(Vancouver) Jennifer Larue veut juste que son mari puisse tenir leur bébé dans ses bras, mais les éclosions de COVID-19 dans les pénitenciers canadiens signifient qu’il n’a pas pu voir sa femme ou ses enfants en personne depuis des semaines.

La jeune mère compte parmi les nombreux proches de détenus qui, tout comme le syndicat des agents correctionnels, font part de leurs inquiétudes grandissantes relativement aux conditions de confinement et au risque de violence après la levée de ces mesures.

La COVID-19 a balayé plusieurs pénitenciers à travers le pays, avec la pire éclosion enregistrée à l’Établissement de Mission, en Colombie-Britannique, où plus de 130 détenus et membres du personnel ont reçu un test positif. Un prisonnier a succombé à la maladie.

La Dre Bonnie Henry, médecin hygiéniste en chef de la Colombie-Britannique, a déclaré la semaine dernière que les procédures employées pour limiter la propagation du virus dans ce pénitencier de la vallée du Fraser étaient dorénavant utilisées dans l’ensemble des établissements correctionnels fédéraux.

Les détenus sont enfermés dans leurs unités avec très peu de temps pour sortir prendre l’air. La taille des unités, qui regroupent plusieurs cellules, peut varier d’un établissement à l’autre. À Mission, une unité standard loge 30 à 40 détenus.

La durée des mesures d’isolement varie également à travers le pays. À Mission, les détenus en sont à leur 13e semaine de confinement. En Ontario, certains en sont à leur 11e semaine. Le mari de Jennifer Larue, Norman, est confiné à son unité depuis deux semaines à l’Établissement du Pacifique d’Abbotsford, également en Colombie-Britannique.

Joanne Fry, dont le fils Nathan purge une peine de 25 ans à Mission, s’inquiète de ce qui se produira après la levée des mesures de confinement. « Treize semaines dans une cage de la taille d’une (salle de bain) ont fait des ravages, signale-t-elle. Habituellement, lorsque (les prisonniers) sortent d’un isolement prolongé, la violence et les problèmes s’intensifient. »

L’accès à des formations et à des réunions comme celles de Narcotiques Anonymes a été limité ou carrément coupé, laissant les détenus avec plus de temps libre et moins de soupapes pour dépenser leur énergie, fait valoir Mme Fry, qui s’est jointe à une demande d’action collective contre Service correctionnel Canada en lien avec l’éclosion à Mission.

Kelly, qui a préféré taire son nom de famille par crainte de représailles contre son mari derrière les barreaux, dit qu’elle peut entendre le ton monter en arrière-plan lorsqu’elle parle au téléphone avec lui. « Ça se prépare et honnêtement, je suis étonnée que ça ne soit pas déjà arrivé », affirme-t-elle en faisant référence à une éventuelle flambée de violence.

Son mari est confiné avec dix autres détenus à l’Établissement Beaver Creek en Ontario. Il est autorisé à sortir une heure et demie par jour, dans un espace beaucoup plus restreint qu’auparavant. Kelly se dit préoccupée pour la santé mentale des détenus. Privés des visites de leurs proches, ils peuvent seulement les voir par vidéoconférence à raison de 30 minutes, une fois par semaine, et ce, s’ils ont de la chance.

Le président du Syndicat des agents correctionnels du Canada, Jeff Wilkins, est également tracassé par la réaction des détenus lorsque les mesures de confinement strictes seront assouplies.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Et le stress lié au fait de travailler en pleine pandémie a été exacerbé par des messages contradictoires à propos du port et des réserves d’équipement de protection tel que les masques. M. Wilkins rapporte qu’au début de la pandémie, Service correctionnel Canada a dissuadé les agents de porter de l’équipement de protection. Maintenant, ils s’exposent à des sanctions s’ils ne portent pas ce même équipement.

Jennifer Larue et Joanne Fry veulent toutes deux que Service correctionnel Canada fasse preuve de plus transparence quant à ses plans pour la reprise des visites et le maintien des soins aux détenus.

« C’est extrêmement difficile, souligne Mme Larue. Il faut que les gens sachent qu’il s’agit d’êtres humains. »