(Montréal) Les cas de COVID-19 augmentent lentement mais sûrement dans les résidences privées pour aînés du Québec — une source d’inquiétude pour les autorités et les experts qui veulent éviter le désastre connu dans les foyers de soins de longue durée lors de la première vague de la pandémie.

Mercredi soir, le gouvernement dénombrait sur son site web 180 cas de COVID-19 répartis à travers 39 résidences privées. La situation était jugée « critique » pour quatre d’entre elles, où plus de 25 % des résidents ont été infectés.

À titre comparatif, seulement 20 centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD) signalaient des cas, dont un établissement en situation critique.

Yves Desjardins, qui dirige un regroupement de centaines de résidences pour aînés, affirme que le nombre d’établissements touchés et le nombre total de cas de COVID-19 demeurent faibles à travers le réseau. Mais les gestionnaires surveillent attentivement les chiffres, a-t-il ajouté.

Contrairement à la première vague d’infections qui était concentrée dans les foyers de soins de longue durée, le virus se propage maintenant dans toute la communauté, relèvent les autorités sanitaires. Selon M. Desjardins, ceci pose un risque pour les résidents de foyers privés pour aînés, qui sont généralement plus actifs que ceux des CHSLD.

« Nous avons une clientèle beaucoup plus autonome, qui bouge, avec des familles qui viennent visiter, des travailleurs qui viennent à la résidence, a-t-il fait valoir lors d’une récente entrevue. Le virus circule dans la communauté, et nous sommes dans la communauté. »

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est dit préoccupé par ces cas signalés dans des résidences privées pour aînés, appelées RPA. Le 15 septembre dernier, il a resserré les directives sanitaires dans ces établissements, exigeant le port du masque dans les espaces communs tels que les couloirs et les ascenseurs. Les résidences doivent aussi tenir un registre des visiteurs, qui sont tenus de se couvrir le visage.

Des éclosions se sont tout de même déclarées.

Les quatre RPA répertoriées comme critiques sont situées dans les régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches. La RPA appelée Villa Ste-Rose, à Laval, est pour sa part passée de 4 à 18 cas dans les derniers jours.

Il y a de quoi se préoccuper, selon Louis Demers, professeur à l’École nationale d’administration publique.

En augmentant les salaires des préposés dans les centres de soins de longue durée, le gouvernement risque d’avoir détourné des travailleurs, avance-t-il. Cette tentative de remédier aux pénuries de personnel dans les CHSLD pourrait selon lui augmenter la dépendance des résidences à l’égard des agences de placement.

« Si vous manquez de personnel et que vous devez choisir entre ne pas donner de bain à une dame ou lui en donner un par quelqu’un qui pourrait avoir le virus, que faites-vous ? » demande-t-il.

Un facteur qui a contribué à des centaines de morts dans les foyers de soins de longue durée au printemps était le fait que des employés travaillaient dans plus d’un établissement, amenant le virus avec eux d’un endroit à l’autre.

Selon M. Desjardins, il est pratiquement impossible de s’assurer « à 100 % » que le personnel travaille dans une seule résidence, surtout lorsque certains professionnels de la santé vont et viennent pour fournir des services.

Les propriétaires demandent généralement aux agences de placement d’éviter une rotation de personnel entre les établissements, précise-t-il toutefois.

MM. Demers et Desjardins estiment tous deux que les résidences privées pour aînés sont mieux préparées à faire face à la deuxième vague de COVID-19 que les CHSLD ne l’étaient au printemps dernier.

Les propriétaires disposent d’un ensemble de directives claires expliquant les mesures à imposer en fonction des niveaux d’alerte dans leur région. Les mesures de contrôle des infections sont maintenant bien connues, et les équipements de protection individuelle comme les masques sont disponibles, soutient M. Desjardins.

M. Demers souligne également que les personnages âgées vivant en résidence sont en meilleure santé que celles dans les centres de soins de longue durée et qu’elles vivent généralement dans leur propre petit appartement, ce qui facilite la distanciation. Elles sont également moins susceptibles de souffrir de problèmes cognitifs tels que la démence.

Il croit que le plus grand défi du gouvernement sur ce plan sera de trouver le bon équilibre entre des restrictions qui protègent les gens du virus, mais qui leur donnent aussi droit à une vie sociale, essentielle à leur santé mentale.