Sur les réseaux sociaux, les Canadiens peuvent tomber sur des photos d’Américains affichant de grands sourires et des cartes de vaccination qui montrent qu’ils ont été inoculés contre la COVID-19.

Une récente intensification de la campagne de vaccination aux États-Unis lui a permis de devancer son voisin du Nord, et certains Canadiens se demandent pourquoi la distribution des doses traîne autant de l’arrière chez eux.

La Dre Krutika Kuppalli, une spécialiste des maladies infectieuses établie en Caroline du Sud, rappelle que si le déploiement des vaccins a dernièrement été d’une rapidité impressionnante aux États-Unis, cela n’a pas toujours été le cas.

La communication entre les États américains a souvent fait défaut, dit-elle, et l’absence de norme pour l’admissibilité aux vaccins a conduit à des incohérences entre les juridictions. Certains États incluent par exemple les enseignants parmi les groupes prioritaires, tandis que d’autres tâchent toujours de vacciner les personnes âgées de 80 ans et plus.

La confusion qui régnait au début de la campagne d’immunisation américaine a généré de la frustration et nui à la confiance du public, relève la Dre Kuppalli. Et même si la passation des pouvoirs à la Maison-Blanche a permis certaines mises au point, il y a selon elle toujours place à l’amélioration.

« Je ne pense pas que nous soyons un modèle de succès, a-t-elle avancé lors d’un entretien téléphonique. Nous avons connu beaucoup de défis […], mais ça va en s’améliorant. »

Les États-Unis ont vacciné en moyenne 1,7 million d’Américains par jour cette dernière semaine. En date de vendredi, plus de 12 % de la population américaine avait reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19.

Le Canada — qui a fait face à des semaines de retards et de perturbations dans les livraisons de Pfizer-BioNTech et de Moderna — a distribué près de 1,4 million de doses au total. Depuis le début de la campagne canadienne de vaccination à la mi-décembre, environ 2,65 % de la population s’est vu administrer au moins une dose.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré vendredi que la livraison de vaccins devait s’accélérer et que les provinces se préparent à distribuer près d’un million et demi de doses au cours des trois prochaines semaines.

Les Américains peuvent compter sur de nombreux avantages, indiquent les experts, comme un approvisionnement beaucoup plus important que celui du Canada, soutenu par la production de Moderna établie aux États-Unis.

Bien que l’approvisionnement constitue une première étape, l’arrivée des vaccins dans les pharmacies, où ils peuvent être plus facilement administrés, a également son rôle à jouer, affirme la Dre Kuppalli. Le gouvernement américain dit avoir pour objectif de fournir des vaccins à quelque 40 000 pharmacies dans les mois à venir.

Le Canada n’a pas encore atteint ce stade dans le déploiement des vaccins, mais le DIsaac Bogoch, un spécialiste des maladies infectieuses à l’Université de Toronto, s’attend à ce que les pharmacies soient mises à contribution une fois que les stocks le permettront.

« Nous avons exactement le même plan, nous avons juste besoin de la masse critique de vaccins », fait valoir le Dr Bogoch, qui fait partie du groupe de travail sur la distribution des vaccins en Ontario.

Bien que la vaccination en pharmacie semble aller de soi pour augmenter la cadence, cette approche peut entraîner du gaspillage de doses si les gens ne se présentent pas à leur rendez-vous, soulève Kelly Grindrod, professeure à l’École de pharmacie de l’Université de Waterloo.

Les vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna doivent être utilisés dans un court laps de temps après avoir été décongelés, explique-t-elle, et une fois qu’une fiole a été perforée, cet intervalle diminue encore davantage.

Le Canada a pu tirer des leçons des problèmes de gaspillage rencontrés par d’autres pays, affirme Mme Grindrod, qui s’attend à ce que l’on prépare des listes d’individus pouvant rapidement combler les rendez-vous annulés.

Ces listes doivent toutefois être élaborées de manière équitable, prévient-elle.

Mme Grindrod constate que le fait que des personnes à faible risque coupent la file d’attente a été jugé plus sévèrement au Canada qu’aux États-Unis, où le système de soins de santé n’est pas universel.

La campagne de vaccination américaine n’a pas été sans faute, mais Mme Grindrod admire certaines des approches adoptées au sud de la frontière pour protéger les groupes plus vulnérables.

Elle cite en exemple le rôle joué par des églises des communautés noires dans la coordination de la vaccination dans les quartiers traditionnellement mal desservis. Des pharmaciens se rendent également dans des collectivités éloignées pour immuniser ceux qui auraient sinon difficilement accès à un centre de vaccination, rapporte-t-elle.

« On voit des exemples vraiment positifs où les communautés contribuent elles-mêmes à créer un déploiement efficace, se réjouit-elle. Je pense que ce sont les vraies leçons que nous pouvons tirer des États-Unis. »