(Québec) Le gouvernement Legault a obtenu l’assurance mardi que sa décision controversée d’imposer la vaccination contre le virus de la COVID-19 au personnel de la santé pouvait se défendre sur le plan éthique.

Dans un avis nuancé rendu public mardi, le comité d’éthique de l’Institut national de santé publique (INSPQ) a changé son fusil d’épaule et considère désormais acceptable la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé, en se basant sur le principe de précaution, mais pourvu que la mesure exceptionnelle demeure temporaire.

Un avis précédent sur la question, publié en janvier, faisait dire au même comité qu’il fallait plutôt éviter la vaccination obligatoire du personnel de la santé, par respect pour son autonomie et sa liberté de choix.

Huit mois plus tard, le comité d’éthique de l’institut estime donc que la situation de la pandémie et le contexte social en général ont bien changé, tellement que son regard sur la question doit, en conséquence, être différent.

Au terme d’une analyse plus fouillée des enjeux en cause, le comité d’éthique de la santé publique (CESP) approuve donc la position du gouvernement, qui a décrété le 17 août dernier que tous les soignants, associés au secteur public ou privé, et en contact direct ou non avec des patients plus de 15 minutes, devaient être doublement vaccinés d’ici le 15 octobre pour conserver leurs fonctions.

Mardi, en conférence de presse, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a réaffirmé sa position, précisant que ceux qui refuseront toujours de relever la manche pour recevoir les deux piqûres seront suspendus sans solde. Il n’a pas mis d’échéance à ce congé forcé sans salaire.

Même s’il donne son feu vert au gouvernement, le comité d’éthique émet certaines réserves, insistant sur le fait que cette mesure devait demeurer exceptionnelle et que Québec devait s’assurer que « la prépondérance des bénéfices sur les inconvénients a fait l’objet d’une évaluation rigoureuse ».

Il ajoute qu’à ses yeux des mesures d’exception, telles que la vaccination obligatoire et le passeport vaccinal, « peuvent être justifiables de par leur caractère temporaire, d’où l’importance pour les autorités de partager leur vision de ce que serait une vie normale où la COVID-19 resterait présente et où l’urgence sanitaire prendrait fin ».

Présentée par le gouvernement comme une façon de mieux protéger les malades et d’accroître le taux de vaccination, le caractère obligatoire de la mesure peut aussi avoir des effets pervers, prévient le comité aviseur. « Si les autorités visent une meilleure protection des usagers vulnérables, il devrait y avoir une meilleure démonstration de l’efficacité de cette mesure comparativement aux autres qui visent le même objectif, considérant ses conséquences négatives surtout en termes de perte de liberté, d’équité, de la possible polarisation du débat sur la vaccination qui pourrait en découler et de ses autres effets pervers possibles », peut-on lire dans l’avis d’une dizaine de pages.

Un des effets pervers à ne pas négliger de la part du gouvernement, préviennent les auteurs, est certainement le risque de bris de service dans le réseau de la santé, déjà aux prises avec un problème criant de pénurie de main-d’œuvre. « Chez ceux qui ont fait le choix de refuser le vaccin, la mise en place de la mesure pourrait aussi elle-même causer des bris de service, étant donné que certains travailleurs de la santé pourraient choisir de quitter temporairement ou définitivement leur emploi plutôt que de se faire vacciner », craint-on au sein du comité d’experts.

S’il a le souci de considérer toutes les avenues autres que la coercition, le gouvernement pourrait aussi, selon lui, envisager de reporter l’échéance du 15 octobre, pour se donner le temps de voir si l’implantation du passeport vaccinal aura les effets escomptés sur le taux de vaccination. « Considérant que le passeport vaccinal est entré en vigueur à compter du 1er septembre, et que ce dernier pourrait avoir des effets positifs sur les taux de vaccination dans l’ensemble de la population, incluant chez les travailleurs de la santé, la mesure sous examen dans le présent avis pourrait être retardée afin de voir si le passeport contribue effectivement à une meilleure couverture vaccinale », tout comme, éventuellement, la vaccination attendue des enfants de 0 à 11 ans.

On estime qu’environ 10 % du personnel de la santé n’est toujours pas vacciné, soit au moins 50 000 personnes du réseau public appelées à côtoyer des malades quotidiennement. À ce nombre, il faut ajouter notamment le personnel œuvrant auprès des personnes âgées dans les ressources intermédiaires privées.

Depuis le début de la pandémie, des milliers de travailleurs de la santé ont attrapé la COVID-19.

Au moment de prendre position en août, le gouvernement a choisi de durcir le ton, dans le sens de rendre la vaccination obligatoire dans le secteur de la santé, en invoquant son souci de protéger les plus vulnérables de la société et de limiter la propagation du virus, au moment où on constate que la quatrième vague de la pandémie, sur fond de variant Delta très contagieux, gagne du terrain chaque jour, en nombre d’infections et d’hospitalisations.

À ce jour, environ 13 % de la population n’est toujours pas vaccinée.