Toutes les deux semaines cet été, le jardinier-maraîcher Jean-Martin Fortier nous invite à plonger dans son univers où les mains noircies témoignent des leçons et des histoires que nous livre la terre… lorsqu’on sait l’écouter.

Avez-vous déjà observé la nette différence de saveur entre les tomates vendues dans les supermarchés et celles que vous vous procurez directement auprès de cultivateurs locaux ? Les connaisseurs vous le diront : celles qu’on déguste au mois d’août sont incomparables. Mais qu’est-ce qui rend une tomate si délicieuse, avec des distinctions gustatives si marquées ?

Après plus de 20 ans de culture de tomates, j’en suis arrivé à une conclusion évidente. Permettez-moi de vous fournir une explication succincte en quatre temps : la fraîcheur, la terre, la semence et l’intention de celui qui la produit.

Tout d’abord, il est important de savoir qu’une tomate développe pleinement sa saveur au cours de sa maturation. Lorsque les tomates sont cueillies à maturité, elles sont à leur apogée en matière de goût et de valeur nutritive, ayant complètement développé les sucres, les acides et les composés aromatiques qui les caractérisent.

Le secret d’une tomate bien savoureuse réside donc dans le fait de la laisser mûrir le plus longtemps possible sur le plant.

Les cultivateurs et les fermiers de famille que vous rencontrez dans les marchés locaux peuvent se permettre de récolter la veille, voire le jour même du marché. Les tomates issues de grandes productions doivent être récoltées prématurément pour faciliter leur transport et prolonger leur durée de conservation. C’est ainsi que fonctionne l’industrie…

Une autre part de cette différence de saveur provient du terroir lui-même, à condition qu’il existe ! En effet, la majorité des tomates qu’on trouve au supermarché proviennent d’une culture dite hydroponique. Cette méthode de culture fournit tous les nutriments nécessaires aux plantes, mais elle néglige un élément essentiel : le sol, authentique foyer de milliards de micro-organismes et d’animaux jouant un rôle crucial dans l’enrichissement des saveurs et de la qualité nutritionnelle des légumes. Du moins, c’est mon avis ! Car encore à ce jour, la science agricole tarde à expliquer les processus, disons, plus « ésotériques » qui caractérisent le goût d’un terroir.

La France et, surtout, les anciens savants connaissaient ces choses, ce qui explique en grande partie le développement des AOC (appellations d’origine contrôlée) dans plusieurs régions de France.

Si l’on veut voir la différence entre l’hydroponique et la culture en sol, on peut l’illustrer en comparant une personne qui se nourrit avec un soluté et une autre qui prend un bon repas chaud. C’est simple à comprendre…

Mais le sol n’explique pas tout. Le choix des semences joue également un rôle déterminant. Contrairement aux cultivars courants présents dans les grandes surfaces, les variétés patrimoniales, dites « heirloom » ou « heritage », n’ont pas été sélectionnées pour résister au transport ou pour avoir une apparence parfaite. Au contraire, ces variétés ont été préservées au fil des générations pour leurs qualités gustatives exceptionnelles.

La « Brandywine » est sans conteste l’une des variétés de tomates les plus emblématiques et appréciées par les amateurs de tomates des champs. Son parfum sucré et son goût riche en font une expérience gustative tout à fait singulière, qui se distingue nettement des tomates standardisées. Une autre de mes favorites est la « Green Zebra ». Cette variété inhabituelle possède une peau verte rayée de jaune. Sa chair est ferme et juteuse, avec un goût légèrement acidulé. Elle ajoute une touche de fraîcheur et d’originalité aux salades et aux plats.

Au cours des nombreuses années où j’ai fait goûter des tomates aux Québécois, j’ai remarqué qu’une variété est particulièrement prisée par les personnes d’un certain âge : la tomate rose. Beaucoup se rappellent avoir cultivé ou mangé ces tomates durant leur jeunesse. Parmi cette catégorie, j’apprécie tout particulièrement la variété « Rose de Berne ». Cette tomate patrimoniale de type « beefsteak » est connue pour sa chair à la fois ferme et juteuse, parfaite pour les sandwichs.

Enfin, le dernier point – qui concerne aussi tous les autres abordés ici – est aussi simple qu’important : l’intention de celui qui fait pousser et vend sa tomate. Que recherche-t-il au juste ? Faire plaisir à ses clients en leur proposant les meilleures tomates possible ?

La question se pose, car finalement, au-delà des aspects techniques de la culture des tomates des champs, il y a une dimension d’amour et de passion qui entre en jeu.

Les cultivateurs locaux, souvent des artisans de la terre, consacrent du temps et des efforts considérables à produire des tomates de qualité exceptionnelle. Leur connaissance intime des variétés, leur savoir-faire transmis de génération en génération et leur attachement au terroir confèrent une valeur inestimable à ces fruits gorgés de soleil.

Alors, la prochaine fois que vous vous délecterez de savoureuses tomates, n’hésitez pas à les déguster pleinement et à apprécier tout le travail et l’amour qui se cachent derrière ces petits trésors rouges. Bon appétit !