Le Québec se prépare à une éventuelle deuxième vague de COVID-19 en testant un nombre record de patients et en reconnaissant des erreurs importantes dans la gestion des premiers mois de la pandémie à Montréal.

Plus de 17 000 prélèvements ont été effectués mercredi dans les cliniques de dépistage de la province, bien au-delà de l’objectif de 14 000 tests quotidiens.

C’est le nombre le plus élevé de prélèvements effectués en 24 heures depuis le début de la crise du coronavirus : même aux jours les plus sombres de la pandémie, alors que les morts se comptaient par dizaines chaque jour, on ne testait pas les gens autant.

C’est « un nouveau record de tests de dépistage, s’est réjoui le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, sur les réseaux sociaux. C’est encourageant, nous continuons le travail. »

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

Le bilan dévoilé jeudi par le gouvernement a aussi permis de voir bondir le nombre de patients hospitalisés avec la COVID-19, qui est passé de 190 à 208 en une journée. Une analyse plus fine du lieu de ces hospitalisations permet de comprendre que le nombre de nouvelles hospitalisations n’a pas augmenté de façon importante : c’est une éclosion à l’Hôpital de Saint-Eustache, chez des patients déjà sur place pour d’autres motifs, qui fait gonfler les chiffres (voir capsule à la fin du texte).

Malgré l’augmentation importante du nombre de prélèvements, le nombre de nouveaux cas déclarés est relativement bas depuis deux jours, avec seulement 122 nouveaux cas au Québec, pour un total de 59 131 malades depuis le début de la pandémie. Si Montréal ouvre toujours la marche, on a enregistré 200 cas en Montérégie depuis une semaine, soit 1 cas sur 5 rapportés au Québec. La région est au deuxième rang des plus touchées.

Par ailleurs, un changement technologique a fait en sorte que les données rapportées mercredi avaient dû être corrigées : 176 nouveaux cas avaient été ajoutés au bilan, alors qu’il aurait fallu en compter 112. Aucune mort n’avait été rapportée, alors qu’il aurait fallu en compter deux, pour un total de 5672 morts depuis l’hiver dernier.

« Stratégies divergentes » et « positions discordantes »

Alors que les bilans quotidiens sont relativement stables, le ministère de la Santé a profité de l’accalmie estivale pour faire le bilan des premiers mois de lutte contre la COVID-19 à Montréal.

Dans un document d’abord révélé par Le Devoir, les hauts fonctionnaires montrent du doigt la complexité du réseau de la santé à Montréal et la prise de décision parfois déconnectée du terrain.

« La plupart des PDG [d’instances du réseau montréalais de la santé] ont affirmé que certaines décisions étaient prises par les autorités, sans que quiconque se soit assuré au préalable de la faisabilité de leur application sur le territoire montréalais et surtout de leurs impacts », indique le document.

Le rapport, signé par la sous-ministre Dominique Savoie, déplore aussi l’existence de « stratégies divergentes sur un même sujet travaillées aux deux niveaux », par exemple sur les conditions pour se faire tester et des « positions discordantes sur des orientations ».

Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, a analysé le rapport.

Ce sont des problèmes de gouvernance et de structures qui prévalent et qui ont empêché le système de fonctionner correctement.

Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal

« La réforme Barrette a implanté un système de structures et de gouvernance très complexe qui a miné la Santé publique. […] La directrice de santé publique de Montréal est imputable de la santé de tous les Montréalais, mais n’a aucun pouvoir sur les ressources humaines, a-t-elle continué. C’est incohérent. Ça ne marche pas. »

Intitulé Diagnostics de la coordination des activités de santé publique, le document formule 24 recommandations à mettre en place afin que la Ville de Montréal soit mieux outillée pour affronter une deuxième vague de COVID-19. Elles mettent notamment en lumière l’importance d’instaurer des « échanges réguliers » entre les équipes de la directrice régionale de santé publique, la Dre Mylène Drouin, et celles d’Horacio Arruda. Il faut qu’elles discutent de leurs « orientations avant de les mettre en œuvre », indique le rapport.