(Montréal) Un père québécois parti visiter en pleine pandémie sa nouvelle copine à l’étranger ne pourra pas passer sa quarantaine avec ses enfants à son retour et chambouler leur horaire, vient de trancher un juge qui n’a pas mâché ses mots à l’égard de l’homme.

Celui-ci a la garde partagée de ses deux enfants, de 11 et 13 ans, une semaine sur deux.

Il a rencontré une femme après sa séparation. Comme elle réside en Europe, il est allé la visiter à plusieurs reprises depuis le début de la crise sanitaire de la COVID-19, pour des périodes allant de huit jours à trois semaines.

D’entrée de jeu, le juge Bernard Synnott, de la Cour supérieure, souligne qu’il ne s’agit pas de « déplacements essentiels » et que le père a choisi de faire ces voyages même si le gouvernement canadien les déconseillait.

Le père a formulé cette demande au tribunal : qu’il puisse, dès son retour au pays, passer le reste de sa quarantaine avec ses deux enfants, en respectant les consignes sanitaires. Il aura déjà passé trois jours isolé à l’hôtel et aura obtenu un résultat négatif de test de dépistage, plaide-t-il.

Pour lui, la situation n’est pas pire que celle d’un travailleur de la santé qui revient quotidiennement dans sa famille, rapporte le juge Synnott dans sa décision rendue fin avril, une déclaration qui l’a fait sourciller.

« Une telle comparaison face à des travailleurs essentiels laisse perplexe et à court de mots », écrit-il, tranchant.

« Monsieur choisit volontairement de contrevenir aux recommandations claires du gouvernement du Canada. […] Les travailleurs de la santé eux, n’exercent aucun choix », ajoute-t-il, refusant toute analogie.

Le père se plaint que la mère lui refuse de reprendre le temps perdu sans ses enfants, poursuit le magistrat en soulignant que cette situation découle du fait qu’il a lui-même choisi d’aller visiter son amie en Europe, souligne le juge.

« En d’autres mots, il voudrait que Madame s’ajuste aux choix que Monsieur fait sans la consulter. Il dicterait donc l’agenda de la garde au gré de ses voyages » et de ses volontés.

Pour le juge, la réponse est « non ».

« Bien que le Tribunal soit généralement ouvert aux accommodements, il est d’avis qu’ici les limites sont atteintes. »

Pour le juge Synnott, il serait contraire aux intérêts des enfants que leurs horaires soient chamboulés du fait volontaire d’un parent qui se place en quarantaine au retour d’un voyage non essentiel.

« Se plaindre d’un manque d’accès à ses enfants durant des semaines en raison de choix personnels contraires aux consignes de l’État paraît pour le Tribunal, contraire au sens commun. Le Tribunal considère que dans les circonstances, Monsieur plaide sa propre turpitude. »

Il lui revient de faire des choix, mais ceux-ci ne seront toutefois pas dictés à tous les autres membres de sa famille, tranche le juge.

« Il ratera alors de belles occasions de voir ses enfants, et ce, par sa propre décision. »

Finalement, le père avait demandé qu’en son absence, les enfants soient confiés à leur grand-mère.

À cela aussi le juge répond : non.

D’une part, les autorités sanitaires déconseillent fortement de faire garder des enfants par des grands-parents. De plus, il n’y a aucune raison pour les confier à leur grand-mère. Au contraire, écrit-il, il est justifié que les enfants restent avec leur mère, justement parce que… elle est leur mère.