(Québec) Les directions d’écoles ont l’impression de gérer « un beau bordel » avec le déploiement de tests rapides de dépistage de la COVID-19 dans quatre quartiers chauds du Grand Montréal. « C’est chaotique », dénonce l’Association montréalaise des directions d’établissement scolaire (AMDES), qui se demande encore qui fera passer ces tests aux enfants.

La présidente de l’AMDES, Kathleen Legault, décrit le déploiement des tests rapides cette semaine dans des écoles de Montréal-Nord, Saint-Michel et Parc-Extension, à Montréal, ainsi qu’à Chomedey, à Laval, comme étant « profondément choquant ». Et pourtant, elle précise que son association est favorable à l’utilisation de ces tests de dépistage, « un outil supplémentaire qui va nous permettre de garder les élèves à l’école ».

Les directions scolaires affirment avoir reçu vendredi dernier un lien menant à une formation vidéo destinée au personnel scolaire « volontaire » qui fait passer les tests rapides à compter de ce lundi. Au gouvernement, on affirme que ces informations ont été transmises mercredi dernier. Dans tous les cas, déclare Mme Legault, « nous n’avons pas eu le temps de former le personnel ».

Ensuite, « dans un contexte de pénurie [d’enseignants], où nos équipes sont déjà sous pression, on n’a pas toujours le personnel supplémentaire disponible pour faire [passer] ces tests », poursuit-elle.

Face à ce constat, le ministère de l’Éducation n’a « pas de réponse », déplore la présidente de l’AMDES. Aucun incitatif financier ou personnel supplémentaire en soutien n’est prévu pour les écoles, dit-elle.

Un test rapide qui prend du temps

Si on parle de tests « rapides », l’effectuer prend tout de même un certain temps. Selon le protocole qui a été présenté aux directions d’écoles, un test rapide est effectué aux enfants qui développent des symptômes en cours de journée. L’élève est alors isolé dans un local avec la personne qui effectuera le test. Elle doit d’abord mettre l’équipement de protection nécessaire (jaquette, lunette de protection, gants, masques).

Une fois le test effectué, en tournant un coton-tige au bas de la narine, le résultat prend en moyenne 15 minutes à apparaître. Et s’il est positif, « il faut aussi rassurer l’enfant », rappelle Mme Legault. Au final, le test prend donc en moyenne 40 minutes, estime l’AMDES.

Advenant un test positif, ou simplement pour prévenir le parent que son enfant a subi un test de dépistage à la COVID-19, les écoles n’ont toujours pas reçu de formulaires pour communiquer avec les parents dans une autre langue que le français et l’anglais. Dans certains quartiers de Montréal, « c’est un enjeu », explique Mme Legault.

« On nous les a promis, mais pour l’instant, on n’en dispose pas. […] C’est un obstacle à ce que les parents puissent consentir de façon éclairée. Certains parents ne parlent pas la langue et font confiance à l’école. Ils signent tous les documents qu’on leur envoie sans les comprendre », explique-t-elle.

Les partis d’opposition déchaînés

À la veille de la rentrée parlementaire à Québec, les partis d’opposition accusent le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, d’agir dans une « improvisation chronique » concernant le déploiement des tests rapides dans les écoles.

Le « bordel » décrit par l’AMDES « était écrit dans le ciel », a tonné lundi la critique libérale en matière d’Éducation, Marwah Rizqy. Elle souhaite désormais que les parents reçoivent des tests rapides à la maison et qu’on leur explique comment les utiliser afin de réduire la pression dans les écoles.

« On manque de bras dans les écoles [et] c’est une tâche titanesque de les garder ouvertes. Il faut que tout le monde mette l’épaule à la roue », a-t-elle affirmé.

« C’est quand même impressionnant que durant les longs mois où les tests rapides dormaient sur des tablettes, […] personne n’ait réfléchi à qui serait responsable de les administrer. Il y a des limites à attendre de vivre le problème pour chercher une solution. Le rôle d’un ministre c’est d’anticiper, et Jean-François Roberge est systématiquement un coup en retard », a pour sa part affirmé Christine Labrie, de Québec solidaire.

« Encore une fois, c’est un exemple patent de l’improvisation chronique au ministère de l’Éducation. On aurait pu former et rémunérer les membres du personnel qui ont des horaires coupés, par exemple dans les services de garde. On aurait aussi pu demander de l’aide à ceux qui ont donné leur nom sur la plateforme "Répondez présent", le "Je contribue" du réseau de l’éducation. Il s’agit de solutions simples, mais efficaces », a déclaré à son tour la députée péquiste Véronique Hivon.

Du côté syndical, le président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), Éric Gingras, trouve qu’il y a « bien des limites à demander à des enseignants, du personnel de soutien ou des professionnels de maintenant faire la job de la santé publique ».

« Maintenant, la dernière chose à faire serait d’alourdir la tâche du personnel en obligeant celui-ci à faire des tests dépistage par-dessus tout le reste », a-t-il dit.

Des tests complémentaires, rappelle Roberge

En mêlée de presse lundi, à la veille de la reprise des travaux parlementaires à Québec, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a affirmé que « la santé publique nous recommande d’utiliser [les tests rapides] en complément aux tests PCR », analysés en laboratoire.

« Si votre enfant ne se sent pas bien le matin, il faut le garder à la maison. Il faut aller faire un test régulier. Ce n’est pas une bonne idée d’envoyer votre enfant à l’école, même dans ces quatre quartiers [où des tests rapides sont déployés], en disant que l’école fera les tests », a affirmé M. Roberge.

Québec espère que les tests rapides distribués dans les écoles situées dans des quartiers où le taux de contamination à la COVID-19 est élevé et où la couverture vaccinale est plus basse permettront de déceler les élèves symptomatiques et prévenir des éclosions qui mènent à des fermetures de classes.