Alors que le déconfinement est amorcé depuis lundi, le dépistage massif de la COVID-19 tarde. Québec a fait passer le nombre de tests de 6000 à environ 7000 par jour seulement, alors que son objectif annoncé la semaine dernière était d’atteindre 14 000 d’ici vendredi.

Le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, était pourtant clair vendredi dernier : « On va beaucoup augmenter la quantité de tests qui est effectuée chaque jour. On va monter la puissance à partir d’aujourd’hui. »

L’objectif de cette « stratégie de dépistage massif » est d’avoir « une meilleure mesure de la transmission communautaire » du coronavirus. « Pour accompagner le déconfinement graduel, on met en place un nouveau plan diagnostique très agressif », insistait-il, confirmant sa cible de 14 000 tests d’ici à la fin de la semaine.

Or, l’augmentation du nombre de tests est plutôt faible jusqu’ici. « On est autour de 7000 encore », a reconnu le Dr Arruda mercredi en conférence de presse. C’était 6000, vendredi dernier.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique du Québec

Le nombre de tests analysés dans les laboratoires s’élevait à 6794 le 4 mai. Il est en diminution depuis une pointe de 9672 enregistrée le 1er mai. La trentaine de laboratoires confirme pourtant avoir la capacité d’analyser 16 000 tests par jour. Ils seraient capables de traiter 14 000 tests depuis le 27 avril. Mais ils en reçoivent beaucoup moins dans les faits.

Le Dr Arruda a laissé entendre que la faible augmentation du dépistage s’explique par le fait que des personnes ayant des symptômes ne se rendent pas passer un test.

« Il faut aussi que la population soit au rendez-vous. Donc, on va les inviter, et il y a un plan de communication très spécifique à différentes communautés culturelles à Montréal qui va être déployé pour aller chercher, en fin de compte, les personnes pour qu’elles se présentent au test de dépistage. Même s’il y a une offre qui est faite, il faut que les gens viennent. Donc, on prévoit qu’avec ça on va être en mesure d’arriver à augmenter puis à utiliser notre capacité maximale », a-t-il soutenu.

Inquiétude

À Québec, selon une source gouvernementale, on s’inquiète aussi d’un manque de personnel pour faire les prélèvements et arriver à augmenter les tests à 14 000 dès vendredi. Le même enjeu se pose pour mener les enquêtes et retrouver les contacts des personnes infectées. Alors que l’État de New York annonçait une « armée » de travailleurs pour faire le traçage, le Québec n’a fait aucune annonce du genre à ce jour, même si le déconfinement est déjà amorcé. 

Vendredi dernier, le Dr Arruda évoquait que la nouvelle stratégie de dépistage représentait un « défi de ressources humaines », sans en dire davantage. Il esquivait une question portant sur les effectifs qui seraient nécessaires pour mener à bien l’opération.

Une augmentation du dépistage est pourtant l’une des six conditions de l’Organisation mondiale de la santé avant d’envisager un déconfinement.

Du côté des laboratoires, on est fin prêt pour une arrivée massive de prélèvements, a indiqué le Dr Michel Roger, directeur médical du Laboratoire de santé publique du Québec. 

Nous, les laboratoires, on est prêts, et depuis déjà un petit bout de temps. Tout est en place. On regarde nos chiffres de production, de notre capacité, on est en haut de 14 000 sans problème.

Le Dr Michel Roger, directeur médical du Laboratoire de santé publique du Québec

Cependant, les laboratoires ne peuvent qu’analyser les échantillons qu’on leur fait parvenir, a souligné le Dr Roger. « On attend les échantillons. On en reçoit, mais on peut en prendre plus. Ce sont les prélèvements qu’on n’a pas. Peut-être parce que les sites de prélèvements ne sont pas tous organisés à l’heure actuelle. Il faut regarder cela avec la Santé publique. Ça, ce n’est pas dans ma cour. »

Des tests supplémentaires ont certes été réalisés au cours des derniers jours dans une zone chaude principalement, Montréal-Nord, comme l’a signalé le Dr Arruda. Mais pour le reste, la nouvelle stratégie de dépistage annoncée vendredi dernier n’est toujours pas mise en œuvre.

Le ministère de la Santé a répondu que le dépistage se fait toujours « en fonction de la priorisation mise en place le 11 avril dernier », donc selon la précédente stratégie. Celle-ci donne pour l’essentiel la priorité aux patients hospitalisés, au personnel du réseau de la santé et aux résidants symptomatiques des CHSLD et des résidences pour aînés.

Selon la nouvelle stratégie annoncée vendredi dernier, parmi les 14 000 tests quotidiens promis, 7000 sont toujours réservés pour ces catégories. Quelque 6000 autres tests sont attribués aux personnes symptomatiques de la population en général, en particulier dans les milieux qui seront déconfinés — les entreprises et les écoles. Québec a une réserve de 1000 tests qui servira dans des cas d’éclosions ou des situations particulières.

Vitesse décuplée

À l’heure actuelle, 34 laboratoires sont en mesure d’analyser les tests réalisés partout au Québec. Selon le Dr Michel Roger, ils ne manquent ni de personnel ni de matériel. « Nous avons eu une approche de décentralisation rapide vers les laboratoires situés partout au Québec, et également une approche de diversification des plateformes utilisées pour réaliser les tests, ce qui a pallié le manque de certains réactifs », a-t-il expliqué. Il a fait valoir que le Québec a littéralement décuplé sa vitesse de croisière en matière d’analyse de tests depuis le début de la pandémie. 

