(Québec) Les nombreux manquements constatés par la CNESST dans plus de 20 % des établissements de santé depuis le début de la crise sanitaire illustrent le besoin de tenir une enquête publique indépendante pour faire la lumière sur la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault, estiment à l’unisson les partis d’opposition.

La Presse a épluché les rapports d’interventions menées par la CNESST dans plus de 230 établissements de santé (CHSLD, hôpitaux, résidences privées et ressources intermédiaires) entre mars et septembre 2020, relativement à la gestion de la pandémie. On y apprend qu’un établissement sur cinq a fait fi des règles sanitaires.

Des employés forcés de travailler malgré des symptômes. D’autres qui se promènent entre les zones chaudes et froides durant des mois. D’autres encore qui portent des sarraus de laboratoire et des serviettes au cou en guise de blouse de protection. Des patrons qui n’ont aucune idée du nombre de cas dans leur propre établissement. Voilà certains exemples des manquements révélés.

« Le 10 février 2020, c’est presque jour pour jour, hein ? », s’est insurgé le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, jeudi. « Alors, la ministre plus ou moins responsable des Aînés, Marguerite Blais, avait fait paraître cette image sur les réseaux sociaux. Elle avait atteint le cap des 100 CHSLD visités », a-t-il relaté.

« Bien, croyez-moi ou pas, je pense qu’elle n’a rien vu de ce qui est évoqué ce matin. Alors, au lieu de chercher les caméras, il y aurait fallu chercher là où il y avait des problèmes et les régler », a critiqué M. Bérubé.

Son collègue porte-parole en matière de santé, Joël Arseneau, a déploré que l’enquête de La Presse révèle « que ces problèmes persistent encore » dans certains cas. « On ne peut pas constamment se fier aux enquêtes des médias, puis aux révélations de l’un ou de l’autre, pour savoir bribe par bribe ce qui s’est passé au printemps. Il faut faire un constat complet si on veut en tirer des leçons pour l’avenir », a-t-il illustré.

La cheffe libérale Dominique Anglade est du même avis : « Ce qu’on découvre c’est qu’il y a manqué d’équipements. Tout le monde est au courant qu’on a manqué d’équipement. […] Le premier ministre a martelé pendant des semaines et encore jusqu’à ce jour qu’on n’a pas manqué d’équipements au Québec », a-t-elle dit.

« Comment se fait-il qu’il y ait une déconnexion complète entre le discours gouvernemental et ce qui se passe sur le terrain ? Lorsque l’on parle d’une enquête publique indépendante, c’est ce genre de réponses là qu’on va obtenir », a souligné Mme Anglade.

« C’est plus choquant que surprenant », dit QS

Québec solidaire réclame « que le gouvernement descende sur le terrain » pour être « en lien avec les gens et comprendre ce qui se passe » dans les établissements. La co-porte-parole Manon Massé a qualifié « d’extrêmement inquiétant[e] » la situation dans les CHSLD. Cela témoigne du « cafouillage » de la première vague de la pandémie alors que « les règles étaient difficiles à suivre ».

« Est-ce que c’est surprenant ? En fait, c’est peut-être un petit peu plus choquant que surprenant », a-t-elle lancé jeudi.

Québec a confié à la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, le mandat d’examiner la performance du réseau de la santé, en particulier les soins aux aînés, lors de la première vague de la pandémie de COVID-19. Le gouvernement écarte toujours pour le moment la tenue d’une commission d’enquête, comme le réclame l’opposition depuis plusieurs mois déjà.

De son côté, le premier ministre François Legault rejette le blâme sur les gouvernements précédents pour les problèmes soulevés dans l’enquête de La Presse. « Si le premier ministre sait que c'est la faute du gouvernement libéral, pourquoi ne déclenche-t-il pas une enquête publique indépendante? », lui a répondu Dominique Anglade au Salon bleu, soupçonnant que le gouvernement veut éviter les critiques sur la place publique concernant sa gestion.

Pour M. Legault, « lors de la première vague, on a eu le résultat d'un manque d'effort, disons ça comme ça, de plusieurs gouvernements depuis plusieurs années ». Il y avait pénurie de personnel et il n’y avait pas de gestionnaires dans les CHSLD. C’est ce qui est à l’origine des manquements constatés par la CNESST, selon lui.

En raison de la pénurie, « le peu d'employés transféraient des zones chaudes aux zones froides », a-t-il plaidé. Il a répété que le Québec « n'a jamais manqué d'équipement de protection individuelle », mais comme « il n'y avait pas de patrons responsables, entre autres, des équipements, il y a des CHSLD qui n'ont pas levé la main pour dire : il m'en manque ».