(Ottawa) Une nouvelle étude laisse croire qu’il y aura une augmentation potentiellement explosive des problèmes de santé mentale pendant des années après la fin de la pandémie de COVID-19, qui risque de toucher particulièrement les femmes.

L’étude menée par Deloitte estime qu’à long terme, les visites aux urgences pour des troubles liés au stress et à l’anxiété augmenteront de 1 à 3 % par rapport aux taux antérieurs à la pandémie.

De plus, l’étude prédit que de 6,3 à 10,7 millions de Canadiens consulteront un médecin pour des problèmes de santé mentale — une énorme augmentation de 50 à 160 % par rapport aux niveaux d’avant la pandémie.

La firme-conseil affirme que les gouvernements devraient mieux financer les services de santé mentale, que les prestataires de soins devraient se préparer à la hausse de la demande et que les compagnies d’assurance devraient envisager de réviser leurs options de couverture.

Les projections sont fondées sur une analyse de ce qui s’est passé dans les années qui ont suivi l’incendie de Fort McMurray en 2016, qui a forcé l’évacuation de 88 000 personnes et détruit plus de 2400 maisons en Alberta.

Elles s’appuient également sur une analyse de l’impact à long terme sur les Canadiens de la « grande récession » de 2008-2009, un effondrement économique mondial qui était loin d’être aussi profond ou aussi durable que l’impact attendu de la crise de la COVID-19.

Le pays est toujours en proie à la crise sanitaire induite par la pandémie et à la crise économique qui en résulte, mais l’étude prévient qu’une « troisième crise » se profile.

« Il s’agit d’une crise humaine. Nos recherches précédentes sur l’impact des catastrophes naturelles sur les humains montrent qu’une fois que les crises sanitaires et économiques ont disparu, la crise humaine se poursuit pendant des mois, voire des années », soutient Deloitte.

La crise humaine pourrait se traduire par de moins bons résultats scolaires, une augmentation de la toxicomanie et de la criminalité, ainsi qu’une augmentation de l’incidence de la maladie mentale. L’étude se concentre strictement sur la santé mentale car il n’y avait pas assez de données disponibles pour analyser les autres impacts sociaux, a déclaré le coauteur Mathieu Laberge, directeur principal au sein du groupe Services-conseils en économie de Deloitte.

« Nous nous attendions évidemment à certains impacts humains de la COVID-19, en particulier autour de la santé mentale. Mais leur ampleur était assez surprenante pour nous », a déclaré M. Laberge dans une entrevue.

La troisième crise

M. Laberge a souligné que les statistiques à Fort McMurray laissent croire que l’impact sur la santé mentale perdurera pendant des années. Les consultations auprès des professionnels de la santé mentale et les ordonnances d’antidépresseurs ont augmenté dans les mois qui ont suivi l’incendie de mai 2016, « et d’après les données les plus récentes datant de la fin 2018, il n’y a aucun signe d’un retour à la normale d’avant la catastrophe ».

Le message, dit M. Laberge, est qu’une fois que les crises sanitaires et économiques induites par la pandémie se seront apaisées, « la troisième crise des impacts humains sera encore avec nous pendant un certain temps et les gens auront besoin d’aide ».

Il a noté que les éléments que l’étude n’a pas analysés — comme la perturbation des occasions d’éducation et l’augmentation potentielle de la toxicomanie — pourraient avoir des répercussions permanentes sur certains Canadiens.

L’impact sur les femmes est particulièrement « déchirant », a-t-il souligné.

Alors que la récession de 2008-2009 a frappé le plus durement le secteur de la production de biens, entraînant des licenciements surtout du côté des hommes, la pandémie de COVID-19 a frappé particulièrement les secteurs du commerce de détail et des services, et les femmes ont été plus touchées par les pertes d’emplois cette fois-ci.

L’étude indique que les femmes — qui étaient déjà représentées de manière disproportionnée parmi les Canadiens à faible revenu, en particulier les mères célibataires — ont subi 68 % des pertes d’emplois causées par la pandémie.

Le document souligne qu’une enquête menée par Statistique Canada en avril et en mai a révélé que les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de déclarer que leur santé mentale s’était aggravée quelque peu ou de façon considérable depuis le début de la pandémie en mars (57 % comparativement à 47 % pour les hommes). Et elles étaient plus susceptibles de déclarer que leurs besoins en matière de santé mentale n’étaient pas satisfaits.

« Les femmes sont l’épicentre de l’impact humain de la COVID-19 », conclut le document.

L’étude exhorte les gouvernements à mobiliser les réseaux d’écoles et de garderies pour identifier les personnes qui ont besoin d’un soutien en santé mentale et les orienter vers les ressources disponibles. Elle appelle également les professionnels de la santé mentale à se préparer à un afflux de patients.