Par contre, Josée Fréchette, représentante nationale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS), croit que si la cadence des tests augmente à 14 000 par jour, davantage d’employés de laboratoire pourraient être nécessaires pour analyser tous les échantillons. « On parle de former des techniciens. Mais il risque de manquer de monde pour faire les 14 000 tests », a-t-elle affirmé. Le risque sera encore plus élevé si le déconfinement s’accompagne d’une reprise des activités médicales. Car depuis le début de la pandémie, les centres de prélèvement fonctionnaient au ralenti. Mais avec la reprise des activités hospitalières, le volume d’analyses « régulières » à effectuer pourrait venir s’ajouter aux 14 000 tests de dépistage de la COVID-19.

Clinique mobile

Mercredi, une visite de la première clinique mobile de dépistage, mise sur la route par les autorités montréalaises et d’abord stationnée à Verdun, a montré que les tests allaient bon train, même s’ils ne représentaient qu’une petite portion de ce qui peut être fait.

L’autobus qui sert de clinique, et qui stationne deux jours à la fois au même endroit, offre une capacité de 200 tests quotidiens, dans les conditions optimales. Mercredi, alors que l’objectif pour la première journée était de 100 tests, 107 ont été réalisés au total.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La clinique mobile de Verdun a procédé à 107 tests, mercredi. Sur notre photo, Yves Prud’homme, résidant du quartier, se prépare à subir un test. 

L’infirmière responsable de la clinique, Geneviève Alary, s’est dite « extrêmement satisfaite ». Les organismes communautaires locaux avaient été contactés au préalable pour joindre directement certaines clientèles cibles.

On voit que ça correspond à un besoin. Un nombre important des personnes qui se sont présentées nous ont dit qu’elles ne seraient pas venues dans une clinique fixe.

Geneviève Alary, infirmière responsable de la clinique mobile

Au moment où la clinique fermait, mercredi, quatre personnes ont pris place dans l’autobus pour subir un test qui prend en général quelques minutes. Yves Prud’homme, retraité qui s’est dit asthmatique chronique, était satisfait de son expérience. « Wow, on est venu ici dans mon quartier ! Je ne pense pas que je me serais déplacé jusqu’à une clinique », a-t-il confié.

Un second autobus devrait être mis sur la route au cours des prochains jours.

D’autres cliniques offrent à la population de Montréal des services de dépistage et d’évaluation de la COVID-19, notamment à l’Hôtel-Dieu, à l’Hôpital général juif et au CLSC de Montréal-Nord.

Pourquoi faut-il des jours avant d’obtenir le résultat d’un test de COVID-19 ? Parce que du prélèvement au résultat, le test passe par différentes étapes, où les délais peuvent être nombreux.

1. On procède à un prélèvement en clinique.

2. Une requête est identifiée au nom du patient.

3. Lorsqu’on a accumulé un certain nombre de tests (50 ou 60), on appelle un transporteur. « C’est là le premier délai », dit le Dr Michel Roger.

4. Le transporteur achemine les échantillons à l’hôpital. « Parfois, l’hôpital peut être à 200 kilomètres. Il y a un second délai ici. »

5. À la réception du laboratoire, on entre les informations du patient dans le système informatique.

6. On transporte les échantillons au labo et ils sont placés dans un frigo.

7. Le technicien qui réalise le test prépare un groupe d’échantillons. En général, de 20 à 50 échantillons sont testés en même temps. « Si la personne en a 300 devant elle, ça peut lui prendre du temps. »

8. Le test se déroule en deux étapes, et dure au total de 90 à 120 minutes. Le délai d’analyse d’un test acheminé au labo ne dépasse pas 24 heures.

9. Le test est validé par un professionnel.

10. Les résultats sont entrés dans un système informatique.

11. Les résultats sont acheminés par télécopieur à la Direction régionale de santé publique ou aux médecins traitants. « Là aussi, les gens ne sont pas assis à côté de leur fax. Ils le voient peut-être le soir ou le lendemain. »

12. La Santé publique appelle les patients. « Ils sont débordés et n’ont pas nécessairement le temps d’appeler les gens tout de suite. Des médecins ont été réquisitionnés pour faire ces appels. Tout cela fait que les gens peuvent attendre un résultat plusieurs jours. »

112 nouvelles victimes

Le bilan des décès liés à la COVID-19 a continué de s’alourdir au Québec alors que l’on dénombre 112 nouvelles victimes en 24 heures, pour un total de 2510. Le nombre de cas confirmés atteint maintenant 34 327 (+ 910). Les hospitalisations demeurent plutôt stables avec une hausse de 19 pour un total de 1840, dont 213 aux soins intensifs (– 5). Au cours du point de presse du gouvernement du Québec, mercredi, la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique, Geneviève Guilbault, a annoncé la création d’un plan d’action, assorti d’une enveloppe de 31 millions, pour soutenir les personnes souffrant de problèmes de santé mentale. Mme Guilbault a en outre confirmé que Québec autorisait les établissements de détention à permettre des sorties à des fins médicales « à certains groupes très ciblés de détenus » dans le contexte de la pandémie. — La Presse