L’imposition du passeport vaccinal dans les bars, restaurants et centres d’entraînement du Québec dès le 1er septembre incitera les non-vaccinés à retrousser leur manche, espère le gouvernement. Mais qu’en est-il vraiment ? La Presse est allée à la rencontre de jeunes hésitants… dont beaucoup semblent toujours loin d’être convaincus.

Quelques heures après l’annonce du ministre de la Santé, Christian Dubé, le Quartier des spectacles, à Montréal, affichait son dynamisme habituel.

Sous une chaleur accablante et un soleil de plomb, les sœurs Zineb et Chaima Moultamiss, deux adolescentes, expliquent à La Presse pourquoi elles ne souhaitent pas retrousser leur manche, malgré l’arrivée du passeport vaccinal.

Ce n’est pas que je sois antivaccin. Je ne vois pas d’urgence, je ne travaille pas dans la santé ni rien. Je vais attendre un peu, puis je vais [me faire vacciner].

Zineb Moultamiss

Zineb s’inquiète en raison des effets secondaires possibles et de la rapidité de la mise en marché des vaccins.

D’autres jeunes non vaccinés, comme Evans Tchameni, prévoient au contraire retrousser leur manche bientôt. Le jeune homme compte se rendre dans une clinique de vaccination pour recevoir sa première dose « d’ici la fin du mois ».

Il souhaitait recevoir le vaccin, avant de discuter de la question avec ses parents. « Ils voulaient que j’attende la première vague de vaccinés, pour voir s’il y avait […] des effets secondaires, puis que je le fasse par la suite », lance-t-il, à l’ombre des arbres de la place des Festivals.

Le passeport vaccinal, sous la forme d’un code QR, sera exigé dans les « lieux intérieurs de grande activité », mais pas dans les commerces de détail, a précisé Christian Dubé en conférence de presse. « L’idée, c’est de donner accès à ces lieux seulement aux personnes pleinement vaccinées à compter du 1er septembre, au lieu de les fermer par confinement », a dit le ministre.

PHOTO KARENE-ISABELLE JEAN-BAPTISTE, COLLABORATION SPÉCIALE

Britany Edouard, 17 ans

Des mesures qui ne semblent pas convaincre Britany Edouard, 17 ans. Elle ne fait pas confiance au vaccin, notamment en raison de son élaboration rapide. Elle compte attendre le plus longtemps possible avant de recevoir une injection.

« Ça ne me sert à rien d’avoir le vaccin. Si j’attrape la COVID, j’étais destinée à avoir la COVID, et si je meurs, alors j’étais destinée à mourir. Pour moi, [le vaccin] n’est pas contre la COVID, il diminue le risque de mort », affirme la jeune femme, en marchant rue Sainte-Catherine.

Même son de cloche du côté de Khedi Nzikou. Le vaccin contre la COVID-19 n’est pas nécessaire actuellement, selon le jeune homme. « Jusqu’ici, je n’ai pas été vraiment atteint par la COVID, je n’ai jamais eu de symptômes même sans le vaccin », déclare-t-il.

S’il n’est pas encore vacciné, Rafaël Cordiro dit quant à lui ne pas avoir peur de l’injection. « Je n’ai pas la motivation d’aller sur l’internet, de prendre rendez-vous. Si, par exemple, il y avait un camion ici pour se faire vacciner, j’irais tout de suite », dit-il en montrant du doigt la place des Festivals.

Le passeport vaccinal en chantier

En conférence de presse mardi, Christian Dubé a estimé que « les conditions [étaient] réunies pour déployer le passeport vaccinal ». La présence du variant Delta, combinée à la rentrée et à la hausse des cas, appelle à des actions fortes partout au Québec, a souligné le ministre de la Santé.

L’objectif, a-t-il poursuivi, est que le passeport « permette aux personnes adéquatement vaccinées d’avoir accès aux évènements publics à fort achalandage et activités à haut taux de contact de socialisation, pour des activités non essentielles ».

Pour « bien se préparer dans les prochaines semaines », Québec effectuera des tests d’application du code QR. Un premier projet pilote sera mené ce mercredi et jeudi, à Québec, au restaurant La Cage–Brasserie sportive du Centre Lebourgneuf. La semaine suivante, l’exercice sera répété au gym Éconofitness Vimont, à Laval.

Le but [de ce projet] sera de bien évaluer la performance de l’application gratuite pour téléphone intelligent qui sera lancée prochainement.

Les employés des établissements commerciaux, eux, ne seront pas tenus d’obtenir le passeport vaccinal et d’être doublement vaccinés. « On ne peut pas l’exiger », a soulevé M. Dubé, en disant se conformer aux principes du Code du travail du Québec.

Le conseiller médical stratégique à la Direction générale de santé publique, le DYves Jalbert, a indiqué que ces mesures pourraient « changer », la transmission étant « en augmentation un peu partout » au Québec. « Le variant Delta représente environ 30 % de nos cas présentement et on prévoit qu’on va atteindre la moitié dans les prochaines semaines. Ce qu’on annonce pourrait changer si on peut confirmer qu’on est vraiment au début d’une vague de variant Delta », a-t-il nuancé.

Une mesure sanitaire qui fait réfléchir

« Ça va m’embêter, il va falloir que j’y réfléchisse », affirme Jérôme Laborde. Croisé mardi par La Presse, le jeune homme souhaite malgré tout « rester sur ses positions » lors de l’implantation du passeport vaccinal. « Je fais confiance en mon système immunitaire », lance-t-il.

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Jérôme Laborde

Il est faux de croire qu’un bon système immunitaire protège efficacement contre la COVID-19, rappelle toutefois André Veillette, professeur au département de médecine de l’Université de Montréal et directeur de l’Unité de recherche en oncologie moléculaire à l’Institut de recherches cliniques de Montréal.

« Parfois, avoir un trop fort système immunitaire, ce n’est pas très bon, parce que les gens développent des complications inflammatoires. Et c’est l’inflammation qui est habituellement responsable des symptômes sévères et des décès », explique M. Veillette.

La principale raison pour laquelle les non-vaccinés ne souhaitent pas retrousser leur manche est la crainte des effets secondaires de l’injection, selon le plus récent sondage de l’Institut national de santé publique du Québec, paru le 27 juillet. Au deuxième rang des raisons pour ne pas recevoir le vaccin vient la peur liée au fait qu’il s’agit d’un nouveau produit, et le peu de confiance envers la vaccination en général.

Les complications liées à la COVID-19 sont plus à craindre que les possibles effets secondaires liés au vaccin, assure Benoit Barbeau, virologue et professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal.

« La plupart des gens, soit ils n’ont aucun symptôme, soit ils ont des douleurs locales, ou au pire des symptômes grippaux, des malaises [et] un peu de fièvre », précise André Veillette.

Il est important de rappeler que les non-vaccinés peuvent devenir des vecteurs du virus et le transmettre à des personnes vulnérables, dont les enfants de moins de 12 ans qui ne peuvent être vaccinés actuellement, souligne M. Barbeau. « Vous pouvez être infecté et contagieux. Même si vous n’avez pas de symptômes très graves […], vous pouvez être une source de transmission importante », prévient le virologue.