Alors que les scénarios de déconfinement sont rendus publics, la Ligue des droits et libertés (LDL) invite le gouvernement du Québec à résister à l’attrait de la gouvernance par décrets ainsi qu’à la surveillance de masse.

Des experts œuvrant au sein de la Ligue ont fait ces mises en garde lors d’une conférence de presse tenue par visioconférence mardi matin.

Selon le président de la LDL, Christian Nadeau, professeur en philosophie politique à l’Université de Montréal, la gouvernance par décrets est trop opaque et ne tient compte que de l’avis d’un nombre restreint de personnes.

Depuis le début de la crise de la COVID-19, six décrets et 26 arrêtés ministériels ont été utilisés par le gouvernement québécois.

La démocratie et l’État de droit sont grandement malmenés ces jours-ci, tranche ainsi M. Nadeau.

« Un État de droit signifie l’existence d’un minimum de chiens de garde contre l’arbitraire en impliquant débats, consultation et surveillance des actions gouvernementales. Pourtant, ce sont ces mêmes chiens de garde qu’on renvoie dans leur niche pendant une crise de santé publique, au moment même où on en aurait le plus besoin », déplore-t-il.

Malgré l’urgence de la situation, il y a moyen d’injecter plus de démocratie dans le processus, ajoute Me Lucie Lamarche, vice-présidente de la LDL et professeure en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal.

Quant à Alexandra Pierre, experte en défense collective des droits et vice-présidente de la LDL, elle juge que le gouvernement Legault traite la crise sanitaire actuelle comme un enjeu de sécurité publique plutôt que comme un enjeu de santé publique.

Les Québécois sont plutôt disciplinés, constate-t-elle, et ont largement respecté les mesures de confinement prescrites.

Elle s’inquiète de l’implantation de technologies de surveillance de masse qui limiteraient le droit des citoyens de circuler librement et de faire des rassemblements, sans oublier la violation de leur vie privée.

La plupart des décès sont survenus dans des CHSLD, où les résidants sortent peu ou pas du tout, fait-elle valoir ; renforcer la surveillance de la population en général n’aurait rien changé.

Ce qui est important, c’est plutôt l’amélioration urgente du système de santé, avertit-elle.

La décision de faire une telle surveillance des citoyens ne peut être prise sans débat démocratique, insiste de son côté Me Lamarche.

D’ailleurs, elle espère bien que les droits sociaux des citoyens — droit à la santé, à l’éducation, à un logement convenable, entre autres — feront partie de l’équation de la relance du Québec.

Car cette crise sanitaire a révélé au grand jour de vieux problèmes sociaux qui n’ont jamais été réglés. Les droits sociaux des Québécois ont été mis à mal avec l’austérité des dernières années, dit-elle.

La Ligue des droits et libertés (LDL) est un organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, issu de la société civile québécoise et affilié à la Fédération internationale pour les droits humains. Elle milite en faveur de la défense et de la promotion de tous les droits humains reconnus par la Charte internationale des droits de l’homme.