Alors que bien des proches aidants réclament le droit de retourner en CHSLD pour visiter un membre de leur famille, ceux du CHSLD Vigi L’Orchidée blanche, à Laval, réclament au contraire l’interdiction des visites. Pourquoi ? Aucun cas de COVID-19 n’a été détecté dans l’établissement, tant chez les résidants que chez les employés, et les familles veulent éviter que des visiteurs n’y propagent la maladie.

« On sait que si la COVID-19 entre ici, tout le monde va y passer », s’inquiète Diane Tanguay, dont le conjoint, souffrant de démence, est hébergé au centre. « Actuellement, personne n’est contaminé, alors pourquoi prendre un tel risque ? »

Pour tenter d’attirer l’attention sur la situation, Mme Tanguay a écrit au premier ministre, François Legault, en plus d’organiser jeudi midi, devant L’Orchidée blanche, une chaîne humaine formée d’une trentaine de membres des familles des 127 résidants.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Aucun cas de COVID-19 n’a été détecté dans l’établissement, tant chez les résidants que chez les employés.

Selon Mme Tanguay, huit proches aidants de personnes hébergées au CHSLD Vigi L’Orchidée blanche ont demandé d’y avoir accès, depuis que le gouvernement a levé l’interdiction des visites, lundi. 

On ne prévoit pas de test de dépistage pour les proches aidants, mais ces personnes veulent entrer quand même.

Diane Tanguay

« Nous considérons que les inconvénients résultant de la permission d’entrée des proches aidants avec le risque de contamination secondaire surpasseraient les bénéfices escomptés », indique la lettre envoyée au premier ministre.

« Dans cette optique, nous vous demandons un moratoire pour poursuivre le confinement des résidents en suspendant les visites des aidants naturels dans le but de préserver la santé des résidents de cet établissement. Nous tenons à ce que le CHSLD Vigi L’Orchidée blanche demeure l’exception “COVID-19 négatif” dans un territoire lourdement touché où la pandémie sévit. »

De nombreux CHSLD et autres résidences pour personnes âgées de Laval sont jugés en situation critique parce qu’ils comptent plus de 25 % de cas confirmés.

Zone chaude

Saverina Rossi faisait partie de la chaîne humaine, jeudi, et ne pouvait cacher sa peine de ne pas pouvoir visiter sa mère de 90 ans depuis deux mois.

« Je vis l’enfer parce que je ne la vois pas, mais je ne veux pas que ma mère meure du virus », a-t-elle confié, les larmes aux yeux. « Les cas augmentent encore ici, à Laval, on est dans une zone chaude. C’est difficile, mais c’est mieux de ne pas y aller. »

En temps normal, Mme Rossi rend visite à sa mère chaque jour, pour la peigner, l’aider à manger, l’amener à la chapelle ou à l’extérieur, chanter avec elle, lui montrer des photos de famille ou lui apporter une part de tiramisu, son dessert italien préféré.

Maintenant, elle ne lui parle que par appel vidéo, deux fois par semaine, grâce au personnel du CHSLD. 

Elle me demande pourquoi je ne viens pas la voir et je ne sais pas quoi lui répondre.

Saverina Rossi

Même si la situation l’attriste, Saverina Rossi ne s’inquiète pas pour sa mère, convaincue qu’elle reçoit des soins adéquats.

Ceux qui veulent parler à un membre de leur famille peuvent le faire facilement, au téléphone ou par appel vidéo, selon elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Une résidante et des employés saluent les personnes réunies devant L’Orchidée blanche.

Le récréologue de l’établissement, Christian Lemieux, vient même d’installer un « parloir », pour améliorer les contacts entre les résidants et leurs proches : ils peuvent se parler au téléphone, assis face à face de part et d’autre de la porte vitrée du portique arrière de la résidence.

« Pour le moment, ils sont tous en sécurité », fait remarquer Franca Agozzino, dont le père, âgé de 95 ans, est hébergé au centre. « Je préfère attendre deux mois avant de voir mon père plutôt que de ne plus jamais le voir parce qu’il a été contaminé. »