Les Montréalais qui résident dans les secteurs très défavorisés de la ville ont été deux fois plus touchés par la COVID-19 que ceux qui vivent dans les quartiers très favorisés. La mortalité y est également deux fois plus élevée.

Ainsi, le taux global de mortalité sur les territoires des CLSC de Parc-Extension, Montréal-Nord, Saint-Michel, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies et Pointe-aux-Trembles a été particulièrement élevé, tandis que les Montréalais de Lac-Saint-Louis, Métro (au centre-ville), Bordeaux-Cartierville, Villeray et Mercier-Ouest ont été nettement plus épargnés.

C’est ce que constate la Direction régionale de santé publique de Montréal dans une analyse toute fraîche obtenue par La Presse portant sur les liens entre la défavorisation matérielle et la transmission de la COVID-19.

Écarts

Si l’on exclut les milieux de vie fermés, les personnes vivant dans des secteurs très défavorisés ont été 2,75 fois plus atteintes de la COVID-19 lors de la première vague, tandis qu’elles ont été respectivement 2,24 fois et 2,07 fois plus atteintes que les personnes vivant dans des secteurs très riches de Montréal lors des deuxième et troisième vagues.

Du 23 février 2020 au 17 juillet 2021, le taux de mortalité associé à la COVID-19 pour l’ensemble de Montréal était de 56,3 pour 100 000 personnes en ménage privé.

Ce qui frappe, c’est que même s’ils rétrécissent de vague en vague, les écarts persistent.

Véronique Nadeau-Grenier, porte-parole du dossier à la Santé publique de Montréal

Des mesures de dépistage plus rapides durant la deuxième et troisième vague ont à tout le moins pu réduire les inégalités entre les quartiers riches et les quartiers pauvres, explique-t-elle.

Des efforts particuliers ont en effet été faits ponctuellement quand les taux montaient dans un arrondissement ou un autre.

IMAGE TIRÉE D’UN DOCUMENT DE LA SANTÉ PUBLIQUE DE MONTRÉAL

Taux de mortalité liés à la COVID-19, CLSC de Montréal, 23 février 2020 au 17 juillet 2021 (excluant les milieux fermés)

Emploi, logement, transport…

Des emplois à risque de contamination élevé (notamment dans les services essentiels), le manque de logements salubres et de taille suffisante (qui permettraient de s’isoler si l’on est atteint) de même que l’utilisation des transports en commun sont évoqués par la Santé publique comme autant d’hypothèses des écarts observés entre les territoires.

Dans le document de même qu’en entrevue, la Santé publique souligne néanmoins qu’elle continue de promouvoir l’utilisation des transports en commun, d’autant qu’autobus et métros ne sont pas considérés comme des vecteurs de transmission importants, dit Véronique Nadeau-Grenier, porte-parole du dossier à la Santé publique de Montréal.

Les quartiers les plus touchés comptent aussi parmi ceux où les taux de vaccination sont plus faibles, fait-on remarquer. C’est en effet le cas, dit Mme Nadeau-Grenier, mais cet aspect des choses n’a pas été au cœur du document qui vient d’être publié. (Lors de la première vague, la vaccination n’était pas disponible.)

Des résidants au front

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti, qui vient en aide aux personnes défavorisées de Saint-Michel, rappelle combien les gens de ce secteur ont été nombreux à être au front, en première ligne, à travailler notamment dans les hôpitaux. Et ce, dès le début, quand on en savait encore bien peu sur la COVID-19 et qu’on n’y était pas préparé.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti

Au début, des préposés nous appelaient, nous disaient qu’au travail, il n’y avait pas assez de masques, pas assez de vêtements de protection. Certains avaient tellement peur de rapporter la COVID-19 à la maison qu’ils dormaient dans la voiture.

Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti

Même si les résidants de ce secteur voulaient suivre les consignes sanitaires, cela pouvait être difficile, raconte-t-elle. Les appartements sont souvent bondés, les familles vivent souvent dans des maisons multigénérationnelles et même les commerces sont petits. « Dans ces conditions, la distanciation physique est difficile », explique Mme Villefranche.

Plaidoyer pour de meilleures conditions de vie

Ces données tragiques sur l’impact beaucoup plus grand de la COVID-19 chez les plus pauvres amènent la Santé publique de Montréal à plaider notamment pour le financement de nouveaux logements sociaux et communautaires. Elle saisit aussi l’occasion pour réitérer l’importance de « limiter la mobilité des travailleurs d’agence, pour qu’ils soient le plus souvent affectés à une même entreprise, un même poste et travaillent avec des équipes stables ».

Avant même la COVID-19, l’espérance de vie pouvait varier de plus de 10 ans entre certains quartiers, selon la Santé publique de Montréal. Les personnes issues des ménages les plus pauvres souffrent davantage d’obésité, de maladies cardiovasculaires, d’asthme et d’autres problèmes de santé.