(Québec) Tout juste avant qu’éclate la crise sanitaire au Québec, le Dr Horacio Arruda s’est absenté du pays pendant 12 jours, pour effectuer un voyage d’affaires, mais surtout d’agrément au Maroc, selon ce qu’a appris La Presse canadienne.

Le directeur national de la santé publique a quitté le Québec à destination de Marrakech le mercredi 26 février et était de retour de vacances le dimanche 8 mars à Montréal.

Des voix s’élèvent, dans la classe politique, pour s’interroger à savoir si cette absence prolongée, à un moment charnière de la pandémie de coronavirus, illustre l’aveuglement du gouvernement Legault, en janvier et février, quand le virus se répandait déjà à travers le monde.

L’opposition péquiste se demande s’il était prudent et avisé d’agir de la sorte et si le Québec n’a pas perdu alors un temps précieux pour mieux anticiper le danger imminent, en préparant le réseau de la santé à absorber le choc brutal qui allait se produire.

Avant de partir à l’étranger, le Dr Arruda, qui a un statut de sous-ministre adjoint, s’était assuré d’obtenir l’autorisation du sous-ministre, Yvan Gendron, et de la ministre de la Santé, Danielle McCann.

Dès son retour de vacances, le Dr Arruda a participé à une conférence de presse aux côtés de la ministre McCann, le 9 mars, avant d’alerter le premier ministre François Legault de la gravité de la situation, une première rencontre avec lui qui s’est soldée par la création d’une cellule de crise au plus haut niveau gouvernemental.

En son absence, un premier cas d’infection avait été rapporté au Québec, le 27 février. En trois mois, depuis le début mars, le virus de la COVID-19 aura fauché quelque 5000 vies au Québec, qui déplore plus de 60 % de tous les décès survenus au Canada.

Attitude désinvolte ?

Dans ce contexte, les vacances du Dr Arruda laissent l’opposition péquiste perplexe.

Pas de doute que cette parenthèse a eu un impact direct sur la progression de la crise, selon le porte-parole péquiste en santé, le député des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau, convaincu que des mesures ont été prises trop tard.

En entrevue, il s’étonne devant l’apparente « désinvolture » du Dr Arruda, persuadé que le gouvernement aurait pu agir « un mois plus tôt », notamment pour assurer l’approvisionnement en équipement de protection, surtout des masques en quantité suffisante, et recruter du personnel dans les CHSLD. Pendant ce temps, dès la fin janvier, la Colombie-Britannique et l’Alberta plaçaient des commandes d’équipement, dont des masques.

Il s’interroge à savoir si sa présence au Québec aurait pu faire une différence.

« Si on avait saisi l’ampleur de la crise qui s’en venait, évidemment, le directeur de la santé publique ne se serait pas lui-même accordé ces vacances-là, en sachant qu’il était le chef d’orchestre », affirme M. Arseneau, s’empressant d’ajouter que le gouvernement, en parallèle, n’a pas hésité à annuler par décret les vacances de tout le personnel de la santé.

Le Dr Arruda a refusé une demande d’entrevue sur son absence du Québec en février et mars. La ministre McCann a refusé de commenter.

La porte-parole du ministère a indiqué que même s’il était en vacances, il demeurait en relation avec son équipe. « Pendant toute cette période, il a été en contact constant avec le ministère de la Santé et des Services sociaux pour suivre la situation », assure la directrice des communications du ministère, Catherine Gauthier, dans un courriel.

N’empêche, réplique Joël Arseneau, si des mesures avaient été prises plus tôt, pendant cette période, « peut-être qu’on n’en serait pas là ».

Dès la fin février, la situation a nécessité de tenir la population informée. M. Arruda étant absent, il a dû se faire remplacer par le directeur général adjoint de la protection de la santé publique, le Dr Yves Jalbert, lors d’activités de presse, entre le 27 février et le 6 mars, aux côtés de la ministre McCann.

Pas de quarantaine

Le 12 mars, peu après la semaine de relâche, le premier ministre François Legault et le Dr Arruda ont exigé des employés de l’État qu’ils s’imposent une période d’isolement obligatoire de 14 jours, s’ils revenaient de l’étranger.

M. Arruda, qui a repris ses fonctions dès son retour de Marrakech, a donc ignoré sa propre consigne. « S’il avait eu le moindre symptôme, il se serait placé en isolement immédiatement », a assuré la porte-parole du ministère, en guise de réponse à l’apparente contradiction.

Le Maroc a fait partie des pays frappés par la pandémie. Début mars, le pays avait déjà enregistré quelques cas d’infection au coronavirus, dont un à Marrakech.

Mais ce n’est pas la pandémie de coronavirus qui a conduit le Dr Arruda au Maroc (et non pas à Genève, en Suisse, comme ont rapporté certains médias), mais plutôt le cannabis.

Il avait été invité par les organisateurs du congrès Officine Expo 2020, tenu « sous le haut patronage de sa majesté le roi Mohammed VI », à prononcer une conférence sur la légalisation du cannabis devant quelques milliers de pharmaciens africains.

Le congrès a duré deux jours, les 28 et 29 février.