Des voix s’élèvent pour réclamer la fermeture temporaire des saunas gais, à Montréal, redoutant qu’ils se transforment en foyers de propagation de la COVID-19. La Santé publique dit toutefois ne pas partager ces craintes, aucun cas n’y ayant été associé.

« Je fais appel au sens de la responsabilité civile des propriétaires; je comprends que c’est dur économiquement, mais le risque d’éclosion est extrêmement élevé », a déclaré à La Presse Pierre Côté, médecin dans une clinique du Village gai.

« Je n’ai rien contre les saunas ou contre les [clubs échangistes] pour hétéros, mais, à mon avis, c’est un peu tôt pour l’ouverture », précise-t-il, ajoutant que « tout le monde est un peu surpris de l’ouverture des saunas ».

La question fait d’ailleurs jaser sur les différents forums de discussion associés au quartier gai de la métropole.

« Ces lieux ne DEVRAIENT PAS ÊTRE OUVERTS », s’exclame un internaute sur la page Mon Village Montréal, affirmant qu’il est impossible de respecter une distance de deux mètres et de porter un masque dans ces lieux où « le but premier est de favoriser les échanges sexuels entre inconnus ».

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L'ouverture des saunas gais à Montréal fait jaser sur les différents forums de discussion associés au quartier gai de la métropole.

D’autres internautes raillent la recommandation faite aux établissements, prisés entre autres pour l’anonymat qu’ils offrent, de tenir un registre des clients.

Aucun cas

« Il n’y a pas eu de cas [de COVID-19] dans les saunas gais », a déclaré à La Presse Sarah-Amélie Mercure, médecin spécialiste en santé publique à la Direction de santé publique de Montréal.

« On n’a pas de raison de considérer que ces milieux-là représentent un risque plus élevé que d’autres milieux », poursuit la Dre Mercure, qui parle d’une « façon à risque réduit de rencontrer des gens ».

Elle ajoute que « le déconfinement ne vise pas un risque zéro »; les autorités sanitaires s’attendent à ce qu’il y ait des cas dans la communauté, mais que la transmission soit freinée par les différentes mesures mises en place.

La Santé publique ne voit aucun motif qui justifierait la fermeture des saunas et bars échangistes.

Souvent, quand on ferme des établissements, on déplace le problème ailleurs où il est plus difficile d’intervenir.

La Dre Sarah-Amélie Mercure, de la Direction de santé publique de Montréal

C’est aussi ce que pense le propriétaire des saunas Centre-ville et G.I. Joe, Ronald Champagne, joint par La Presse.

« Est-ce que c’est plus sécuritaire dans les parcs, dans les ruelles, en dessous des ponts ? La solution, ce n’est pas de fermer les saunas », lance-t-il.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a visité les saunas au cours de la dernière semaine, au même titre que les autres endroits licenciés, « pour voir si tout est conforme » aux directives de la Santé publique, a déclaré à La Presse son porte-parole, l’inspecteur André Durocher.

« Il n’y a pas eu de rapport d’infraction pour des saunas », a-t-il précisé.

La Direction de santé publique a également visité des saunas gais la semaine dernière, à la demande des propriétaires, afin de « regarder différentes installations pour rendre les mesures plus concrètes », affirme la Dre Mercure.

« C’est un milieu proactif, dit-elle, ils veulent tout mettre en œuvre [pour éviter la transmission du virus]. »

Règles strictes

Les saunas et bars échangistes sont soumis aux mêmes règles sanitaires que les autres établissements, comme « le triage, la vérification des symptômes, la distanciation physique [et le port du] masque dans les aires communes », rappelle la Dre Sarah-Amélie Mercure.

Ronald Champagne énumère les mesures qu’il a mises en place dans ses établissements : prise de température des clients et du personnel, installation de stations de désinfectant et, surtout, fermeture de toutes les aires communes.

« On dirait qu’on est revenu 25 ans en arrière ! », s’exclame-t-il.

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Les saunas et bars échangistes sont soumis aux mêmes règles sanitaires que les autres établissements.

Il ajoute qu’en ayant des normes d’hygiène élevées et en distribuant notamment des préservatifs, ses établissements permettent justement de mieux freiner la propagation des maladies, et pas seulement la COVID-19.

« Il y a aussi les MTS, le sida, rappelle-t-il. La COVID va partir, mais le sida n’est pas parti encore. »

Clubs échangistes

Tous ne voient pas les choses de la même façon; certains clubs échangistes hétérosexuels ont choisi de ne pas rouvrir leurs portes, même s’ils y étaient autorisés.

C’est le cas de l’Auberge La Passion, à Drummondville, dont le propriétaire, Luc Sylvestre, estime qu’il n’est « pas question de favoriser les rapprochements » dans le contexte de la pandémie, a-t-il déclaré à La Presse.

Ce ne sont pourtant pas, selon lui, les échanges sexuels, le principal problème, puisqu’ils auront de toute façon lieu ailleurs, reconnaît-il, mais bien la section bar de son établissement.

« Le monde ne peut pas être assis et se séduire à six pieds l’un de l’autre, lance-t-il. L’idéal, ça aurait été de fermer tous les bars. »

La Colombie-Britannique recommande les « glory holes »

Afin d’éviter de contracter la COVID-19 dans un moment d’intimité, le très sérieux Centre de contrôle des maladies de la Colombie-Britannique suggère le recours à des « glory holes » – un trou percé dans un mur afin de permettre à un homme d’avoir une relation sexuelle avec une personne située de l’autre côté du mur. Ce type de « barrière » permet les contacts sexuels tout en évitant « les face à face rapprochés », peut-on lire dans la rubrique « La COVID-19 et la sexualité » du Centre. On y trouve d’autres recommandations, comme « demander à son ou ses partenaires s’ils ressentent des symptômes de la COVID-19 », porter un masque ou encore « éviter ou limiter les baisers et les échanges de salive ». La Direction de santé publique de Montréal n’a pas voulu se prononcer sur cette recommandation. Il n’a pas encore été déterminé si la COVID-19 est une infection transmissible sexuellement, indique l’Institut national de santé publique du Québec. Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec rappelle quant à lui que le virus a été détecté dans certains liquides biologiques comme le sperme, bien que la possibilité de transmission par ces liquides demeure incertaine.