(Ottawa) Les autorités de santé publique du pays cherchent d’autres moyens de ralentir la propagation du nouveau coronavirus et l’administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada espère avoir une meilleure évaluation de la situation la semaine prochaine.

« Nous attendons encore les données mais chaque jour nous réfléchissons à ce que nous pourrions faire de plus », a confié Dre Theresa Tam, à son point de presse quotidien, dimanche.

Elle a souligné l’initiative québécoise, annoncée samedi, de limiter l’accès à une grande partie du territoire de la province. Les policiers contrôlent maintenant les entrées dans huit régions du Québec.

Elle a ainsi laissé entendre qu’on pourrait imposer de nouvelles restrictions à travers le pays.

Le premier ministre Justin Trudeau, pour sa part, n’en est pas à annoncer une intervention des Forces armées canadiennes pour assurer le respect des limites imposées aux citoyens.

« Les membres des Forces armées seront toujours là pour aider quand le Canada en a besoin, seront là pour servir. Mais pour l’instant, on n’a pas eu de demandes spécifiques par rapport à ça. Il n’y a pas de plan en ce moment pour effectuer des opérations au Canada avec les Forces armées », a-t-il répondu à une question de journaliste, dimanche matin.

Il a répété que tous les scénarios sont envisagés et que son gouvernement, tout comme l’armée, est « prêt à toute éventualité ».

Dès lundi midi, les déplacements par avion et train à l’intérieur du Canada seront interdits à toute personne présentant des symptômes de la COVID-19.

Ce sera aux employés des compagnies ferroviaires et aériennes de vérifier si le voyageur a une fièvre, de la toux ou des difficultés respiratoires.

Pour ce qui est d’une lumière au bout du tunnel, Dre Tam prêche encore la patience. « Je continue de croire qu’il est trop tôt pour dire […] mais la semaine prochaine sera un moment très important pour moi, pour observer les tendances », a-t-elle dit.

Le logement comme médicament prescrit

« Dans un pays comme le Canada, personne ne devrait être laissé pour compte », a souligné le premier ministre Trudeau, dimanche matin, en annonçant une nouvelle aide financière à deux organismes de charité ; 7,5 millions pour Jeunesse, J’écoute et 9 millions pour les programmes de Centraide pour les personnes âgées.

Alors qu’on s’inquiète de plus en plus de la situation des itinérants dans les villes du pays, le premier ministre a également rappelé son annonce du 18 mars pour les refuges. Ce sont 157,5 millions dont le détail de la distribution sera annoncé dans quelques jours. Québec distribuera la part des villes québécoises.

Il est difficile pour le gouvernement fédéral d’avoir une image précise de la situation actuelle puisque chaque ville est responsable de gérer les refuges pour itinérants sur son territoire. On estime la population itinérante au pays à environ 35 000.

« Nous sommes sur une île qui rétrécit alors que de plus en plus de personnes accostent », a offert comme description de la situation le secrétaire parlementaire du ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.

Adam Vaughan insiste sur l’urgence de distribuer l’argent rapidement parce que les services disparaissent et les abris habituels, comme les centres commerciaux, ne sont plus une option.

« Partout à travers le pays, nous perdons des lits, nous avons de plus en plus de gens qui en cherchent. Nous perdons des employés qui doivent se mettre en isolement ou qui cèdent aux demandes de leurs familles qui s’inquiètent du risque », a-t-il décrit en entrevue téléphonique.

« La plupart des refuges n’atteignent même pas le standard de l’ONU pour les réfugiés, encore moins les nouveaux standards imposés par la COVID-19 pour la distanciation sociale », a-t-il fait remarquer.

Et sa crainte : que la COVID-19 se propage chez cette population si vulnérable. « Quand ça va frapper, ça va frapper fort », a prévenu M. Vaughan.

« Nous avons une somme d’argent importante déjà annoncée mais je pense qu’un effort plus grand pour acquérir des lieux où assurer l’isolement social et la quarantaine pour les itinérants est essentiel, maintenant », a-t-il insisté.

La PCU et le reste

Ottawa prévoit toujours de mettre en ligne le 6 avril le portail de la prestation canadienne d’urgence (PCU). Les 2000 $ par mois devraient être versés moins de 10 jours après une demande.

Devant la multitude d’annonces d’aide financière faites ces derniers jours, M. Trudeau est conscient que certains pourraient ne plus s’y retrouver.

« On est en train de faire énormément de choses nouvelles. On a de nouveaux programmes. Et ça peut être bouleversant d’essayer de trouver exactement comment obtenir l’aide qu’on est en train d’envoyer […] On va continuer d’essayer de donner toute l’information nécessaire », a-t-il promis.

