L’éclosion de la COVID-19 qui frappe les détenus et agents correctionnels de l’Établissement de détention de Montréal incite un prévenu à demander sa liberté provisoire, en raison des conditions de détention difficiles à Bordeaux selon lui, et des risques d’y contracter le coronavirus.

Johnny Samuel Videz-Rauda est détenu depuis le 23 novembre 2018 - 16 mois - à la suite de son arrestation par le SPVM à l’issue d’une enquête visant un réseau de présumés producteurs et de distributeurs de cannabis. Il est prévenu, c’est à dire qu’il est en attente de procès.

Il fait face à une quinzaine de chefs de complot, production, trafic et vente de cannabis, et de possession de biens criminellement obtenus.

Il a renoncé à son enquête sur remise en liberté. Il a été arrêté en compagnie de sept autres individus qui ont presque tous été libérés ou ont réglé leur dossier depuis. Il a renoncé à la tenue d’une enquête préliminaire qui a tout de même débuté car elle a été demandée par un coaccusé.

L’accusé affirme de plus qu’il pourra éventuellement déposer une requête pour être libéré en vertu de l’Arrêt Jordan, rendu par la Cour suprême en 2016 et qui limite à 18 mois la durée des procédures en Cour du Québec.

« Extrêmement plus difficiles »

Mais depuis quelques jours, un autre élément s’est invité dans la liste des arguments de Videz-Rauda.

Sept agents correctionnels et 13 détenus de l’Établissement de détention de Montréal (EDM) ont été infectés par la COVID-19.

Dans une requête de six pages rédigée par son avocat MRichard Tawil, et qui sera débattue mercredi devant le juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure, Videz-Rauda affirme que les conditions de détention à Bordeaux sont « extrêmement plus difficiles depuis le 13 mars 2020, date du déclenchement des mesures exceptionnelles reliées à la crise sanitaire ».

Il énumère une longue liste d’activités auxquelles il dit n’avoir plus accès : centre de formation et bibliothèque, activités du YMCA, visites, parloir, activités sportives (gym) et cour extérieure.

Il déplore également un confinement en cellule - qui peut aller jusqu’à 22 heures par jour -, la fermeture de la cafétéria, un temps d’utilisation limité du téléphone et une restriction du temps de douche.

Videz-Rauda affirme de plus « que sa sécurité est compromise de manière très sérieuse » en raison de la pandémie de la COVID-19.

Il souligne entre autres que des détenus et des agents de Bordeaux sont maintenant infectés, qu’il n’y aurait aucun contrôle dans son secteur et dans les interactions entre les agents correctionnels, que les établissements de détention ne sont pas outillés pour faire face à la pandémie et qu’un détenu qui aurait eu des contacts avec des personnes incarcérées infectées n’a pas été testé, contrairement à ce qu’il a cru, et se serait déplacé dans plusieurs secteurs de la prison.

L’accusé demande au juge d’accepter sa requête, notamment parce que son dossier ne sera pas réglé dans un délai de 18 mois, que le crime qu’il a supposément commis n’est pas violent, que les peines dans les autres dossiers pourraient être moins sévères que le temps qu’il a déjà purgé, que lorsqu’il a renoncé à son enquête sur remise en liberté, ses conditions de détention étaient moins dangereuses qu’elles le sont actuellement, et enfin que sa détention n’est pas nécessaire pour assurer sa présence au tribunal, pour la protection du public et pour miner la confiance de ce même public envers l’administration de la justice.

Témoignage de la direction

Toutefois, dans un témoignage assermenté fait le 20 avril et joint à la requête, une responsable de l’EDM, Carmen Landry, écrit que Videz-Rauda ne présente pas de symptômes, n’a pas côtoyé des individus malades et occupe une cellule avec un codétenu dans le secteur B-8 abritant jusqu’à 44 personnes, et équipé de trois douches et de trois téléphones.

Elle affirme que les détenus de ce secteur n’avaient pas accès à la cafétéria, même avant les mesures sanitaires, qu’en tant que prévenu, Videz-Rauda n’a pas accès aux activités du YMCA, que les cours extérieures sont toujours accessibles mais que la bibliothèque a été fermée.

Elle ajoute que les détenus ont cinq heures de sortie par jour, durant la semaine, et quatre heures durant les jours de fin de semaine, depuis le 25 mars, mais que des secteurs peuvent être confinés, dépendamment des circonstances.

Mme Landry déclare que la prison assure les soins médicaux 24 heures sur 24, que des secteurs ont été créés pour limiter les risques de propagation de la COVID-19, et que des mesures sanitaires adéquates ont été prises.

Elle témoigne qu’il y a eu une bonification des chaines de télévision pour les détenus et que des sommes de 30 $ et de 60 $ sont versées pour chacun d’eux, aux deux semaines, respectivement dans leur compte-cantine et pour leur permettre de faire plus d’appels téléphoniques.

La Défense fera probablement valoir que la situation a évolué depuis la rédaction de cet affidavit, il y a dix jours.

Videz-Rauda a notamment des antécédents d’introduction avec effraction, recel, possession de stupéfiants, voies de fait avec lésions, usage d’une fausse arme, possession d’arme et possession de drogue dans un but de trafic.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, ou écrivez à drenaud@lapresse.ca