Certains parents ont découvert au cours des dernières semaines que les déclinaisons de l’école à distance sont multiples et qu’elles varient selon les enseignants, les écoles ou les commissions scolaires. Vers qui doit-on se tourner quand un enseignant n’est pas au rendez-vous ? En période de pandémie comme en temps normal, il n’est pas toujours simple pour les parents de se faire entendre.

Quelques semaines après l’arrêt des classes, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, Jean-François Roberge, a demandé aux enseignants de contacter leurs élèves au moins une fois par semaine par téléphone ou vidéoconférence.

Cette directive venue d’en haut ne s’est jamais matérialisée pour certaines familles.

« Que faites-vous des profs qui garrochent la liste de TOUTES les matières à faire et à étudier pour la semaine sans aucun cours en ligne et de suivi alors que les deux parents travaillent à temps plein et sont brûlés le soir ? », demandait, il y a encore quelques jours, une mère à la Commission scolaire de Montréal (CSDM).

« Mon fils est en 6e primaire et AUCUN suivi pédagogique n’a été fait depuis deux mois. Cela veut-il dire que ce ‟suivi” pédagogique (inexistant) se poursuivra ? », ironise une autre.

Ces témoignages font écho à bien d’autres reçus par La Presse au cours des dernières semaines. Mais à qui peut-on bien se référer quand le réseau d’éducation public ne remplit pas ses promesses en période de pandémie ?

« Est-ce que c’est l’école, est-ce que c’est le ministère de l’Éducation ? », demande une mère de deux enfants d’âge primaire qui n’avait presque rien reçu de leurs enseignants jusqu’à lundi dernier. Elle a refusé d’être nommée pour protéger l’identité de ses enfants.

Les parents doivent d’abord joindre la direction d’école, nous dit-on à la CSDM. Et ensuite ?

C’est la fin de ce qui nous est proposé. Il existe un processus de plainte, mais c’est un processus normal, qui est lourd, pour quelque chose d’aussi simple que de rentrer en contact avec les profs de nos enfants.

Marc-Étienne Deslauriers, président du comité de parents de la CSDM

« Il s’agit des mêmes démarches et recours que pour toutes les problématiques que vivent les parents… », confirme la Fédération des comités de parents du Québec.

En 2017, le Protecteur du citoyen avait déposé un rapport qui concluait que porter plainte dans une commission scolaire au Québec est une « course à obstacles », à tel point que certaines commissions scolaires ne recevaient pas de plaintes.

Un suivi qui doit être accru

La semaine dernière, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Jean-François Roberge a rappelé dans une lettre les « lignes directrices » qui doivent être suivies par les enseignants.

Depuis lundi, il demande qu’un plan de travail hebdomadaire soit fourni aux élèves restés à la maison pour qu’ils puissent se bâtir un horaire. Les élèves du primaire doivent être contactés directement au moins trois fois par semaine, un contact qui doit être « plus soutenu » auprès des plus vulnérables. Au secondaire, plusieurs rencontres de groupe à distance doivent être organisées.

« J’ai envoyé une lettre au réseau pour clarifier les choses, parce qu’en parlant avec plusieurs regroupements syndicaux ou directions d’écoles, plusieurs personnes interprétaient les choses différemment et disaient ‟ça nous prendrait des balises plus claires pour avoir davantage d’uniformité”. Je pense que la balise est venue répondre à ça », a dit Jean-François Roberge en entrevue avec La Presse.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Jean-François Roberge, ministre de l’Éducation du Québec

À quoi s’exposent les enseignants qui ne répondraient pas à cette demande ?

« Ça relève de la gestion du personnel qui se fait par les directions d’école et les cadres qui font de la gestion des ressources humaines dans les centres de services scolaires, poursuit le ministre. Il n’appartient pas au ministre de gérer la tâche des élèves et de regarder ce qui a été fait le lundi et le mardi, et combien de minutes ont été faites », a ajouté Jean-François Roberge.

Les enseignants sont tenus d’assurer une prestation de 32 heures par semaine, rappelle l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, faute de quoi ils s’exposent à des sanctions, comme des mesures disciplinaires ou une perte de revenus.

Directrice d’une école secondaire de Longueuil, Laurence Beaunoyer-Pinsonneault considère qu’il est de sa responsabilité de s’assurer que tous les membres de son équipe fassent leur travail.

Depuis la mi-mars, elle a dû intervenir auprès de trois employés de l’école. « Je ne suis pas en mode accusatrice, je leur demande : qu’est-ce que je fais de pas correct pour que vous pensiez que ce que vous faites est suffisant ? », dit-elle.

Certains ont évoqué l’importance de la crise actuelle ou encore la lourdeur bureaucratique pour justifier un certain laisser-aller, mais elle dit les avoir regagnés. Il ne faut pas sous-estimer « l’anxiété de performance » que vivent certains face à des collègues particulièrement motivés, croit-elle.