Quels sont les métiers qui augmentent les risques de contracter la maladie de la COVID-19 ? Infirmier, agent de bord, caissier, policier ?

« On n’en sait absolument rien », répond Gaston De Serres, médecin épidémiologiste rattaché à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « Des gens ont contracté le coronavirus dans des églises, d’autres dans des bijouteries. »

Combien de serveurs ou de policiers ont subi le test et ont reçu un résultat positif ? « On n’a pas cette information. »

En l’absence de données, faire un classement des métiers les plus à risque est une tâche quasi impossible, même si on sait que les travailleurs de la santé sont en première ligne et que les agents de bord ne sont pas soumis à la quarantaine.

« Le principal facteur de risque, ce sont les contacts familiaux », ajoute Gaston De Serres.

Cela n’empêche pas les gens d’avoir peur. Depuis une semaine, les lecteurs sont nombreux à nous écrire pour nous faire part de leurs expériences et de leurs inquiétudes face aux risques qu’ils courent en travaillant à l’extérieur de la maison.

Les facteurs de risque

Pour bien mesurer les risques liés à un emploi, il faut garder en mémoire que la transmission du coronavirus se fait le plus souvent par des particules expulsées par la bouche d’une personne infectée. Les gouttelettes restent en suspension dans l’air et sont absorbées par une personne à proximité ou, ce qui est plus fréquent, elles se retrouvent sur des surfaces touchées par une personne qui porte ensuite ses mains au visage, où le virus peut pénétrer l’organisme par les voies respiratoires, le nez ou la bouche.

Les deux grandes mesures de prévention recommandées par la Santé publique sont donc la distanciation sociale, pour éviter d’être à côté d’une personne infectée, et le lavage fréquent des mains.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La proximité avec des gens porteurs du coronavirus, la fréquence de ces contacts et les situations où une personne touche des objets ou des surfaces contaminées par le coronavirus augmentent bien sûr les facteurs de risque. Mais la menace réelle dépend beaucoup des conditions particulières dans lesquelles chacun exerce son métier, des mesures de précautions personnelles prises par l’employé, des politiques établies par l’employeur et de la configuration des lieux de travail.

Au Starbucks de l’aéroport Montréal-Trudeau, une serveuse craint de tomber malade et de contaminer sa famille. « Nous ne sommes pas protégés. Nous sommes laissés à nous-mêmes, dit-elle. Nous avons comme consigne de nous laver les mains aux 15 minutes et aussitôt que nous nous touchons les yeux, le nez ou la bouche. Moi, je vais avoir bientôt 60 ans et je ne veux pas mettre ma vie en danger, car j’ai ma fille et mes petits-enfants. »

De l'eau et du savon

Dans une usine ou un entrepôt, le risque pour les travailleurs varie beaucoup selon la disposition des postes de travail, l’accès à des facilités hygiéniques, l’organisation des lieux communs, comme les salles de repos et les cafétérias.

Sur un chantier de construction, il faut aussi tenir compte de l’exiguïté des lieux où se trouvent les ouvriers, des mesures pour éliminer les risques associés au partage d’outils, la capacité de se laver les mains. Le premier ministre François Legault a insisté, vendredi, sur l’importance pour ces travailleurs d’avoir accès à de l’eau et du savon et à des roulottes en nombre suffisant pour l’heure des repas.

Dans un commerce, le degré de risque varie grandement selon l’organisation physique, la largeur des allées ou la disposition des caisses pour protéger les caissiers et les clients.

Des clients agressifs

« Pour la première fois, bien que je sois une employée plutôt docile et que je me conforme aux directives de l’employeur, j’ai peur de rentrer au travail », a écrit Sabrina Dumais, employée à la SAQ depuis six ans, sur sa page Facebook.

« La situation en succursales est alarmante. Les files d’attente à l’extérieur du magasin sont sans fin et les mesures mises en place par notre employeur ne suffisent tout simplement pas. Les clients se montrent agressifs quand on leur demande de privilégier les paiements par carte et les distances ne sont pas respectées. »

Dire la vérité

S’il y a un monde plus vulnérable que les autres, c’est bien celui de la santé, même si les risques peuvent être réduits par les mesures d’hygiène et les équipements de protection : masques, gants, blouses et visières.

« C’est sûr que le groupe prioritaire à protéger, c’est celui du système de santé où le personnel est en contact avec de vrais cas de coronavirus, confirme le médecin épidémiologiste Gaston De Serres. Mais en même temps, ce sont des gens qui se protègent bien. »

Valérie Marchand, pédiatre-gastroentérologue au CHU Sainte-Justine, avoue avoir « un peu peur ».

« Je croise les doigts pour ne rien attraper. Et ne rien transmettre à ma famille, dit-elle, ajoutant que les gens qui reviennent de voyage doivent respecter la mise en quarantaine et dire la vérité. On ne vous refusera pas les soins, mais on prendre les précautions nécessaires pour protéger le personnel. »

Dans les airs

Le transport aérien comporte aussi des risques élevés par rapport à d’autres métiers. Le personnel navigant, plus exposé que la moyenne à des gens infectés à la COVID-19, n’est pas soumis à la quarantaine recommandée par les autorités, contrairement aux gens qui reviennent de voyage.

« Nous vivons quotidiennement des situations empreintes d’une forte méfiance, voire de la discrimination, de la part de la société, confie un agent de bord qui préfère taire son nom. Et cela se répercute sur plusieurs sphères de nos vies. »

Une autre ajoute : « Nous continuons à travailler, à faire des allers-retours et des séjours à l’extérieur du pays sans jamais être obligés d’être en quarantaine. La seule chose qu’on nous dit, c’est de bien laver nos mains. »

Mais, hélas, pour une partie du personnel navigant, ces enjeux vont se régler d’ici à la fin du mois avec la suspension de la majorité des vols transfrontaliers et internationaux de plusieurs compagnies aériennes, en raison de la pandémie.