(Ottawa) Le gouvernement canadien a bon espoir d’échapper au resserrement des exportations de vaccins que laissent présager l’Union européenne et l’Inde. Et aux conservateurs, qui s’en inquiètent, le premier ministre répond de cesser de « faire peur » à la population.

Encore une fois, l’Union européenne (UE) a signalé son intention de restreindre les exportations de vaccin contre la COVID-19 ailleurs que dans ses pays membres, où la menace d’une troisième vague propulsée par les variants fait craindre le pire à plusieurs États membres, dont la France et l’Allemagne.

Et encore une fois, Ottawa soutient qu’il a obtenu des garanties que ses livraisons ne seraient pas affectées.

Au bureau de la ministre du Commerce international du Canada, Mary Ng, on a signalé mercredi que celle-ci avait obtenu l’assurance de ses homologues que « ces mesures n’affecteront pas les livraisons de vaccins vers le Canada », et que la communication est « constante » avec l’UE et ses États membres.

L’UE a décidé de placer sous surveillance les exportations de vaccins produits sur son sol, afin d’empêcher la fuite vers d’autres pays des doses nécessaires aux Européens. En janvier, Bruxelles avait mis en place un dispositif prévoyant, avant toute exportation, le feu vert de l’État membre et de la Commission européenne.

Le Canada s’approvisionne en vaccins de Pfizer-BioNTech en Europe. Début 2021, l’approvisionnement a été plombé par une remise à niveau des installations de l’usine belge où est fabriqué le fameux sérum, mais les choses sont depuis rentrées dans l’ordre.

Des 4,8 millions de doses arrivées au pays au 17 mars 2021, quelque 3,1 millions viennent de Pfizer.

Les deux autres vaccins qui ont été approuvés au pays et pour lesquels les livraisons ont pris leur envol, soit Moderna et AstraZeneca, viennent, ou doivent arriver, des États-Unis ainsi que de l’Inde et de la Corée du Sud, respectivement.

Restrictions : Pfizer « profondément préoccupée »

La pharmaceutique n’a pu confirmer que les mesures européennes épargneraient le Canada.

« Pfizer évalue actuellement toutes les implications du mécanisme révisé de transparence et d’autorisation de la Commission européenne pour les exportations de vaccins COVID-19 », a écrit dans un courriel Christina Antoniou, une responsable des communications de la succursale canadienne de l’entreprise.

« Depuis le début, Pfizer a été clair et cohérent avec toutes les parties prenantes sur le fait que la libre circulation des marchandises et l’approvisionnement à travers les frontières sont essentiels pour les patients qui bénéficient du vaccin », a-t-elle poursuivi.

Aussi la compagnie se dit-elle « profondément préoccupé[e] par toute législation qui menace sa capacité de fabrication ou exportation à partir de l’Union européenne », a tenu à faire remarquer Mme Antoniou dans la même déclaration écrite envoyée à La Presse.

Le tour de vis a été dénoncé par le Royaume-Uni, champion incontesté de la vaccination en Europe. « Dans ce pays, nous ne croyons pas aux blocages de vaccins ou composants de vaccins », avait critiqué la veille le premier ministre britannique Boris Johnson.

Se félicitant du succès de l’opération vaccination, il avait aussi fait valoir, dans une déclaration que n’aurait pas reniée le personnage fictif de Gordon Gekko, que « la raison pour laquelle nous avons du succès avec le vaccin est à cause du capitalisme, à cause de la cupidité, mes amis ».

Un blocage en Inde aussi ?

En Inde, une flambée des infections a incité les autorités sanitaires à mettre le holà sur les exportations des sérums d’AstraZeneca fabriqués par le Serum Institute of India, selon des sources citées par l’agence de presse Reuters.

Là encore, Ottawa ne semble pas inquiet — du moins, pas pour l’heure.

« Rien n’indique que nos chaînes d’approvisionnement seront interrompues », a-t-on signalé au bureau de le ministre Ng.

Le Canada a reçu 500 000 doses du vaccin d’AstraZeneca (Covidshield) de l’Inde en mars.

Et les 1,5 million de doses de plus arriveront d’ici le mois de mai, comme prévu dans le contrat, a-t-on assuré chez Verity Pharmaceuticals, une société de Mississauga, en Ontario, qui fait partie du pacte avec le Serum Institute of India.

« Nous nous attendons à ce qu’un million de doses arrivent à la mi-avril, puis 500 000 au début mai », a dit une représentante de la compagnie.

Les autres doses du vaccin d’AstraZeneca seront expédiées depuis la Corée du Sud. Le Canada a signé une entente qui lui donne accès à 20 millions de doses.

L’opposition accusée de vouloir « faire peur »

Les conservateurs s’inquiètent des nuages noirs qui s’accumulent dans le ciel.

Au député Gérard Deltell, qui lui demandait en Chambre de rassurer les gens qui ont reçu une première dose du vaccin et qui se demandent quand ils seront piqués une deuxième fois puisque « l’Inde vient de fermer le robinet », le premier ministre Justin Trudeau a répondu qu’il n’y avait pas lieu d’alerter les citoyens.

« Je ne veux pas que les Canadiens aient trop peur de ce que le député d’en face vient juste de dire. Je peux les rassurer que nous sommes confiants de recevoir les doses de l’Institut du sérum de l’Inde comme promis dans les mois à venir », a-t-il exposé.

Avec l’Agence France-Presse