Rapatriements

Le navire de croisière où quatre personnes sont décédées de la COVID-19 est finalement en route vers un port américain et certains de ses passagers ont pu être transférés dimanche matin sur un autre navire.

PHOTO PANAMA MARITIME AUTHORITY, VIA REUTERS

Le MS Zaandam et le MS Rotterdam ont obtenu la permission de traverser le canal de Panama. Ils sont maintenant attendus à Fort Lauderdale, en Floride.

« Des passagers en bonne santé ont été transférés du MS Zaandam au MS Rotterdam, et (nos) efforts […] ont permis d’assurer le passage des deux navires dans le canal de Panama aujourd’hui. Du matériel médical supplémentaire a été livré hier pour les passagers qui demeurent à bord », a fait savoir le ministère des Affaires mondiales, en fin de journée dimanche.

On comptait 248 Canadiens à bord du Zaandam. Aucune des quatre victimes de la maladie n’était canadienne.

Le MS Zaandam et le MS Rotterdam doivent accoster à Fort Lauderdale, en Floride.

Les 244 Canadiens à bord d’un troisième navire de croisière de la même compagnie, le Maasdam, ont pu débarquer à San Diego et prendre des vols vers le Canada samedi. Il n’y avait aucun cas de COVID-19 à bord du Maasdam.

De nombreux citoyens canadiens sont encore incapables de rentrer malgré les vols de rapatriement organisés au cours des derniers jours. Le gouvernement canadien a distribué en tout plus d’un million de dollars à 342 d’entre eux. Il étudie encore les demandes de prêts de 850 autres ressortissants. Chacun de ces prêts peut s’élever à 5000 $.

Nombre de cas

Il y a maintenant 6280 cas confirmés et probables au Canada, dont 63 décès.

Distribution des cas au pays, selon les plus récents bilans provinciaux disponibles : 2840 au Québec, dont 22 décès ; 1355 en Ontario, dont 23 décès ; 884 en Colombie-Britannique, dont 17 décès ; 621 en Alberta, dont deux décès ; 135 à Terre-Neuve-et-Labrador ; 156 en Saskatchewan ; 122 en Nouvelle-Écosse ; 72 au Manitoba, dont un décès ; 66 au Nouveau-Brunswick ; 11 à l’Île-du-Prince-Édouard ; cinq dans deux des trois territoires. On n’a rapporté aucun cas au Nunavut.

Il faut ajouter à ces bilans les 13 cas chez les passagers rapatriés du navire de croisière Grand Princess le 10 mars.

Plus de 205 000 Canadiens ont été testés jusqu’à ce jour.

Selon les plus récentes données épidémiologiques publiées par l’Agence de la santé publique du Canada, des données tirées d’un échantillon qui représente le quart des cas rapportés, 65 % des contagions au pays sont des cas de transmissions communautaires, 35 % des cas sont liés à un voyage à l’étranger.

Ces mêmes données relèvent également qu’une majorité des malades, soit 69 %, a entre 30 et 69 ans.

Le symptôme le plus présent chez les personnes atteintes est la toux, observée chez 78 % des cas. Les maux de tête et les frissons sont notés chez 53 % des malades.

Sophie Grégoire Trudeau guérie

La conjointe du premier ministre a annoncé sur ses réseaux sociaux samedi soir qu’elle n’a plus aucun symptôme de la COVID-19.

Justin Trudeau travaille de sa résidence depuis le 12 mars, s’étant imposé un isolement volontaire dès l’apparition des symptômes de Mme Grégoire Trudeau qui rentrait de Londres.

Dimanche matin, il a fait savoir que sa conjointe et leurs enfants se sont installés au Lac Harrington, résidence secondaire des premiers ministres. Il a commencé un nouveau décompte de 14 jours d’isolement puisqu’il était « dans la même maison avec quelqu’un qui, jusqu’à il y a quelques jours avait la COVID-19 », a-t-il expliqué.

En attendant la lumière au bout du tunnel

Dimanche soir, le pont Samuel de Champlain reliant Montréal à la Montérégie au-dessus du fleuve Saint-Laurent, sera illuminé « avec les couleurs de l’arc-en-ciel », a fait savoir le premier ministre qui a lancé, une fois de plus, un appel à la solidarité et à l’espoir.

« Par moment, on peut se sentir très seul mais n’oubliez pas qu’on est tous en train de traverser cette épreuve ensemble », a rappelé Justin Trudeau.