Alors que la campagne de vaccination des 5 à 11 ans doit commencer sous peu, plus du quart des parents québécois n’ont pas l’intention de faire vacciner leurs enfants de cet âge, selon un sondage de l’INSPQ. Des parents rencontrés par La Presse mercredi se disent prêts à cette étape, tandis que d’autres qualifient la vaccination pour cette tranche d’âge « d’absurde ».

Aux abords de l’école primaire Saint-Bernardin, dans Saint-Michel, Hichem Kouiret estime que la vaccination chez les 5 à 11 ans est précipitée. « Les choses s’améliorent, alors je ne vois pas vraiment la nécessité d’aller jusque-là, vu qu’on parle déjà de l’après-pandémie », soutient-il. Le père de famille, lui-même vacciné, s’inquiète des effets secondaires du vaccin chez les enfants.

Mélanie Tremblay craint elle aussi les effets secondaires du vaccin chez les plus jeunes. « On verra », laisse-t-elle tomber, en disant préférer attendre avant de faire vacciner ses enfants.

Selon les résultats d’un sondage de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) diffusés le 19 octobre, 27 % des parents québécois n’ont pas l’intention de faire vacciner leur enfant de 5 à 11 ans, alors que 63 % disent vouloir le faire et que 10 % ne sont pas certains.

Toujours d’après l’Institut, l'intention de faire vacciner les enfants – sans mention d’âge – a chuté de près de 10 % depuis la fin de septembre. Selon le Dr Olivier Drouin, pédiatre au CHU Sainte-Justine, à Montréal, cette baisse d’intention s’explique probablement par une situation épidémiologique plus favorable qu’il y a quelques semaines. « S’il y a une augmentation de la transmission, les parents sont peut-être plus intéressés à faire vacciner leurs enfants, contrairement au moment où les choses semblent sous contrôle avec le nombre de cas qui diminue », a-t-il expliqué.

Mercredi, le gouvernement Legault a annoncé que l’urgence sanitaire serait levée après la vaccination des enfants de 5 à 11 ans. En attendant le feu vert de Santé Canada, Québec se prépare à vacciner cette tranche d’âge depuis septembre.

Une nouvelle étape dans la vaccination des enfants canadiens a été franchie lundi, alors que les sociétés pharmaceutiques Pfizer-BioNTech ont déposé leur requête d’autorisation auprès de Santé Canada. Chez les 5 à 11 ans, cette demande s’appuie sur les données d’essais cliniques où deux doses de 10 microgrammes (mcg) du vaccin ont été administrées à 2268 participants.

Horacio Arruda, directeur national de santé publique, a affirmé en septembre dernier qu’il prévoyait « être en mesure de commencer fin octobre, début novembre » l’opération de vaccination chez les 5 à 11 ans, ce qui arrive désormais bien vite. On estime ce groupe à quelque 650 000 enfants au Québec.

Enjeux d'acceptabilité

À l’école Saint-Bernardin, Aicha Lakdim est indécise quant à la vaccination de son enfant de 8 ans. « Je ne sais pas encore ce que je dois faire », admet-elle, en haussant les épaules. À quelques pas de là, Raouf Aissi qualifie la vaccination de cette tranche d’âge « d’absurde ». « Chez les enfants, il n’y a pratiquement aucun risque [de complications], ce sont des gens en bonne santé », fait-il valoir.

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Aicha Lakdim et deux de ses enfants

Comment expliquer cette réticence des parents, alors que les résultats du sondage de l’INSPQ révèlent que 90 % des répondants – des adultes québécois – sont eux-mêmes adéquatement vaccinés ? Il est connu que le groupe d’âge des 5 à 11 ans est beaucoup moins à risque d’avoir des conséquences graves de la COVID-19, affirme l’anthropologue de l’Université Laval Ève Dubé, qui analyse l’attitude des Québécois envers la vaccination pour l’INSPQ. « Donc, ça a probablement un impact sur l’intention des parents », estime-t-elle.

