Grand coeur et grande gueule, beau-frère de l'ancien président François Mitterrand dont il fut l'intime, l'acteur français Roger Hanin est décédé mercredi à 89 ans après une carrière marquée par des rôles de costaud au cinéma et à la télévision.

Il était entré dans tous les foyers avec la série télévisée Navarro, où il jouait le rôle d'un inspecteur de police bourru et pugnace.

Le président François Hollande a salué en lui «un acteur populaire, à la faconde familière à des générations de Français qu'il a su toucher tout au long de sa carrière».

Roger Hanin s'était marié en 1959 avec la productrice de cinéma et télévision Christine Gouze-Renal (morte en 2002), soeur de Danielle Mitterrand, l'épouse du président. «Sans Christine, je n'aurais pas mené la vie qui m'a permis de me trouver», disait celui qui était surnommé par certains «le beauf'». Le couple a eu une fille.

Cet homme chaleureux, curieux de tout et de tous, a tenu le rôle de Navarro pendant plus de 100 épisodes sur la chaîne TF1, avant de mettre un terme à sa carrière d'acteur, sans «amertume, ni nostalgie» fin 2008, à l'âge de 83 ans.

Depuis le premier épisode, en octobre 1989, des millions de téléspectateurs ont suivi les aventures de ce commissaire divisionnaire incorruptible, vibrant et généreux, qui tentait de faire régner l'ordre, entouré de ses «mulets». «Navarro, c'est moi», s'exclamait-il.

Roger Hanin naît le 20 octobre 1925 à Alger. «Mon père s'appelle Joseph Lévy. Ma mère Victorine Hanin. À l'origine, c'était Ben Hanine. C'est une fille Azoulay. Je suis 100% casher sur le plan génétique. Je suis fils de communiste et petit-fils de rabbin. Je me sens très juif», disait-il. Il s'était converti au catholicisme en se mariant.

Il a tourné dans près d'une centaine de films. Son imposante stature, son allure de «gangster italo-américain bien nourri», selon un biographe, le cantonne dans des rôles de durs.

Il se fait un nom avec la série du Gorille et du Tigre et tiendra beaucoup de seconds rôles avec des réalisateurs parfois illustres tels que Luchino Visconti dans Rocco et ses frères (1959), Jules Dassin dans Celui qui doit mourir (1957), ainsi qu'avec Jean-Luc Godard, Claude Chabrol, Georges Lautner ou Edouard Molinaro.

«Le grand pardon»

1978 est une année charnière. Alexandre Arcady lui propose de jouer un pied-noir (Français d'Algérie) qui, après l'indépendance de l'Algérie, quitte son pays de naissance pour la «métropole». Avec Le coup de Sirocco, Roger Hanin devient l'ambassadeur de ces rapatriés. Toujours sous la houlette d'Arcady, il tourne peu après un autre de ses grands succès, Le grand pardon (1981).

«Roger Hanin était de la même trempe que Gabin et Belmondo, de cette trempe populaire avec une vraie identification: il était devenu dans les familles le copain, le frère, le père...» a déclaré à l'AFP le réalisateur, qui a dit «perdre un deuxième père».

Roger Hanin a lui-même dirigé des films, comme Le faux-cul et Le protecteur. En 1984, il réalise un film militant contre le racisme, Train d'enfer, inspiré d'un fait divers réel : deux légionnaires défenestrent un Maghrébin dans un TGV.

Il a également beaucoup joué au théâtre (Othello, Lucrèce Borgia, Henri IV, Le bourgeois gentilhomme, etc.) et fait de la mise en scène.

«Il y a des gens qui disent: «je n'ai pas eu la carrière que j'aurais voulue». Je dis, moi: «j'ai eu une carrière plus grande que celle que j'aurais espérée, maintenant j'arrête», déclarait-il en novembre 2008.  «J'ai un grand projet: je vais vivre, (...) faire des voyages, lire, écrire».

En 1983, il s'était lancé dans l'écriture, avec plusieurs livres truculents comme L'ours en lambeaux, L'horizon, Les sanglots dans la tête ou Lettre à un ami mystérieux, roman d'une amitié entre un petit juif de la basse casbah d'Alger et un enfant du sud-ouest de la France, François Mitterrand.