Le Québec doit-il s’attendre à une deuxième vague aussi forte que celle qu’il a connue le printemps dernier ? Non, estiment la plupart des experts, d’abord parce que la population est déjà « partiellement confinée » et habituée à vivre avec la pandémie. Pour autant, des inquiétudes demeurent, notamment au chapitre des hospitalisations, de la transmission du virus et de sa répartition sur le territoire.

« Le bilan vient d’atteindre les 200 hospitalisations. Ça a doublé en trois semaines. Si la tendance se maintient, on pourrait donc se rendre jusqu’à 400 à la mi-octobre », avance Benoît Mâsse, professeur de santé publique à l’Université de Montréal.

Dans l’éventualité où ces chiffres augmenteraient rapidement, les autorités pourraient devoir innover, dit l’expert. « Si jamais on arrive aux Fêtes et qu’on est sur le bord de perdre le contrôle, on pourrait envisager de faire ce que Wuhan a fait en Chine : allonger les vacances de Noël à quatre semaines », explique-t-il. Bien pilotée, cette « cassure » pourrait selon lui aider à reprendre le dessus sur la contagion.

Spécialiste des politiques publiques à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Marie-Pascale Pomey abonde dans le même sens. « Ça pourrait devenir compliqué en matière d’hospitalisations, surtout quand vont s’accumuler les pneumonies et les grippes. Maintenir le système de santé ouvert à flot, ça amène des défis », relève-t-elle.

C’est tout à fait possible que l’incidence de maladies respiratoires simultanées rende la disponibilité des lits d’hôpital moins évidente.

Marie-Pascale Pomey, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Vendredi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a appelé les Québécois à limiter leurs contacts « pour les 28 prochains jours, peu importe dans quelle région ». « Annulez les barbecues, les partys, les soupers pour le prochain mois », a-t-il imploré. Selon plusieurs observateurs, l’essentiel serait de réduire ses contacts d’environ 30 %, pour rééquilibrer le taux de reproduction de base, ou R0, soit le nombre de personnes qu’un malade infecte en moyenne.

Entre contrôle et nouvelles réalités

Quant à la force de cette deuxième vague, Benoît Mâsse demeure optimiste. « On est déjà en confinement partiel. On est habitués aux consignes. Ce niveau de contrôle enlève de l’oxygène au virus », raisonne celui qui est aussi chef de l’Unité de recherche clinique appliquée du CHU Sainte-Justine. Or, si la progression de l’épidémie se modifie, ses réalités en font autant.

Le virus a changé. Il y a beaucoup plus d’infections chez les jeunes, et surtout, c’est plus réparti sur le territoire, à l’extérieur des grandes villes, ce qui était beaucoup moins le cas lors de la première vague.

Benoît Mâsse, professeur de santé publique à l’Université de Montréal

Expert en sciences biologiques à l’UQAM, Denis Archambault rappelle que l’incidence de la deuxième vague sera modelée par nos gestes collectifs. « Il y aura une deuxième vague, et probablement une troisième plus tard, soutient-il. C’est comme ça qu’une pandémie peut se résorber avec le temps. À terme, c’est sûr que ça rebaissera, mais à quelle vitesse ? Tout dépendra du comportement des gens. »

Le chercheur trouve par ailleurs « très dommage » que la contagion dans les bars, mais surtout dans les résidences privées, n’ait pas été circonscrite davantage. « En réalité, c’était prévisible. Pour moi, le gouvernement et la Santé publique n’ont pas fait grand-chose pour minimiser cette tendance », observe-t-il.

Le froid et ses défis

Le professeur Benoît Barbeau, de l’UQAM, expert des questions de virologie, affirme que c’est surtout le contexte de nos interactions qui représente un défi. « Avec l’arrivée du froid, nous serons davantage à l’intérieur, et plus exposés à des particules virales. On est dans une nouvelle dynamique à laquelle on a peu été confrontés », juge-t-il.

Ces nouvelles réalités pourraient donner lieu à une transmission « encore plus marquée », prévient M. Barbeau, même s’il demeure plutôt optimiste. « Je persiste à croire que la deuxième vague ne sera pas équivalente [à la première], en termes de cas, étant donné que nous sommes tous déjà sur nos gardes », dit-il.

Marie-Pascale Pomey, de son côté, s’attend à un constant va-et-vient. « On ne parlera pas d’un pic, comme ç’a été le cas au printemps. Ce sera davantage des phases continues de transmission, en montant et en redescendant. Chose certaine : on aura appris des choses dans le milieu de la santé, donc je m’attends à moins de décès », confie-t-elle. « L’essentiel, ce sera d’être vigilant en ce qui concerne les éclosions. Le risque augmente dès qu’on se réunit dans des endroits clos », réitère Mme Pomey.

Deux moments, deux réalités

Au plus fort de la crise, au tournant du mois de mai, le Québec a enregistré plus de 1000 cas de COVID-19 à quelques reprises. En une seule journée, le 3 mai, pas moins de 2209 cas avaient été recensés. À cette époque, le nombre de décès se comptait par dizaines quotidiennement. Et le nombre d’hospitalisations dépassait 1700, dont plus de 200 aux soins intensifs.

Dans les semaines qui ont suivi, le nombre de cas a chuté. Au cours de l’été, les nouvelles infections enregistrées n’ont pratiquement jamais dépassé le cap des 200. Le 18 août, on enregistrait seulement 46 cas. Le nombre d’hospitalisations, lui, avait aussi drastiquement diminué, autour de 145.

C’est l’arrivée du mois de septembre et de l’automne qui a entraîné une recrudescence des cas déclarés, comme l’avaient prédit plusieurs experts. À titre d’exemple : depuis le 18 septembre, le Québec a enregistré 522 cas, en moyenne. Vendredi, la Santé publique a enregistré 637 nouveaux cas et 15 hospitalisations supplémentaires, pour un total de 199.

À la fin mars, les plus de 60 ans constituaient 28 % de tous les cas de COVID-19. Actuellement, ce chiffre est de 14,6 %. C’est donc dire que la proportion des infections chez les personnes âgées a chuté de moitié.

La situation en date du 24 septembre

Nombre de patients COVID-19 en résidences pour aînés : 189
Nombre de patients COVID-19 en CHSLD : 57
Nombre total de cas actifs au Québec : 4239
Source : données du gouvernement du Québec