(Bruxelles) L’Union européenne a autorisé vendredi le vaccin d’AstraZeneca/Oxford contre la COVID-19 tout en accentuant ses pressions sur le laboratoire pour assurer les livraisons, illustrant une course au vaccin qui fait craindre à l’OMS que les pays pauvres restent au bord de la route.

La France a par ailleurs annoncé vendredi des mesures de restrictions renforcées, fermant notamment ses frontières avec les pays hors UE, pour tenter d’échapper dans l’immédiat à un nouveau confinement qui semble inévitable.

Annonçant sur Twitter l’autorisation du vaccin d’AstraZeneca, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a de son côté maintenu la pression sur le laboratoire, dont les 27 fustigent les retards de livraison.

« J’attends de l’entreprise qu’elle livre les 400 millions de doses comme convenu », a-t-elle souligné.  

Le PDG d’AstraZeneca, Pascal Soriot, s’est empressé de déclarer qu’« une première livraison d’environ 3 millions de doses devrait être envoyée dans les tout prochains jours ».

AstraZeneca/Oxford est le troisième vaccin à être avalisé dans l’UE après ceux de Pfizer/BioNTech et de Moderna.

L’Agence européenne des médicaments (EMA) avait approuvé plus tôt dans la journée l’utilisation dans l’UE de ce vaccin pour les plus de 18 ans.

Les pays de l’UE guettaient la décision du régulateur, se demandant s’il allait ou non suivre l’exemple de la commission de vaccination allemande, qui avait déconseillé jeudi ce vaccin pour les plus de 65 ans, des doutes relayés par le président français Emmanuel Macron.

L’autorité vaccinale allemande a réitéré vendredi sa recommandation, prenant le contre-pied du régulateur européen.

Cette controverse ajoute à la confusion en Europe autour du vaccin du laboratoire britannique, dans un contexte de tensions du fait de livraisons inférieures à ce qui était prévu.  

AstraZeneca a expliqué ne pouvoir livrer qu’« un quart » des doses initialement promises à l’UE au premier trimestre.

Paris a appelé vendredi à « clarifier » les retards de livraison d’AstraZeneca à l’UE, les Européens ne pouvant être pénalisés au bénéfice d’un « autre pays ».

La Commission européenne a accentué la pression en publiant en ligne, partiellement, le contrat signé avec AstraZeneca.

Bruxelles a par ailleurs adopté vendredi un mécanisme permettant de contrôler les exportations hors de l’UE des vaccins qui y sont produits et d’empêcher la sortie de doses destinées aux Européens.

Mais elle a renoncé au final à y inclure l’Irlande du Nord après de vives critiques britanniques lui reprochant de compromettre des accords passés dans le cadre du Brexit.

L’UE prévient qu’elle veillera toutefois à empêcher que « les transits de vaccins […] vers des pays tiers (soient) utilisés abusivement pour contourner les effets du système d’autorisation ».

L’EMA a par ailleurs indiqué s’attendre à recevoir « prochainement » une demande d’autorisation du vaccin développé par Johnson & Johnson, évoquant des « résultats prometteurs ». Ce laboratoire a annoncé vendredi que son vaccin était efficace à 66 %.

De son côté, la Hongrie, critique des « lenteurs » de Bruxelles, est devenue vendredi le premier pays de l’UE à approuver le vaccin du laboratoire chinois Sinopharm, dont elle a aussitôt commandé 5 millions de doses.

Variants et vaccins

« Si nous ne partageons pas, il y aura trois problèmes majeurs », a de son côté mis en garde le patron de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus. « Un : un échec moral catastrophique, deux : cela permettra à la pandémie de continuer à faire rage, et trois : une reprise économique très lente ».

Quelque 63 % des doses administrées le sont dans les pays riches (Europe, É.-U. et pays du Golfe) concentrant 16 % de la population mondiale. Plus de 86,5 millions de doses de vaccins anti-COVID-19 ont été administrées dans au moins 73 pays ou territoires, selon un comptage de l’AFP. L’Algérie doit démarrer samedi sa campagne de vaccination.

Ces annonces interviennent sur fond d’inquiétudes en Europe et ailleurs, où se répandent des variants du coronavirus plus contagieux et peut-être plus mortels, posant la question de l’efficacité des vaccins.  

La France va fermer à partir de dimanche ses frontières aux pays extérieurs à l’UE et fermer ses grands centres commerciaux, a annoncé vendredi le premier ministre Jean Castex.  

L’Allemagne interdit à partir de samedi les entrées sur son territoire par voie terrestre, maritime et aérienne de personnes venant de cinq pays fortement touchés par les différents variants de la COVID-19.

Et le Canada va lui aussi durcir les restrictions à l’entrée sur son sol, des mesures qui visent à « décourager les voyageurs » afin de freiner la propagation des nouveaux variants, a admis le premier ministre Justin Trudeau.

Seule l’Italie s’apprêtait vendredi à annoncer un assouplissement des restrictions dans plusieurs régions en dépit des mises en garde d’experts de santé.

Parallèlement, des experts de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont entamé vendredi des investigations ultra-sensibles sur les origines de la pandémie à Wuhan, dans le centre de la Chine, où elle s’était déclarée fin 2019.  

« Ingérence politique »

Les États-Unis ont exigé une enquête « claire et poussée ». Pékin a répliqué en rejetant toute « ingérence politique ».

Dans le monde, la COVID-19 a fait au moins 2 191 865 morts et contaminé plus de 101 436 360 personnes, selon un bilan de l’AFP vendredi. Le variant britannique s’est étendu à 70 pays et le variant sud-africain à 31 pays, selon l’OMS.

La pandémie a de nouveau décéléré cette semaine dans le monde (-11 %), mais les chiffres restent élevés : 564 300 nouveaux cas par jour en moyenne. Sur la seule journée de jeudi, 16 326 nouveaux décès et 589 862 nouveaux cas ont été recensés.