Plusieurs lecteurs curieux m’ont demandé comment j’avais pu traverser une frontière fermée. C’est quoi, le truc ?

Excellente question que nous nous sommes posée nous-mêmes en voyant d’autres médias canadiens se rendre couvrir les événements à Minneapolis.

Je vais vous dire un secret, mais n’allez pas répéter ça, OK ?

Les restrictions aux voyages ne s’appliquent pas au transport aérien. Ce n’est pas un scoop du tout, mais on dirait que le message n’est pas trop diffusé…

Muni d’une lettre de notre rédacteur en chef, de ma carte de presse flambant neuve et astiquée de frais, je me suis présenté à l’aéroport le mercredi 3 juin en me disant que j’allais probablement devoir rebrousser chemin. Le matin même, mes collègues Mayssa Ferah et Olivier Jean s’étaient fait refouler en tentant de traverser en voiture. Pas essentiel.

Mais à l’aéroport ? Je n’ai eu à montrer ni lettre ni carte. Mêmes questions du douanier que dans une journée ordinaire : qu’est-ce que vous venez faire chez nous ? Est-ce que c’est des trucs violents ? Avec sa vitre et mon masque, je disais souvent « pouvez-vous répéter la question » et lui « what ? », mais bref, rien de spécial.

Derrière moi dans l’avion, masqués, désinfectés, deux couples allaient récupérer leur « VR » abandonné en Floride en mars dans la fuite pandémique. On ne leur a fait aucune difficulté.

À l’arrivée à l’aéroport de Charlotte : aucune consigne de confinement, aucun contact avec les autorités.

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Les restaurants sont ouverts à moitié dans les deux Caroline et en Géorgie. Les employés portent des masques… mais pas tout le temps. Plusieurs vous disent d’attendre dehors votre commande. D’autres accueillent les clients sans difficulté. J’ai vu une serveuse – masquée – prendre dans ses bras un client – non masqué – au moment où il partait.

Chez le coiffeur, masque obligatoire pour tous. On désinfecte rigoureusement les chaises entre chaque client.

Les terrasses ne semblent pas toutes connaître la distanciation.

Bref, sans que ce soit « comme si de rien n’était », car bien des choses sont fermées, c’est plus ouvert dans les États du Sud qu’ici, et depuis plus longtemps.

Il y a des règles différentes d’un État à l’autre, et les restrictions de déplacement sont difficiles à résumer. La Floride fait des vérifications aléatoires et ordonne aux résidants de l’État de New York, du New Jersey et du Connecticut une quarantaine de 14 jours à leur arrivée. Pas la Géorgie.

Au cours des derniers jours, les autorités ont remarqué une augmentation des cas dans 11 États, puis dans 22 États, en particulier le Texas et la Floride. Les autorités locales attribuent les augmentations statistiques à la hausse du nombre de tests. Ces augmentations n’en sont pas moins inquiétantes.

En même temps, les États du Sud et de l’Ouest où les cas de COVID-19 semblent augmenter ont été frappés bien moins durement que le Nord-Est américain. La Floride, avec une population de 21,5 millions, a compté près de 3000 morts, tandis que le Texas, avec 29 millions de citoyens, déplore officiellement 2000 morts (c’est plus de 30 000 dans l’État de New York).

Mais quoi qu’il en soit, la courbe américaine ne s’aplatit pas vraiment, au moment même où on ouvre les vannes.

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Les restrictions ne s’appliquent pas au transport aérien, disais-je. Ça, c’est vers les États-Unis.

C’est une autre histoire vers le nord. J’ai vu à l’aéroport de Charlotte dimanche tous les non-Canadiens convoqués par les agents de la compagnie aérienne. Ils se sont fait demander la raison de leur voyage. Une étudiante américaine de McGill s’est fait dire d’oublier ça : les écoles sont fermées, ils ne vous laisseront pas entrer. Après discussion, le personnel a appelé un employé des douanes canadiennes. Finalement, l’étudiante était dans l’avion.

D’autres avaient obtenu des autorisations spéciales des autorités canadiennes. Et tous, sans exception, doivent se confiner 14 jours, fournir une adresse et des explications crédibles. Il peut y avoir des visites inopinées de la police – je connais au moins un cas.

Voilà donc à peu près comment ça fonctionne. Fermé par la route. Ouvert par avion vers le sud. Sérieusement contrôlé pour les Canadiens au retour et à peu près fermé pour les autres.

Est-ce que c’est logique ? Pas vraiment. Mais c’est comme ça.