(Montréal) La relève s’en vient dans les CHSLD : le premier groupe de travailleurs formés par la Croix-Rouge canadienne termine sa formation mercredi, prêts à prendre le relais des militaires qui y étaient jusqu’à tout récemment. Parmi eux, beaucoup ont levé la main avec un but en tête : aller aider les aînés, frappés de plein fouet par le coronavirus. La Presse canadienne les a rencontrés.

La première cohorte sera déployée lundi prochain dans des résidences pour aînés, selon les besoins de celles-ci.

La situation est moins critique qu’en mars ou en avril dans les CHSLD, mais il y a encore des besoins, surtout en personnel. La COVID-19 a fait la majorité de ses victimes au Québec dans les résidences pour personnes âgées, qui manquaient cruellement d’employés.

Québec voulait que l’armée reste jusqu’en septembre — quand les finissants de la cohorte spéciale de préposés aux bénéficiaires seront prêts — mais Ottawa a dit non. Le gouvernement fédéral a toutefois octroyé 100 millions à la Croix-Rouge pour soutenir sa lutte contre la COVID-19. Cet argent servira entre autres à financer la campagne de recrutement de l’organisation et ensuite les salaires de ses futurs travailleurs.

C’est la première fois que la Croix-Rouge effectue une telle mission humanitaire en sol canadien.

La grande campagne de recrutement cible beaucoup les jeunes, mais pas uniquement. Ce sont des emplois qui donnent de l’expérience de travail et qui permettent de se faire de premières armes dans le domaine des soins de santé, a expliqué Carl Boisvert, porte-parole pour la Croix-Rouge.

Quatre emplois sont offerts : aides de service, préposés à l’administration, coordonnateurs de site et conseillers en santé et sécurité. La Croix-Rouge s’est engagée à former jusqu’à 900 personnes.

Mardi, dans un hôtel de Montréal, 50 futurs « travailleurs humanitaires » — hommes et femmes, beaucoup dans la vingtaine — écoutaient attentivement la formation donnée par la Croix-Rouge.

Parmi eux se trouvait Yacine Ba, âgée de 42 ans et mère de quatre enfants.

« Quand j’ai vu la situation de nos aînés, je me suis sentie interpellée et j’ai vraiment voulu aider », a-t-elle expliqué, en face de sa salle de classe qui est une salle de conférence de l’hôtel.

Elle y tenait. N’ayant pas été sélectionnée pour la formation plus longue de préposée aux bénéficiaires, elle a ensuite appris que la Croix-Rouge recrutait et a tenté sa chance.

Elle n’était pas en recherche d’emploi, a-t-elle précisé. « Je veux juste aider », a expliqué la femme dont le sourire était perceptible derrière le masque. « Aider les gens, ça fait partie de moi. » Son mari fait partie de la Croix-Rouge depuis 30 ans au Sénégal et elle connaît bien leur travail.

Maryse Parent a eu une réaction similaire.

« À la télé, ça me faisait mal au cœur de voir ces gens, qui ont travaillé toute leur vie, ne pas avoir leurs besoins de base remplis », a relaté la jeune femme qui habite Saint-Jean-sur-Richelieu.

Elle s’est inscrite au cégep en soins infirmiers pour l’automne, mais offre tout son été aux CHSLD. « Aider les gens, c’est une valeur très importante », a-t-elle raconté sur son heure de lunch. Sa mère était famille d’accueil pour des personnes handicapées.

La santé et l’humanitaire, Holly Hayes a ça dans le sang. Elle termine sa maîtrise en politique de santé mondiale et a notamment fait une mission avec Médecins sans frontières l’an dernier en République démocratique du Congo.

Elle a dit voir tout ce qui se passait ici « avec angoisse et frustration ». Dès que ses cours ont été terminés, elle a reçu l’appel de la Croix-Rouge pour être conseillère en santé et sécurité.

L’étudiante qui vit à Montréal — mais est originaire de Windsor en Ontario — apprécie beaucoup l’organisation. « Ils viennent en aide aux personnes vulnérables », résume-t-elle.

Et puis, « il y a une crise importante chez nous ».

Ont-elles peur de contracter la COVID-19 ?

Si elle dit vivre un peu d’anxiété « car on ne sait pas tout ce qui nous attend » dans les CHSLD, Holly Hayes s’est dite très impressionnée par la qualité de la formation offerte par la Croix-Rouge, « manifestement le fruit d’une longue expérience ».

Cela apaise aussi Mme Ba, qui ne voudrait pas contaminer ses enfants qui vivent avec elle. Mais elle n’est pas trop inquiète car « on est bien préparés » par les formateurs.

« Je fais confiance aux mesures mises en place », renchérit Mme Hayes.

La formation

Julie Poirier est l’une des formatrices. Normalement, elle donne d’autres cours pour la Croix-Rouge, notamment en secourisme.

Mardi, lors du passage de la Presse canadienne, elle enseignait — à l’aide de mises en situation — comment gérer les actes de violence au travail et rester calme.

Dans la classe, les futurs travailleurs humanitaires offrent des pistes de solutions et la formatrice les analyse avec eux.

Ils ont aussi étudié divers sujets liés aux soins aux personnes âgées, comme la prévention des chutes, le soutien aux soins personnels et la prise de repas, mais aussi comment comprendre ce qu’ils vivent, la maltraitance, et différentes conditions comme la démence et l’errance.

Julie Poirier a aussi formé les militaires qui ont prêté main-forte en CHSLD, mais l’actuelle formation est plus structurée, indique-t-elle.

Elle est très enthousiaste à l’idée de faire une différence. Elle explique que les travailleurs reçoivent quatre jours de formation, dont un dans leur futur lieu de travail.

Les futurs aides de service seront surtout en soutien aux préposés aux bénéficiaires : par exemple, lorsque cela prend deux personnes pour déplacer un aîné dans son lit. Mais leur rôle sera aussi de briser l’isolement des résidants, à l’aide de musique, de lecture ou simplement de conversations.

Les étudiants se sont tous engagés à travailler un minimum de quatre semaines, dans un seul établissement — pas question de bouger de l’un à l’autre et risquer de propager la COVID-19. Des mandats plus longs sont également proposés.

Des personnes formées par la Croix-Rouge seront donc en poste tout l’été, au minimum, et l’organisation se prépare déjà pour un déploiement de personnel plus long.