Quels travailleurs, après combien de temps et dans quel contexte, pourront retourner au travail plus tôt malgré un diagnostic positif de COVID-19 ? Québec a présenté mercredi les grandes lignes de ce plan qui vise à éviter les ruptures de services dans le réseau de la santé et dans les services essentiels offerts à la population.

Un travailleur de la santé déclaré positif à la COVID-19, adéquatement vacciné, pourra retourner au travail après 7 jours d’isolement, si une rupture de services menace son lieu de travail, a indiqué mercredi le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Une personne non vaccinée devra toutefois demeurer en confinement 10 jours.

« Une étude, qui a été très convaincante, a démontré que ça prend de 5 à 7 jours pour que la charge virale d’une personne doublement vaccinée soit grandement diminuée », indique le DDonald Vinh, infectiologue-microbiologiste au Centre universitaire de santé McGill.

Il invite toutefois à la prudence. « Après 7 jours, une personne doublement vaccinée qui est infectée n’a pas une charge virale de zéro. Elle peut quand même contaminer quelqu’un, mais les risques sont moins grands. Donc, on peut comprendre qu’une personne pourrait retourner travailler à ce moment », ajoute-t-il.

Par ailleurs, un travailleur de la santé asymptomatique exposé à un cas de COVID-19 pourra continuer de travailler. Il devra toutefois se faire tester dès que possible, et ce, tous les deux à trois jours, jusqu’à la 10journée suivant son contact avec la personne infectée.

« Ce n’est pas la mesure idéale, mais dans le contexte actuel, ça peut être un bon compromis », soutient le DVinh.

Un professionnel de la santé qui demeure avec une personne infectée pourra quant à lui retourner à son lieu de travail seulement s’il s’est isolé pendant 7 jours, est asymptomatique et travaille dans un endroit où une rupture de services est imminente.

Un travailleur de la santé non vacciné ou ayant reçu une seule dose de vaccin qui a été en contact avec une personne infectée pourra seulement venir travailler si une rupture de services est imminente. Dans le cas contraire, il devra demeurer en isolement 7 jours.

Enfin, si un professionnel a des symptômes qui s’apparentent à ceux de la COVID-19, il doit obtenir un test de dépistage négatif et attendre que ses symptômes s’atténuent pour retourner au travail.

Jusqu’à maintenant, un travailleur devait demeurer en isolement pour une durée de 10 jours s’il avait été en contact étroit avec une personne infectée par la COVID-19 ou s’il était atteint de la COVID-19. Mardi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a annoncé que cette durée pourrait être réduite sous certaines conditions.

Ces nouvelles mesures ont pour but de limiter le délestage dans les hôpitaux. « C’est particulièrement un outil pour le maintien de services de santé de niveau 3 », a affirmé le DYves Jalbert, directeur médical de la protection de la santé publique au MSSS, lors d’une rencontre d’information destinée aux médias.

La semaine dernière, le ministre de la Santé avait annoncé que le Québec se situait au niveau 3 de son plan de délestage, sur un maximum de 4.

En fin de journée mercredi, le Collège des médecins du Québec s’est dit d’accord avec ces critères, affirmant que cette mesure ne constituait pas une violation de son code de déontologie.

Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal, craint toutefois que la gestion de ces retours au travail entraîne une lourdeur pour le milieu de la santé. « L’inquiétude de la part des collègues de travail pourrait aussi gêner au bon fonctionnement de ces mesures », dit-il.

Il est à noter qu’en date du 28 décembre, 8577 travailleurs du réseau de la santé étaient absents en raison de la COVID-19, selon des données du MSSS obtenues par La Presse. De ce nombre, 3573 employés sont positifs à la COVID-19 et 2452 sont en absence préventive. De plus, 2097 travailleurs sont en processus de dépistage du virus, tandis que 455 ont refusé de se faire tester.

Les autres travailleurs essentiels

Les personnes asymptomatiques qui travaillent dans un milieu essentiel, autre que celui de la santé, pourront retourner au travail après 5 jours d’isolement. Elles devront toutefois s’isoler au travail et prendre leur pause et leur dîner dans une pièce réservée aux personnes infectées. Cette mesure ne s’appliquera qu’en cas de rupture de services.

« Les travailleurs essentiels, comme ceux qui travaillent dans les abattoirs, sont peut-être dans des milieux restreints qui ne sont pas idéalement ventilés. Dans ces cas, c’est peut-être mieux d’attendre 7 jours au lieu de 5 avant de les faire revenir au travail », indique le DVinh. Reporter le moment de leur retour au travail permettrait de réduire les risques d’éclosions, estime-t-il.

Les personnes qui ont été en contact avec un cas positif pourront retourner au travail après 5 jours d’isolement, s’il y a une rupture de services imminente. Elles devront toutefois obtenir un résultat négatif à un test rapide passé au 6jour de leur isolement et devront s’isoler pendant leurs pauses.

En cas de rupture de services, les personnes ayant été en contact avec un cas positif et ayant eu trois doses de vaccin n’auront qu’à s’isoler pendant 3 jours, mais devront obtenir des tests rapides négatifs aux 4e, 5e et 6jours.

IMAGE TIRÉE DU SITE DE L’INSTITUT NATIONAL DE SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC

En dernier recours, l’entreprise doit entrer en contact avec la direction régionale de santé publique de son secteur pour déterminer une procédure à suivre.

« On parle de mesures extraordinaires pour préserver les services qui ont un impact direct sur la santé ou la sécurité », a déclaré le DRichard Massé, conseiller médical stratégique de la Direction générale de la santé publique.

Selon l’Institut national de santé publique du Québec, ces mesures pourraient être appliquées notamment chez les employés d’un service d’urgence (policiers, pompiers, ambulanciers), d’un service public essentiel, comme la distribution d’eau potable, ou d’un marché alimentaire qui approvisionne une communauté éloignée.

Avec la collaboration de Lila Dussault, La Presse

Quelques questions

Est-ce que les travailleurs infectés travailleront uniquement auprès de patients atteints de la COVID-19 ?

Les travailleurs infectés seront « en pratique une très petite portion des gens qui vont sortir de leur isolement, parce que c’est la dernière catégorie qu’on va aller chercher », a tenu à souligner le DYves Jalbert. Il a indiqué qu’il n’y avait actuellement aucune directive très stricte pour déterminer dans quel milieu travailleront les professionnels infectés, et que cette décision relèverait des établissements de santé. « On va quand même tendre certainement à faire en sorte que les gens eux-mêmes infectés travaillent avec des gens qui le sont aussi », a cependant ajouté M. Jalbert.

Est-ce que le port du masque N95 sera obligatoire ?

Dans le milieu de la santé, les masques N95 sont accessibles pour « une bonne partie des travailleurs », a indiqué le DRichard Massé. « En ce moment, on est en train de finaliser une approche qui a été élaborée avec la CNESST pour qu’on élargisse encore l’utilisation des N95 », a-t-il ajouté. Pour l’instant, la distribution de ces masques dans d’autres milieux de travail n’est pas prévue, mais il n’est pas exclu que leur usage soit recommandé éventuellement.

Un professionnel de la santé sera-t-il tenu d’informer son patient qu’il a la COVID-19 ?

Le DYves Jalbert a fait savoir que « des discussions » auraient lieu sur cette question, mais que pour l’instant, aucune directive en ce sens n’avait été adoptée.

— Coralie Laplante, La Presse