Parmi les résultats de l’INSPQ, Mme Dubé dit avoir été « particulièrement marquée » par le fait que 22 % des parents disent être totalement en désaccord avec la vaccination des enfants de 5 à 11 ans.

Il y aura certainement plus d’enjeux d’acceptabilité pour ce groupe d’âge.

Ève Dubé, anthropologue de l’Université Laval, à propos des 5 à 11 ans

Certains parents peuvent s’inquiéter du fait que le vaccin n’est pas encore approuvé par Santé Canada pour cette tranche d’âge, selon le DOlivier Drouin. « Il y a des milliers d’adolescents de 12 à 17 ans qui ont été vaccinés, donc ça peut rassurer certains parents, tandis que pour les 5 à 11 ans, le vaccin n’est toujours pas accepté et donc c’est toujours l’inconnu », explique le pédiatre.

Limiter les risques et les éclosions

Kamel Abderrahim fera assurément vacciner son garçon de 11 ans. « J’ai été l’un des premiers à être vacciné », se félicite M. Abderrahim, qui travaille dans le réseau de la santé. Ce dernier vante les réussites de la vaccination, qu’il constate chaque jour dans le cadre de son emploi.

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Kamel Abderrahim, père d'un garçon de 11 ans

L’une des raisons de vacciner les enfants de cette tranche d’âge est d’éviter les manifestations graves de la COVID-19 chez les enfants, soutient le DOlivier Drouin. Si ces dernières sont rares, elles sont néanmoins possibles. « Il y a eu quelques centaines d’enfants depuis le début de la pandémie qui ont eu besoin d’être hospitalisés », soulève-t-il.

Il y a aussi le risque de COVID longue présent chez les jeunes, estime André Veillette, professeur de médecine et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Certains enfants ont des symptômes persistants de la COVID-19 plusieurs semaines, voire plusieurs mois après avoir été infectés.

Finalement, si on est vacciné, on a probablement moins de risque d’attraper la COVID-19, donc de la transmettre, et ça peut potentiellement limiter les éclosions dans les écoles et limiter la transmission au niveau de la communauté.

Le Dr Olivier Drouin, pédiatre au CHU Sainte-Justine

Virginia Zuleta, mère d’un garçon de 10 ans, espère que le vaccin sera administré dans les écoles. Elle se dit prête à faire vacciner son fils, puisque son pédiatre avait déjà abordé la question avec elle. « On va écouter les directives de la Santé publique », soutient-elle, tandis que le son de la cloche indique la fin des classes.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux devrait offrir à nouveau une « formule hybride » en autorisant la vaccination à l’école et en clinique. Les autorités avaient fait de même pour les adolescents, à la fin de la dernière année scolaire. « Le but est de démontrer une flexibilité et de rendre la vaccination accessible pour les parents de ces plus jeunes enfants qui devront prendre le rendez-vous », a indiqué le Ministère lors d’un échange de courriels.

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Nombre d'écoles du Québec qui ont eu au moins un cas de COVID depuis la rentrée scolaire, soit plus de la moitié (54 %)

748

Nombre d'écoles québécoises aux prises avec au moins un cas actif, soit le quart

Source : gouvernement du Québec

Washington se prépare à vacciner les enfants

Aux États-Unis, les autorités ont annoncé mercredi se préparer à vacciner dans quelques semaines les 5 à 11 ans, ce qui représente 28 millions d’enfants. Lorsque le comité consultatif de l’Agence américaine des médicaments et les Centres de prévention et de lutte contre les maladies auront donné leur accord, la campagne de vaccination du remède Pfizer-BioNTech sera lancée dans les cabinets de pédiatres, les pharmacies et certaines écoles. Des doses seront distribuées à travers le pays, en plus des petites aiguilles nécessaires pour vacciner les enfants. Les États-Unis ont acheté 65 millions de doses du vaccin pédiatrique de Pfizer – qui devrait être le tiers de la dose des adultes et des adolescents –, selon des responsables.

Avec l’Associated Press