Le Québec s’est réveillé vendredi matin comme on se réveille d’un lendemain de veille. Écoles fermées et tensions dans ses épiceries, hécatombe en Italie, état d’urgence nationale décrété plus tard aux États-Unis… La COVID-19, devenue pandémie, amène son lot de nouvelles réalités et chamboule les habitudes de vie des Québécois. Les deux prochaines semaines s’annoncent ardues.

Les conséquences de la pandémie ont pris une forme tangible après la journée historique de jeudi, où l’annonce de nouvelles mesures visant à ralentir la progression de la COVID-19 sont survenues. Vendredi, il fallait composer avec les changements.

Le Québec tente de digérer sa nouvelle réalité, alors que François Legault a annoncé la fermeture des écoles, des cégeps et des universités jusqu’au 29 mars.

Cette suspension temporaire des cours suscite de nombreuses inquiétudes chez les parents, les éducateurs et les enseignants. Si la majorité comprend la nécessité de fermer les établissements scolaires et les garderies, les parents pataugent en mer inconnue. Tous se demandent comment faire garder leurs enfants.

La ligne téléphonique d’Info-Santé, débordée, a été remplacée par le 1 877 644-4545. 

En fin de soirée, M. Legault a fait appel « au sens des responsabilités des Québécois ». Il a rappelé les conditions de quarantaine obligatoire et volontaire, et l’annulation des rassemblements intérieurs de plus de 250 personnes en vigueur depuis jeudi. 

Difficile de s’habituer à ces mesures, inédites pour bien des Québécois. Elles visent toutefois à ralentir la propagation, mais annulent au passage spectacles et compétitions sportives.

Manquer de denrées et de produits essentiels : cette crainte hante les consommateurs inquiets. Ils se sont rués sur une foule d’articles convoités, notamment le papier hygiénique. « Aucune pénurie de nourriture ou autres n’est envisagée », assurait pourtant François Legault, vendredi midi. 

Maints détaillants et experts affirment également que les craintes sont infondées. Les entrepôts sont en mesure de fournir les marchandises.

Le premier ministre a demandé au gouvernement Trudeau de limiter dès que possible l’entrée de visiteurs au Canada. Ottawa a ensuite annoncé que le nombre d’aéroports accueillant des vols de pays étrangers sera réduit afin de faciliter la détection de voyageurs infectés.

La pandémie n’a pas épargné le système judiciaire. La Cour supérieure du Québec et la Cour du Québec ont suspendu leurs activités régulières jusqu’à nouvel ordre. Seules les demandes urgentes seront traitées par la Cour.

Trudeau aussi touché 

Il faut maintenant ralentir la propagation du virus au Canada. Même le premier ministre Justin Trudeau s’est placé en isolement volontaire pour les deux prochaines semaines. Sa femme, Sophie Grégoire Trudeau, bien qu’atteinte de symptômes minimes, fait partie des 191 cas de coronavirus répertoriés au pays.

Bien que les travaux parlementaires soient suspendus jusqu’en avril, le gouvernement fédéral a annoncé de nouvelles mesures vendredi. Ottawa recommande maintenant aux Canadiens d’éviter tout voyage non essentiel à l’étranger, ce qui comprend les États-Unis.

Un plan national de relance économique et d’aide aux entreprises ainsi qu’une série de mesures fiscales sont à venir. Ils visent à aider les travailleurs partout au pays en ces temps difficiles.

La planète sur un pied d’alerte

La pandémie met les gouvernements de chaque pays sur un pied d’alerte. L’Italie a enregistré un sombre nouveau record vendredi, quand le pays a vu passer 189 décès liés au coronavirus en 24 heures.

PHOTO MIGUEL MEDINA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des médecins à l'œuvre dans une tente de triage de l'hôpital de Brescia, à proximité de Milan, en Lombardie

Le nombre de morts s’élève maintenant à 1266, dans cet endroit le plus touché par le virus après la Chine. Le nombre de personnes atteintes de la COVID-19 est quant à lui passé de 15 113 à 17 660.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a de son côté déclaré l’état d’urgence au pays, où la panique liée à la pandémie se fait sentir.

PHOTO JONATHAN ERNST, REUTERS

Le président Donald Trump a déclaré l’état d’urgence aux États-Unis.

Fortement critiqué pour la lenteur des États-Unis à offrir des tests de dépistage du coronavirus, le président Trump a annoncé vendredi l’autorisation d’un nouveau test fourni par la société pharmaceutique suisse Roche.

Ces tests permettront à des dizaines d’hôpitaux de mener jusqu’à 4128 examens par jour et pourront livrer un résultat en trois heures et demie.

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Nombre d’Américains testés en date de jeudi

De nombreux responsables ont déploré les critères extrêmement restrictifs autorisant l’administration des tests de dépistage. Le directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, Antony Fauci, a qualifié la capacité américaine de « défaillante » lors d’un témoignage devant le Congrès, jeudi.

Le pays cumulait vendredi 2174 cas confirmés et 47 morts.

De nombreux spécialistes affirment que le taux d’infection aux États-Unis est possiblement beaucoup plus élevé et que la difficulté à obtenir les tests fausse les données. La directrice de la Santé publique de l’Ohio, Amy Acton, a déclaré que jusqu’à 100 000 personnes pourraient être infectées dans le seul État de l’Ohio. 

« D’après ce que nous savons de la façon dont fonctionne la transmission communautaire, 1 % de notre population au minimum est porteuse du virus dans l’Ohio aujourd’hui », a déclaré Mme Acton. 

« Nous avons 11,7 millions d’habitants. Donc, en faisant le calcul, cela fait 100 000. Cela vous donne une idée de la manière dont le virus se propage, et ce, rapidement », a-t-elle ajouté.

Le président du Brésil Jair Bolsonaro a démenti être atteint du coronavirus, a-t-on appris vendredi. La nouvelle de sa contamination a créé une onde de choc chez les Américains, puisqu’il avait dîné avec Donald Trump le 7 mars dernier.

L’économie ébranlée

La Banque du Canada a pris les grands moyens pour apaiser la crise en abaissant son taux d’intérêt directeur à 0,75 %, soit un demi-point de pourcentage. Cette réduction est la deuxième en un peu plus d’une semaine. On cherche à réduire les dégâts économiques reliés au plongeon des prix du pétrole brut.

La nouvelle maladie poursuit ailleurs ses ravages sur l’économie, malgré un net rebond à la Bourse de New York après l’état d’urgence décrété par Donald Trump. Les Bourses européennes se remettent aussi de la descente historique de jeudi dernier.

Vendredi soir, au Québec, il n’y avait aucun nouveau cas de COVID-19 confirmé ni aucun cas probable. Quelque 646 personnes sont sous investigation, et 798 analyses ont été déclarées négatives.

Les 17 cas confirmés au Québec pour le moment sont tous des personnes de retour de l’étranger. Selon les informations fournies, aucune contamination au Québec ne s’est produite à l’intérieur des frontières, d’où les recommandations d’éviter les voyages à l’étranger.

En attendant, beaucoup de Québécois devront se résigner : leur nouveau quotidien leur apportera son lot de défis.

— Avec la collaboration de Tristan Péloquin, La Presse

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