(Québec) Du temps où elle formait la deuxième opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) s’inquiétait de la formation accélérée des préposés aux bénéficiaires.

Son porte-parole en santé, François Paradis, avait tenu un point de presse en juin 2017 pour dénoncer un programme de formation express dans certaines régions du Québec qui « bafouait » le programme régulier.

Pour lui, la formation accélérée proposée par le gouvernement libéral n’était pas suffisante pour assurer la qualité et la sécurité des services dans les Centres d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).

« Ça peut devenir dangereux : former à rabais, ça ne donne jamais de bons résultats, avait-il prévenu à l’époque. Si on l’a conçu (le programme régulier), ce n’est pas pour rien. »

M. Paradis était accompagné ce jour-là du président de la Fédération professionnelle des préposés aux bénéficiaires du Québec (FPBQ), entre autres.

Ils avaient dénoncé l’idée du gouvernement Couillard d’offrir une formation de préposé de cinq semaines dans plusieurs régions, y compris à Québec, pour combler la pénurie de personnel.

Selon le député Paradis, les préposés ne pouvaient pas se passer de la formation complète de six mois (ou 750 heures), « considérant l’ampleur et la complexité de leur travail ».

« Ce n’est pas la vision que l’on souhaite », avait-il déclaré.

« Est-ce vraiment dans l’intérêt du patient de proposer une formation accélérée de quatre à cinq semaines versus une formation de 750 heures », avait également demandé Michel Lemelin, de la FPBQ.

Formation express de la CAQ

Aujourd’hui au pouvoir, la CAQ propose une formation accélérée de préposé en CHSLD de 12 semaines (375 heures), soit moins de la moitié de la formation normale de 870 heures.

Ce sont 9800 étudiants qui ont entrepris cette formation lundi, dans 52 centres de formation professionnelle. Ils recevront 760 $ par semaine avec à terme un emploi assuré, s’ils obtiennent leur diplôme.

« Je suis très fier », s’est félicité François Legault lundi matin, sur les ondes du 98,5 FM.

« C’est une de mes idées que j’ai eues pendant une nuit, de dire à mes ministres : il faut essayer d’avoir 10 000 personnes dans une formation courte de trois mois. »

En entrevue avec l’animateur Paul Arcand, le premier ministre a fait savoir qu’une deuxième cohorte de 2000 personnes allait s’ajouter cet automne.

Il s’agira entre autres de personnes travaillant déjà dans les CHSLD, mais n’ayant pas reçu de formation.

« On ne voulait pas se retrouver dans une situation difficile durant l’été en déshabillant un pour habiller l’autre, donc eux vont suivre la formation cet automne », a expliqué M. Legault.

« Grosse différence », dit Lemelin

En entretien avec La Presse canadienne, Michel Lemelin dit se souvenir du point de presse avec M. Paradis, où il était question de la formation accélérée libérale. Il maintient que celle-ci était « du gros n’importe quoi ».

« Il y a une grosse différence avec celle d’aujourd’hui, affirme-t-il, trois ans plus tard. Douze semaines, c’est beaucoup mieux que cinq semaines, on s’entend. »

Le ministre de la Santé de l’époque, Gaétan Barrette, proposait une formation en établissement, non universelle et supervisée par des préposés aux bénéficiaires déjà débordés. « Ça a été un échec », laisse tomber M. Lemelin.

En comparaison, le contenu de la formation de 375 heures proposée aujourd’hui par la CAQ est directement tiré du programme de 870 heures, fait-il valoir.

Ça ne peut qu’être de qualité, soutient M. Lemelin, qui reconnaît toutefois n’avoir jamais vu le programme en détail et ne pas savoir quels éléments ont été mis de côté. Sa fédération n’a d’ailleurs jamais été consultée.

« C’est donné par des professeurs dans des centres de formation professionnelle. […] Il y a des laboratoires en plus, ça c’est merveilleux », dit-il.

Selon lui, il ne faut surtout pas oublier que les diplômés du nouveau programme accéléré recevront une attestation d’études leur permettant de travailler uniquement dans un CHSLD.

Ceux qui préféreront par la suite travailler en milieu hospitalier ou en soins à domicile devront poursuivre leurs études.

À ce chapitre, M. Lemelin espère que le gouvernement encouragera toutes ses recrues à compléter les 870 heures de formation, pour que tout le personnel soit bien outillé.

Par ailleurs, il prie la CAQ d’éviter de déployer les diplômés du programme de 375 heures à la grandeur du réseau, où ils pourraient se retrouver dans des postes pour lesquels ils ne sont pas qualifiés.

« Est-ce que le syndicat va pouvoir dire : vu que cette personne-là a déjà un pied dans le CISSS, […] elle peut s’en aller en hôpital, dans les soins à domicile, etc. ? » s’interroge-t-il.

La grande majorité des 5222 décès attribuables au virus de la COVID-19 depuis le début de la pandémie sont survenus dans les CHSLD.

Le manque de personnel a été identifié comme une cause directe du grand nombre de décès survenus dans ces résidences, devenues le principal foyer de propagation au Québec, principalement dans la région de Montréal.