La santé mentale des travailleurs de la santé a été frappée de plein fouet par la pandémie de coronavirus, selon des travaux menés à l’Université d’Ottawa.

La méta-analyse réalisée par le professeur Jude Mary Cénat et ses collègues a notamment constaté que le sommeil des travailleurs a été grandement affecté, ce qui les expose à des problèmes de santé à plus long terme.

« La différence entre la population en général et les travailleurs de la santé, c’est surtout au niveau de l’insomnie, a dit le professeur Cénat, qui au fil de sa carrière s’est entre autres intéressé à l’impact de l’épidémie d’Ebola sur la santé mentale des communautés.

« Ils sont au front et ils voient la souffrance des gens. Ils peuvent aussi vivre beaucoup d’anxiété du fait qu’ils se demandent s’ils vont être infectés ou s’ils vont infecter leur famille. Quand on se couche et qu’on commence à penser à la situation, le sommeil devient beaucoup plus difficile. »

Les problèmes de sommeil pourraient aussi avoir un impact sur l’efficacité de ces travailleurs, a-t-il ajouté, ce qui témoigne du poids qu’ils doivent porter et de l’essoufflement du système de santé.

Des problèmes de santé mentale comme la dépression, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique (TSPT) ont considérablement augmenté pendant la pandémie, ont découvert les chercheurs. La santé mentale de ceux et celles qui travaillent sans arrêt en première ligne depuis l’émergence du nouveau coronavirus a tout particulièrement été touchée.

Les chercheurs ont noté une hausse de 24 % de la prévalence d’insomnie, de 22 % de la prévalence de TSPT, de 16 % de la prévalence de dépression, de 15 % de la prévalence d’anxiété et de 13 % de la prévalence de détresse psychologique chez les populations touchées par la COVID-19

La dépression était trois fois plus fréquente, l’anxiété quatre fois plus fréquente et le TSPT cinq fois plus fréquent que ce qui est habituellement rapporté par l’Organisation mondiale de la Santé.

« On s’attendait à ce qu’il y ait des impacts, mais pas des impacts aussi élevés, a admis le professeur Cénat. C’est ce qui nous a interpellés. »

La situation est exacerbée par le fait que la pandémie limite sérieusement l’accès aux soins de santé mentale. « Cela a un impact extrêmement important que l’on minimise », a-t-il ajouté.

Les plaintes d’insomnie étaient beaucoup plus nombreuses parmi les travailleurs de la santé que dans le reste de la population, ce qui pourrait laisser présager des dépressions et des idées suicidaires, s’est inquiété le professeur Cénat.

« Peut-être que demain ils vont présenter plus de trouble de stress post-traumatique, peut-être que demain ils vont présenter plus de dépression ou d’anxiété », a-t-il dit.

Les travaux du docteur Cénat ont porté sur 55 études internationales regroupant quelque 190 000 participants. Ses conclusions sont publiées par le journal médical Psychiatry Research.