(Québec) La ministre Marguerite Blais maintient le suspense quant à savoir si elle participera aux audiences de la coroner Géhane Kamel sur les décès de personnes âgées ou vulnérables survenus dans des milieux d’hébergement au cours de la première vague de COVID-19.

En congé de maladie depuis le 29 octobre pour une durée indéterminée, Mme Blais — la ministre responsable des Aînés et des Proches aidants — souffre d’épuisement professionnel et doit en parallèle composer avec un problème persistant à une jambe.

Elle a été assignée à témoigner le 16 novembre prochain, au palais de justice de Québec, mais le ministère de la Justice indique désormais que « des échanges de nature confidentielle ont lieu entre les procureurs de la coroner et ceux du Procureur général quant au témoignage prévu ».

Dans son message transmis à La Presse Canadienne, le ministère prend également le soin de préciser que le Conseil des ministres a adopté un décret afin de confier temporairement toutes les responsabilités de Mme Blais au ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé.

Mme Blais est « vraiment au repos », affirme de son côté l’attachée de presse de la ministre, Lyann St-Hilaire. « Une décision sera prise au moment opportun. »

Interrogé à cet effet, le Bureau du coroner a souligné que le nom de Marguerite Blais figurait toujours à la liste des témoins, avec la mention « date sujette à changement », et que règle générale, « un témoin assigné doit se présenter devant le coroner à la date prévue sauf indication contraire du coroner ».

En février dernier, le coroner en chef adjoint du Québec, Luc Malouin, déclarait dans les pages du Devoir au sujet de l’enquête sur les CHSLD qu’« un coroner peut assigner n’importe qui à venir témoigner. […] Les personnes sont obligées de témoigner sous peine d’outrage au tribunal ».

Selon la porte-parole de l’opposition officielle pour les aînés et les proches aidants, Monique Sauvé, il est non seulement important mais « essentiel » que Marguerite Blais vienne expliquer le rôle qu’elle a joué durant la première vague de COVID-19 devant la coroner le 16 novembre prochain.

« C’est absolument important pour les plus de 6000 familles qui vivent encore dans ce deuil profond d’avoir non seulement perdu un être cher mais dans des circonstances épouvantables, on le sait, manque de soins, déshydratation, ils ont été finalement laissés à eux-mêmes, sans même avoir les proches auprès d’eux.

« Il faut que la ministre puisse […] témoigner, a insisté Mme Sauvé en entrevue. Je suis sensible à sa situation de santé, mais elle a un rôle prépondérant de responsable des aînés. […] N’oublions pas une chose : M. Dubé n’était pas là à la première vague. » Il était président du Conseil du trésor jusqu’en juin 2020.

Mme Sauvé a dit s’attendre à ce que la ministre explique pourquoi on a empêché les proches aidants d’entrer dans les CHSLD. « J’ai posé la question au Dr Horacio Arruda, ce n’était pas la Santé publique. Quand je pose la question à la ministre, ce sont des décisions des PDG, des ministères. Bref, personne ne m’a confirmé pourquoi on a pris la décision et qui a pris la décision. »

En entrevue à Radio-Canada en septembre 2020, Mme Blais avait reconnu sa responsabilité dans l’hécatombe causée par la COVID-19 en CHSLD. Elle avait admis son impuissance, affirmant : « On a eu la COVID et on a perdu beaucoup d’aînés. C’est très difficile. Je sais que j’ai perdu la bataille des CHSLD. »

L’enquête de la coroner Kamel se penche sur les décès survenus dans des milieux d’hébergement au cours de la première vague de la pandémie. Pendant cette période, du 25 février au 11 juillet 2020, les Québécois de 70 ans et plus ont compté pour 92 % des décès dus à la COVID-19, d’après des données de l’Institut national de santé publique du Québec.

Son objectif n’est pas de désigner un coupable, mais bien de formuler des recommandations pour éviter de futures tragédies. Six CHSLD et une résidence pour personnes âgées ont été désignés comme échantillon. Un décès a été examiné pour chaque établissement. Depuis lundi, la coroner se penche sur la gestion provinciale de la crise.