L’ouverture de sept nouveaux laboratoires de dépistage de la COVID-19 à travers le Québec permettra de faire passer le nombre de tests quotidien de 800 à 5000 par jour et d’alléger la pression sur le Laboratoire de santé publique du Québec (LSPQ), souligne son directeur, Michel Roger. Mais alors que la cadence est appelée à augmenter, une ombre se projette à l’horizon : la crainte de manquer de réactifs.

« Pour les réactifs, la demande est mondiale. Partout dans le monde, on en veut », affirme le Dr Roger. Depuis des jours, le LSPQ est à pied d’œuvre pour augmenter le nombre de tests réalisés chaque jour et éviter les pénuries de matériel.

« En temps de pandémie, le nerf de la guerre, c’est de faire des tests et d’identifier les cas pour les isoler », dit le Dr Roger.

Pour pouvoir détecter la présence de la COVID-19 dans un échantillon, il faut d’abord extraire l’ARN du virus. Des réactifs sont nécessaires afin de procéder à cette extraction. Le liquide qui en ressort doit ensuite être mis dans une machine (PCR) pour que l’on procède à son amplification. Là encore, des réactifs sont nécessaires.

Le Dr Roger souligne que la menace de pénurie de réactifs est bien réelle. Comme les laboratoires de partout dans le monde, ceux du Québec « dépendent des fabricants » qui font leur gestion des stocks. Certes, ceux-ci ont augmenté leur cadence de production avec l’épidémie de COVID-19, affirme le Dr Roger.

Mais oui, on a des inquiétudes. Tous les jours, je me demande si on va avoir le réactif pour les analyses.

Michel Roger, directeur du Laboratoire de santé publique du Québec

Pour éviter les ruptures de stock, le LSPQ travaille présentement à trouver des solutions. On tente entre autres d’éviter d’avoir recours à des réactifs pour procéder à l’extraction de l’ARN du virus. « On pourrait utiliser directement le liquide de transport pour se passer de cette étape. Ça va nous faire gagner du temps et éviter des pénuries », affirme le Dr Roger. Les résultats jusqu’à maintenant sont prometteurs, dit-il.

Mieux utiliser les écouvillons

Tout patient qui subit un test de dépistage pour la COVID-19 se fait prélever un échantillon nasopharyngé à l’aide d’un écouvillon recourbé dont la disponibilité préoccupe le LSPQ. Déjà, des mesures visant à en limiter l’utilisation sont appliquées. Des solutions de rechange ont aussi été trouvées.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Tout patient qui subit un test de dépistage pour la COVID-19 se fait prélever un échantillon nasopharyngé à l’aide d’un écouvillon recourbé dont la disponibilité préoccupe le Laboratoire de santé publique du Québec.

La société italienne Copan fabrique environ la moitié des écouvillons utilisés dans le monde entier à son usine de Brescia, où travaillent de 600 à 700 personnes. « Nous faisons 10 millions d’écouvillons par semaine, alors que notre production normale maximale est environ 60 % de ce chiffre », dit Lorenzo Fumagalli, chef des services juridiques de Copan à Brescia. Est-il possible d’augmenter encore la cadence ? « Peut-être un peu, mais nous travaillons déjà en 24/7. Ce n’est pas un processus qu’on peut cloner en claquant des doigts. »

Des ruptures de stock sont aussi prévues du côté des « milieux de transport », soit le liquide contenant notamment du sel et de l’albumine dans lequel doit être plongé le prélèvement pour être transporté au laboratoire. Mais selon le Dr Roger, ces milieux sont faciles à préparer et il sera peu complexe de pallier les éventuelles ruptures de stock : les laboratoires pourront facilement en produire eux-mêmes.

Augmenter le volume

Une fois prélevés, les échantillons doivent être acheminés au laboratoire. Jusqu’à mardi, tous les échantillons devaient transiter par le LSPQ, situé à Montréal, pour confirmation. Le LSPQ avait une capacité de mener 800 tests par jour, mais en recevait en moyenne 2000, note le Dr Roger. Mais jeudi, sept nouveaux laboratoires dans différents hôpitaux du Québec ont ouvert leurs portes. « Ça nous a permis de diminuer la pression », dit le Dr Roger.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Le Laboratoire de santé publique du Québec

Le CHU de Québec-Université Laval fait partie des huit hôpitaux qui procèdent maintenant au dépistage de la COVID-19 dans leur laboratoire. Vendredi, l’établissement prévoyait faire 400 tests par jour. Cette capacité sera augmentée à 3200 analyses par jour dès lundi. « Un nouvel appareil d’analyse entrera en fonction prochainement pour augmenter le nombre d’analyses à environ 4500 analyses par jour », affirme le porte-parole de l’établissement, Bryan Gélinas.

Puisque les laboratoires d’hôpitaux sont situés plus près des cliniques de prélèvement, le temps de transport sera raccourci. Le Dr Roger ajoute que des plans sont à l’étude pour ajouter encore plus de laboratoires. Des installations privées pourraient même être appelées en renfort.

Alors que le nombre de cas de COVID-19 est appelé à augmenter au Québec, les indications menant à l’obtention d’un test de dépistage seront aussi étendues, rappelle le Dr Roger. Les voyageurs ne seront plus les seuls à être testés. « On a une pression monstre à accentuer la cadence des tests. Et plus on augmente le nombre de cliniques de dépistages, plus on augmente le nombre de laboratoires, plus on augmente le nombre de tests et plus on augmente la demande de réactif », dit le Dr Roger.

— Avec la collaboration de Mathieu Perreault, La Presse

Hausse du volume de dépistages à Montréal

La santé publique de Montréal augmentera de façon importante le volume de dépistage de COVID-19 au cours de la fin de semaine et élargira les cercles de personnes testées. L’objectif de cette préparation à une explosion du virus est de pouvoir faire passer jusqu’à 5000 tests par jour, a indiqué vendredi la Dre Mylène Drouin, directrice de santé publique de Montréal. « Nous avons doublé depuis [jeudi] le nombre de dépistages, passant de 576 à 920. Mais vous allez voir une progression assez rapide au cours des prochains jours », a affirmé la Dre Drouin. Les modalités de ce dépistage prendront différentes formes, comme les tests en automobile qui sont faits à l’hôpital Sainte-Justine. Des îlots sanitaires seront mis en place dans différents secteurs de l’île, notamment au centre-ville et dans l’est de Montréal.