Les États qui ont fermé tôt leurs écoles ont réduit de 62 % par semaine leur nombre de cas de COVID-19, selon une nouvelle étude américaine. Ses auteurs préviennent que pratiquer la distanciation physique dans les écoles pourrait aussi être efficace. Des spécialistes québécois sont toutefois sceptiques par rapport aux calculs.

« Même si nous avons tenu compte des différences concernant le moment des fermetures des entreprises non essentielles et des interdictions de rassemblements, les fermetures d’écoles ont eu un effet beaucoup plus important que ce que nous prévoyions », explique l’auteure principale de l’étude publiée mercredi dans le Journal of the American Medical Association ( JAMA), Katherine Auger, du Centre médical hospitalier pour enfants de Cincinnati. « Le chiffre de 62 % concernant la progression hebdomadaire du nombre de cas tient compte de ces autres mesures, tout comme l’évaluation de la diminution de mortalité, 58 % de moins par semaine avec une fermeture d’écoles hâtive. »

Cela ne signifie pas que fermer les écoles soit la panacée.

Nous n’avons pas pu comparer les écoles qui ont fermé et les rares qui ont adopté des mesures de distanciation.

Katherine Auger, du Centre médical hospitalier pour enfants de Cincinnati

Les écoles des différents États ont été comparées. L’épidémiologiste de l’Ohio a eu l’idée de son étude en constatant que son gouverneur avait été l’un des premiers à annoncer cette mesure, au début de mars.

Les deux spécialistes québécois à qui La Presse a demandé leur avis sur l’étude sont sceptiques. « Il me semble risqué de comparer des fermetures qui sont toutes arrivées sur un court laps de temps en mars », dit l’épidémiologiste Gaston De Serres, de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « J’aurais aimé qu’on fasse la même analyse pour les autres mesures, en corrigeant pour le moment de la fermeture des écoles. Ça aurait peut-être montré un effet similaire. » Le DDe Serres note que les pays de l’hémisphère Sud où les écoles sont ouvertes n’ont pas vu d’augmentation notable du nombre de cas. « J’ai regardé les chiffres pour l’Australie, ça augmente, mais surtout chez les jeunes adultes. »

Pas de nez qui coulent

La spécialiste des maladies infectieuses Valérie Lamarre, du CHU Sainte-Justine, estime elle aussi que l’analyse est à prendre avec des pincettes. « On se rend compte que les enfants sont un vecteur moins important de transmission pour la COVID-19 que pour les autres virus respiratoires, dit la Dre Lamarre. Les enfants sont moins malades et ont moins de symptômes. Il y a moins de nez qui coulent avec la COVID-19, et c’est un moyen de transmission important des infections respiratoires chez les enfants. Et ils toussent moins fort, ce qui est important vu ce qu’on se rend compte sur la transmission par gouttelettes de la COVID-19. »

La Presse a demandé une réaction sur l’étude du JAMA aux ministères de la Santé et de l’Éducation. « Cette étude ne modifie pas le plan pour la rentrée scolaire à venir », a dit Marjorie Larouche, relationniste au ministère de la Santé.

Comme la situation épidémiologique globale au Québec s’est améliorée, la présence physique des élèves à l’école est obligatoire pour la rentrée scolaire du mois de septembre prochain.

Marjorie Larouche, du ministère de la Santé

La Dre Auger pense-t-elle qu’il faudra malgré tout fermer les écoles dans des États particulièrement touchés par une deuxième vague ? « Je pense qu’il faudra suivre les recommandations de l’Académie américaine de pédiatrie et conserver l’école si possible pour les enfants en difficulté d’apprentissage, qui ont des services physiques ou psychologiques à l’école, et qui ont des repas gratuits à l’école », dit l’épidémiologiste de Cincinnati. Pourrait-on rouvrir les écoles défavorisées en premier, parce que leurs élèves et leurs parents sont moins bien outillés pour faire l’école à distance que les familles plus aisées ? « On pourrait aussi penser à une solution de ce genre », dit la Dre Auger.