Se démenant depuis 12 ans pour mettre en chantier le film dont il rêvait depuis si longtemps, Steven Spielberg est enfin en mesure d'offrir au monde Lincoln, un drame biographique sur le plus mythique des présidents américains.

Dès l'enfance, Steven Spielberg a nourri une fascination pour Abraham Lincoln. Le 16e président des États-Unis, en poste pendant la guerre de Sécession, a en outre marqué l'histoire en militant pour l'abolition

de l'esclavage.

«Je ne pourrais dire d'où elle provient, mais cette fascination ne m'a jamais lâchée! déclare le cinéaste. Plus tu lis sur le personnage, plus tu comprends que le mythe l'entourant a été créé bien après sa mort. Pour éviter l'éparpillement, j'ai préféré me concentrer sur le dernier chapitre de sa vie.»

Même si Spielberg est l'un des cinéastes et producteurs les plus puissants à Hollywood, la mise en chantier de Lincoln n'aura pas été de tout repos. Dès la publication, en 1999, du livre Team of Rivals, écrit par Doris Kearns Goodwin, Spielberg en fait l'un de ses principaux projets. Mais les scénaristes auxquels il fait appel ne parviennent pas à accoucher d'un script satisfaisant. C'est finalement le dramaturge Tony Kushner (Angels in America) qui signera la version définitive d'un scénario basé en partie sur le livre de Doris Kearns Goodwin.

«Même si j'ai beaucoup lu sur Lincoln, j'ai découvert plein de choses que je ne savais pas, confie le cinéaste. La lourdeur de sa responsabilité ne m'avait jamais frappé à ce point. Quand on y pense, Lincoln fut, dans notre histoire, le seul président à devoir gouverner sous la menace d'une scission de l'Union. On dit qu'il souffrait de dépression, mais on se demande en même temps comment il a fait pour ne pas craquer au cours de son premier mandat, alors que la guerre civile faisait rage autour de lui. On avait évalué à 600 000 le nombre des victimes. Les historiens s'accordent aujourd'hui à dire que cette guerre a fait 750 000 morts!»

Pas de politique

Un personnage historique appelle-t-il obligatoirement un film politique? Selon Steven Spielberg, non. Le cinéaste se défend en outre d'avoir voulu s'immiscer dans la plus récente campagne électorale présidentielle avec ce film. Qui prend d'ailleurs l'affiche 10 jours après la réélection de Barack Obama. À l'époque où Abraham Lincoln fut élu, le paysage politique était bien différent. En 1860, le Parti républicain incarnait l'idéologie plus progressiste...

«Croyez-moi, si j'avais pu faire ce film dès l'an 2000, je l'aurais fait, insiste Spielberg. Il aurait peut-être été aussi pertinent de le sortir en 2009 pour célébrer le 200e anniversaire de la naissance de Lincoln, mais je n'étais pas prêt. Ma démarche n'a rien à voir avec celle d'un cinéaste militant qui voudrait visiter la grande histoire pour mieux tendre un miroir à la politique contemporaine. À mon avis, le bon moment pour mettre un film en chantier, c'est quand le scénario est bon!»

Même s'il évoque aussi la vie personnelle d'Abraham Lincoln (Daniel Day-Lewis), notamment sa relation avec sa femme Mary (Sally Field) et son fils Robert (Joseph Gordon-Levitt), le récit s'attarde plus spécifiquement à l'aspect politique de son action.

Les manoeuvres qu'a dû faire le premier président républicain de l'histoire des États-Unis pour obtenir l'amendement constitutionnel abolissant l'esclavage font l'objet d'une évocation minutieuse. L'assassinat du président n'est par ailleurs pas montré frontalement.

«Je ne voulais rien de racoleur, dit le cinéaste. De toute façon, ce n'est pas le propos du film.»

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Lincoln prend l'affiche le 16 novembre en version originale seulement.

Les frais de voyage ont été payés par Disney Pictures (Dreamworks).