« Résumer la réponse immunitaire à des anticorps, c’est manquer de respect au système immunitaire », dit le virologue Andrés Finzi, de l’Université de Montréal. Les résultats des travaux de recherche qu’il a présentés mardi à la communauté scientifique montrent à quel point, en effet, la mesure du niveau d’anticorps ne permet pas à elle seule d’évaluer la protection par rapport au coronavirus SARS-CoV-2.

Les chercheurs montréalais, rattachés pour la plupart au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), ont étudié sur une longue période différents échantillons de plasma sanguin prélevés chez 32 personnes qui ont souffert et se sont remises d’une forme légère de la COVID-19. Leurs résultats – diffusés en prépublication mardi – montrent qu’au fil des mois suivant la guérison, le niveau des anticorps a diminué plus ou moins rapidement selon le type d’anticorps mesuré. Dans le cas de deux anticorps en particulier (IgM et IgA), la majorité des donneurs n’en présentaient plus aucune trace dans leur plasma sanguin après 31 semaines.

Mais il ne suffit pas de mesurer ce taux d’activité neutralisante pour évaluer la force du système immunitaire, dit Andrés Finzi. Le chercheur pointe vers une sorte de globules blancs, les cellules B mémoires (lymphocytes B), et leur capacité à reconnaître l’agresseur et à produire des anticorps au besoin : chez 92 % des donneurs étudiés, leur niveau a crû depuis l’attaque initiale puis est resté quasi intact, huit mois après l’infection.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le virologue Andrés Finzi

Ce qu’on voit est quand même extraordinaire.

Andrés Finzi, virologue au CHUM

Ces observations concordent avec celles d’autres chercheurs à l’étranger, dont ceux de l’Université Rockefeller aux États-Unis, dont les résultats publiés la semaine dernière dans la revue scientifique Nature confirmaient que la protection offerte par les cellules B mémoires durait au moins six mois.

Est-ce que la réponse immunitaire sera semblable chez les personnes qui ont reçu le vaccin ? C’est ce que s’attend à retrouver le virologue, au fil des recherches qu’il mène également sur cette question.

Plus grave, mieux immunisé ?

Aux côtés des lymphocytes B, qui produisent les anticorps, se trouve un autre type de cellules mémoires : les lymphocytes T, qui s’attaquent directement à l’antigène. Étonnamment, les personnes qui ont souffert d’une forme légère de la COVID-19 garderaient dans leur plasma des cellules T mémoires « dysfonctionnelles » qui seraient moins aptes à travailler efficacement. Mais chez les personnes qui ont souffert d’une forme grave de la maladie, les cellules T mémoires tendent à être plus nombreuses, et à rester plus longtemps dans l’organisme. « Les résultats de cette étude suggèrent que les personnes qui ont souffert de forme sévère de la COVID-19 pourraient avoir une immunité à long terme plus forte », a commenté le professeur Pandurangan Vijayanand, de l’Institut d’immunologie La Jolla, en Californie. Ses travaux ont été publiés le 21 janvier dans la revue Science Immunology.