Des familles déplorent l’isolement que les nouvelles restrictions vont provoquer chez leurs proches

Monique Verdy, 90 ans, ne verra pas ses filles cette semaine. La résidante du Manoir Fleury, un établissement pour aînés, s’est fracturé une hanche en voulant aller vers son lit. Hospitalisée, elle ne pourra donc recevoir de visiteurs en vertu d’une récente directive qui restreint les visites dans certains hôpitaux.

Elle est soignée au centre hospitalier de St. Mary, où on a prévenu la famille que les visites ne seraient plus permises. Une perspective désolante pour sa mère, affirme sa fille Louise Jones.

« Quand on est âgée comme ça, c’est normal d’avoir des problèmes cognitifs et d’être perturbée. Ça nous rassurerait que quelqu’un puisse être avec elle. Elle pourrait mourir seule », ajoute-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Monique Verdy

Mme Verdy a beaucoup souffert lors de la première vague de COVID-19, insiste sa fille. Elle est passée d’un appartement où elle était autonome à une résidence privée. L’isolement forcé durant la pandémie l’a rendue triste, confuse, en plus d’entraîner une dégradation de son état de santé.

Une semaine à dix jours sans voir de visages familiers, c’est un univers d’attente pour une personne âgée qui peut perdre ses repères facilement.

Louise Jones, dont la mère, Monique Verdy, est hospitalisée à St. Mary’s

Le père d’Anouk Bienvenu est hospitalisé depuis le 5 août à la suite d’un diagnostic de cancer. Son quatrième en 12 ans, dit sa fille en soupirant.

« C’est la présence de ma mère à son chevet qui a permis à papa de passer au travers », confie-t-elle au bout du fil. L’isolement, les problèmes de santé, les va-et-vient en salle d’opération ont été éprouvants pour l’homme de 77 ans.

La femme du malade s’est donnée corps et âme pour s’assurer du suivi des soins prodigués au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), souligne Mme Bienvenu.

Les aidants naturels ne sont pas juste là pour s’asseoir sur une chaise et faire la jasette. Ils contribuent à la guérison du patient.

Anouk Bienvenu, dont le père est hospitalisé au CHUM

Sa mère aide son père à comprendre les recommandations des nombreux spécialistes qui suivent son cas depuis des mois.

« Enlever les visites de ma mère, ça enlève la possibilité à mon père de s’améliorer au quotidien. Il va être plus isolé. Il s’aligne vers une petite dépression », se désole Anouk Bienvenu.

C’est pourquoi l’interdiction de visites annoncée cette semaine à l’hôpital universitaire la préoccupe. « Il y a quelqu’un, quelque part qui manque un peu de jugement et d’humanité. »

Les soignants doivent être protégés du virus et les risques d’éclosion, minimisés, nuance-t-elle toutefois. Mais sa mère étant triplement vaccinée et essentielle au rétablissement de son père, elle voit une certaine injustice dans cette nouvelle règle.

Interdiction ou restriction des visites

Depuis dimanche, le CHUM interdit toutes les visites à ses patients, sauf pour des « raisons humanitaires telles que les soins de fin de vie, l’aide médicale à mourir et les accouchements », peut-on lire dans un communiqué diffusé par l’établissement de santé. La progression du variant Omicron justifie la décision du CHUM.

« Les visites ont été permises ces derniers jours afin d’offrir à nos patients un Noël plus humain », a affirmé Lucie Dufresne, conseillère en communications au CHUM, dans un courriel adressé à La Presse.

Le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a plutôt pris la décision de restreindre les visites aux soins intensifs de l’hôpital Royal Victoria, de l’Hôpital général de Montréal et de l’Hôpital neurologique de Montréal. À partir du 26 décembre, et ce, pour les deux prochaines semaines, seuls les patients en fin de vie pourront recevoir la visite de leurs proches.

« La décision de restreindre les visites a été prise à titre préventif et non en réponse à une surcapacité de cas de COVID-19 », a indiqué Sandra Sciangula, porte-parole du CUSM.

Les visites des proches aidants sont également suspendues aux soins intensifs et dans les zones rouges du centre hospitalier de St. Mary, de l’Hôpital général du Lakeshore et de l’Hôpital de LaSalle, a confirmé par courriel la porte-parole du CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, Annie Charbonneau.

« Cette décision est justifiée par la volonté d’atténuer les risques d’éclosions dans les secteurs sous haute surveillance et d’éviter les bris de services », a ajouté la porte-parole. Les visites pour des raisons humanitaires – dans le cas d’une personne en fin de vie ou recevant des soins palliatifs – sont toutefois permises.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) interdit pour sa part la présence de visiteurs dans les centres hospitaliers, mais accepte les visites d’un nombre limité de proches aidants.

« La directive générale veut qu’un patient puisse avoir une [personne proche aidante] à la fois, et ce, à un maximum de deux par jour. Il est nécessaire pour les proches d’identifier un maximum de quatre proches aidants différents pouvant se relayer », a précisé par écrit la porte-parole du MSSS, Marie-Louise Harvey.

Les proches aidants sont d’ailleurs tenus de présenter leur passeport vaccinal avant d’entrer dans un hôpital, à quelques exceptions près, comme une personne qui accompagne une femme qui accouche ou un jeune de moins de 18 ans.