pourrait entraîner », a poursuivi le président de l’ASPC.

Le major général Fortin Dany Fortin est toujours un membre actif des Forces armées canadiennes, mais avait été nommé à la tête de la logistique de la campagne de vaccination le 27 novembre 2020. Son mandat consistait à superviser la distribution des millions de doses de vaccins reçus par le Canada et devant être distribuées aux provinces et territoires.

Le 17 mai, le gouvernement fédéral a nommé la brigadière générale Krista Brodie pour prendre la relève. Elle occupait précédemment un rôle d’adjointe, au deuxième échelon de la hiérarchie derrière M. Fortin. Elle avait toutefois quitté l’équipe en février avant de revenir aux commandes lundi dernier.

Vendredi, les membres libéraux du Comité permanent de la défense nationale qui examine l’allégation contre l’ancien chef d’état-major de la défense Jonathan Vance ont utilisé une tactique pour épuiser le temps avant qu’un vote puisse avoir lieu sur une motion conservatrice visant à appeler l’ancien chef de cabinet du ministre Sajjan.

Le critique conservateur de la défense James Bezan a d’abord présenté une motion mardi pour convoquer Zita Astravas, mais l’a mise à jour vendredi pour appeler également le ministre Sajjan et l’ancien ombudsman militaire Gary Walbourne à revenir devant le comité avant jeudi prochain.

Il a également retiré une demande visant à ce que le comité examine le traitement par le gouvernement de l’allégation contre Dany Fortin, une proposition qui avait déjà été rejetée par les membres plus tôt cette semaine.

Le député du Bloc québécois, Xavier Barsalou-Duval, a indiqué qu’il appuierait la motion de James Bezan vendredi avec un amendement qui, selon lui, contribuerait à faire en sorte qu’un rapport soit déposé au Parlement sous peu.

Mais les membres libéraux du comité ont fait de l’obstruction à la réunion, une tactique qu’ils ont également utilisée mardi, avant qu’un vote ne puisse avoir lieu et que la réunion soit suspendue.

Le comité de la défense de la Chambre des communes a spécifiquement exploré pourquoi le gouvernement n’a pas fait plus après que Gary Walbourne ait signalé l’allégation impliquant Jonathan Vance à Harjit Sajjan en mars 2018.

La nature de la plainte rapportée par Gary Walbourne n’a pas été confirmée, mais Global a signalé qu’il s’agissait d’un courriel obscène que Jonathan Vance aurait envoyé à une militaire qu’il surclassait considérablement en 2012, avant de devenir commandant de l’armée canadienne.

Jonathan Vance, qui a démissionné de son poste de chef d’état-major de la Défense en janvier et a pris sa retraite de l’armée en avril, n’a pas répondu aux demandes de commentaires de La Presse Canadienne, mais le réseau Global a rapporté qu’il nie tout acte répréhensible.