La pandémie de COVID-19 représente un véritable cauchemar logistique pour des milliers de touristes, y compris des Québécois, qui se sont retrouvés en position précaire après l’annonce du confinement de l’Inde il y a une semaine.

Leurs difficultés, amplifiées par l’hostilité d’une partie de la population locale, ont convaincu Shubham Dharmsktu de passer à l’action, le transformant du coup en bon Samaritain pour des dizaines de voyageurs.

Le documentariste de 26 ans a indiqué mardi en entrevue avec La Presse qu’il se trouvait à Jaisalmer, au Rajasthan, lorsque le gouvernement a donné l’ordre aux Indiens de rester à leur domicile, ce qui a créé un mouvement de panique.

« J’ai vu beaucoup de touristes internationaux qui couraient à gauche et à droite et qui ne savaient pas où aller. Les transports étaient en voie d’être suspendus et les hôtels leur fermaient leurs portes, alors j’ai décidé de faire quelque chose pour eux », souligne-t-il.

Le jeune Indien a réuni une dizaine de voyageurs et a réussi à réserver pour eux des sièges sur le dernier train partant pour New Delhi, près de 800 kilomètres à l’est.

Une fois dans la capitale, il a multiplié les appels pour tenter de trouver un établissement susceptible de les accueillir.

Une tâche compliquée par le fait que les étrangers, et plus particulièrement les Occidentaux, sont perçus comme la source de la pandémie, voire comme des porteurs actifs du coronavirus, par de nombreuses personnes.

PHOTO FOURNIE PAR SHUBHAM DHARMSKTU

Shubham Dharmsktu

Les Indiens, dit M. Dharmsktu, sont habituellement très accueillants, mais la pandémie « fait peur » et plusieurs d’entre eux sont mal informés, ce qui favorise la discrimination.

Le jeune homme a finalement trouvé une auberge dans le sud de la ville qui était prête à accueillir les touristes venus avec lui et l’a transformée en « camp de base » malgré les pressions venant de la population du quartier, qui multiplie les plaintes à la police dans l’espoir de faire fermer l’établissement.

« On doit se disputer avec les policiers pratiquement chaque jour », relève M. Dharmsktu, qui aide aujourd’hui l’établissement à se procurer la nourriture requise pour nourrir les touristes présents tout en jouant occasionnellement les interprètes.

Des Québécois coincés

« Il s’assure qu’on a tout ce dont on a besoin », souligne Lambert Desrosiers-Gaudette, un Québécois qui est arrivé par ses propres moyens à l’auberge il y a une semaine.

Le voyageur de 28 ans a dû faire face à l’hostilité croissante d’Indiens qui lui criaient « corona » ou l’invitaient à retourner chez lui.

« Ce n’est pas quelque chose auquel on est habitué. Rien ne m’avait préparé à ça, c’est vraiment déstabilisant », ajoute M. Desrosiers-Gaudette, qui espère pouvoir revenir au Canada à bord de l’un des vols de rapatriement prévus dans les prochains jours.

Le coût demandé de 3000 $ pour un aller simple semble exorbitant pour le jeune voyageur, qui a réservé trois billets successifs pour quitter le pays avant de les voir annulés tour à tour.

Rémi Tremblay, un Québécois pris à Goa, à plus d’une dizaine d’heures de route de Bombay, espère aussi prendre un vol coordonné par le gouvernement canadien sous peu, mais n’a pas l’assurance encore qu’il pourra se rendre à l’aéroport.

La police fait respecter de façon énergique le confinement, compliquant l’obtention de toute nourriture, relève ce résidant de Brossard, qui est aidé depuis plusieurs jours par un restaurateur local qu’il connaissait.

On est vraiment à la merci de la générosité du monde, parce que c’est impossible de trouver quoi que ce soit.

Rémi Tremblay, Québécois coincé à Goa

Shubham Dharmsktu sait que les cas de cette nature se comptent par milliers au pays et continue de venir en aide aux touristes qui le sollicitent après avoir obtenu ses coordonnées sur son compte Instagram ou par l’entremise de Facebook.

Le téléphone n’arrête pas de sonner, dit celui qui a même réussi à prêter secours à des Indiens pris aux Philippines en demandant l’aide de voyageurs philippins rencontrés dans la capitale.

La solidarité se répand « comme un virus », souligne en blaguant M. Dharmsktu, qui entend continuer à soutenir les touristes dans le besoin « jusqu’à ce que la dernière personne prise dans le pays ait pu rentrer ».