Le premier ministre François Legault s’en est félicité de nouveau cette semaine : de manière générale, les écoles primaires et secondaires sont demeurées ouvertes toute l’année scolaire. Mais à quel prix ? Entre les fermetures de classes en raison de cas de COVID-19, le débat sur la ventilation, les masques et l’école en alternance, l’année se termine dans un soupir collectif de soulagement.

« Quelle année ! Quand on y repense, on se dit : mon Dieu, Seigneur… » C’est l’évocation des derniers mois qui fait ainsi réagir Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a mis la table dès juin 2020, au sortir de la première vague de COVID-19. À la rentrée suivante, disait-il déjà, les élèves du primaire et du premier cycle du secondaire seraient à l’école en personne à temps plein.

La fin d’août est arrivée, Québec n’a pas dérogé à cette idée. Qui a cru que le pari serait tenu ?

Marilène Prévost, enseignante en adaptation scolaire dans le quartier Parc-Extension, à Montréal, dit avoir d’abord été très sceptique.

PHOTO FOURNIE PAR MARILÈNE PRÉVOST

Marilène Prévost, enseignante en adaptation scolaire dans le quartier Parc-Extension

À la rentrée, les consignes sur le masque étaient floues. Il y avait beaucoup d’incertitude et d’insécurité chez les enseignants, mais aussi chez les familles. Les parents doutaient des mesures sanitaires. On les rassurait, mais on devait se convaincre nous-mêmes.

L’enseignante Marilène Prévost

Le président de la Fédération des comités de parents du Québec, Kévin Roy, espérait quant à lui que la formule « chirurgicale » de fermeture des classes fonctionnerait. « Nous avons toujours eu en tête que les écoles devaient être la dernière chose à fermer et la première à rouvrir », dit-il.

Moments de doute

Certes, il y a eu des moments de doute. M. Roy dit avoir senti que l’objectif de garder les écoles ouvertes s’éloignait quand le gouvernement a annoncé qu’il prolongeait le congé scolaire des Fêtes pour permettre aux familles de se rassembler à Noël.

« C’est venu me chercher qu’on ferme les écoles pour pouvoir faire des partys », dit-il, en ajoutant qu’au moins, les élèves ont eu du soutien à distance.

PHOTO FOURNIE PAR LA FQDE

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

C’est au retour des Fêtes, avec l’arrivée des variants, que Nicolas Prévost a quant à lui senti un « creux de vague ». « On se disait : on ne s’en sortira pas », se rappelle-t-il, en expliquant que les enquêtes de la Santé publique se resserraient et que l’isolement de nombreux enseignants mettait le « réseau de l’éducation sous une énorme pression ».

« M. Roberge a des défauts, mais il a gardé le cap, et on a toujours senti que [garder les écoles ouvertes] était la direction vers laquelle on allait », ajoute le président de la FQDE.

Leçon collective

Qu’a-t-on sacrifié collectivement cette année ? Nicolas Prévost évoque une « perte d’apprentissages des élèves », puis nuance presque aussitôt en citant des endroits où les écoles sont demeurées fermées pendant de longs mois. À cet égard, la stratégie du Québec a « amoindri les effets » de la pandémie sur les élèves, estime-t-il.

Il note que le personnel des écoles est fatigué, un constat que fait également Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke, qui se dit impressionnée du dévouement dont il a fait preuve toute l’année.

Les élèves ont aussi dû s’adapter, particulièrement ceux de la troisième à la cinquième secondaire, qui ont bien souvent fait l’école de la maison une journée sur deux. De manière générale, leurs notes en ont pâti.

Il y a eu des occasions ratées, juge aussi Mme Myre-Bisaillon. On aurait pu garder certains élèves qui avaient de grandes difficultés scolaires à l’école à temps plein, mettre le tutorat en place plus tôt, investir dans les écoles déjà mal-aimées, repenser la taille des classes.

On aurait dû dire : 34 élèves dans une classe, c’est beaucoup trop. C’est trop en temps normal, imaginez en pandémie.

Julie Myre-Bisaillon, professeure à la faculté d’éducation de l’Université de Sherbrooke

Mme Myre-Bisaillon croit néanmoins qu’on a tiré une leçon collective de la dernière année. « On a vraiment pris conscience de ce que c’est, enseigner, être à temps plein avec des enfants, combien c’est exigeant de le faire quotidiennement. Si ça donne envie d’encourager la profession, ce sera un bon coup », dit-elle.

« Fatiguée, mais fière »

Quand on lui demande si garder les écoles ouvertes lui semble aujourd’hui la chose qu’il fallait faire, Marilène Prévost, dont la classe a été confinée trois fois, répond en parlant des inquiétudes qu’elle avait au tout début de la pandémie pour ses élèves. Quand ils sont revenus en classe en septembre, certains n’avaient pas parlé français depuis six mois.

« L’école est un facteur de protection pour tellement d’élèves que c’est ce qu’il fallait faire, sur le plan pédagogique », dit-elle.

L’enseignante ajoute qu’elle se sent un peu coupable de ne pas avoir pu faire avancer ses élèves autant qu’elle l’aurait souhaité cette année, notamment quand ils étaient à la maison (« certains ont de grandes familles dans de petits appartements »). Puis elle chasse cette idée : elle n’a pas le contrôle sur les cas de COVID-19 qui forcent la fermeture d’une classe.

« Je suis fatiguée, mais c’est le plus beau groupe que j’ai eu. Je vais leur tirer mon chapeau : mes élèves sont extraordinaires. Je suis fatiguée, mais fière. »

En chiffres

2539 : nombre d’établissements scolaires où au moins un élève ou un membre du personnel a reçu un diagnostic positif de COVID-19 depuis la réouverture des écoles en janvier 2021.

26 725 : depuis la rentrée de janvier, Québec a recensé 26 725 cas de COVID-19 dans le milieu scolaire, soit 22 828 élèves et 3897 membres du personnel.

2908 : nombre de cas actifs en ce moment dans les écoles, soit 2438 chez les élèves et 470 chez le personnel

Source : ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec