Mises à pied, requêtes devant la Cour, sorties de films retardées: Christal Films, le distributeur des 3 p'tits cochons et de Continental, un film sans fusil, connaît un début d'année mouvementé.

Pour faire face à un manque de liquidités, le distributeur recherche activement un partenaire financier. «Je cherche un partenaire qui va venir m'aider à continuer à faire ce que je fais à l'heure actuelle», dit le président de Christal Films, Christian Larouche. En mai dernier, la collaboration entre Christal et Maple Pictures, qui distribuent tous les films produits par Lionsgate au Canada, a pris fin. Maple s'est depuis associé à Films Séville, concurrent de Christal.

La semaine dernière, la maison de services créatifs Technicolor a déposé une requête contre Christal Films. Somme en litige: 1 788 654 $. Dans une autre requête, déposée en décembre, la production de Sous les vents de Neptune, une minisérie coproduite par la France et le Canada, réclame 100 000 $ à Christal Films, a-t-on appris.

«En ce qui concerne Sous les vents de Neptune, c'est un cas très particulier. Sur ce film-là, on nous a vendu une série qui était extraordinaire, et à la livraison, excusez-moi, c'est une série qui n'est complètement pas à la hauteur de ce qui a été vendu», dit Christian Larouche.

La requête déposée par la production de Sous les vents de Neptune a conduit à la saisie des copies de l'adaptation télé du roman de Fred Vargas, le 13 décembre. «Ça va être à la défense, à la Cour, de dire, dans ce projet-là, (si) ce qui nous a été soumis n'était pas à la hauteur. Ce sera à la Cour de décider si ils ont raison ou pas», poursuit-il.

Concernant Technicolor, Christian Larouche explique que «c'est une situation dans une certaine période serrée de cash-flow (liquidités) entre (Technicolor et Christal) et on essaie de trouver un terrain d'entente. C'est ce qu'on est en train de faire avec Technicolor et je le redis: on travaille avec eux.»

La Presse a reçu plusieurs appels de contractants qui s'inquiètent de retards de paiement. Afin de conserver de bonnes relations d'affaires avec Christal, tous ont cepandant souhaité rester anonymes. «Moi, je paie mes comptes entre 90 jours et 120 jours, alors que je paie les gens entre 30 et 90 jours, c'est la situation normale, c'est la business. Il y a un roulement qui se fait automatiquement, ce sont les us et coutumes de l'industrie», réplique Christian Larouche.

Érik Canuel, dont le film Cadavres vit ses dernières heures de post-production, a constaté le départ de plusieurs de ses interlocuteurs chez Christal. «La personne qui s'occupait de mon dossier n'est plus là, les personnes avec qui je gérais la mise en marché du film ne sont plus là», remarque-t-il.

La mise à pied de «huit ou dix» employés depuis le début de l'année correspond à la disparition des films Lionsgate autrefois distribués par Christal au Québec, soit environ 10 % de sa distribution. «Depuis que je n'ai plus les films de Lionsgate, je sors beaucoup moins de films. Je n'ai pas besoin d'avoir tout ce personnel-là.»

Certains employés «vont être rappelés automatiquement si on a plus de films, mais à l'heure actuelle, la situation dans laquelle je suis, avec mes 25 ou 28 employés, c'est suffisant pour faire le travail que j'ai à faire (...) C'est normal de resserrer ou de couper dans les endroits dont j'ai le moins besoin au moment où l'on se parle», affirme Christian Larouche.

Le dernier film de Woody Allen, Cassandra's Dream, devait prendre l'affiche au Canada ce début d'année. Le distributeur pourrait toutefois le sortir directement en format DVD. «Pourquoi est-ce que j'irais (investir) 800 000$ ou un million alors qu'on vient de voir qu'aux États-Unis ça a crevé?», justifie-t-il, au vu du faible box-office du film là-bas.

Le nouveau partenariat entre Maple Pictures et Séville, mais aussi l'investissement de 100 millions de la Société générale de financement du Québec (SGF) chez son concurrent Alliance ont-ils été un coup dur pour Christal? «Un coup dur, encore une fois, ça dépend. Une compagnie arrive pour capitaliser, ils ont beaucoup de millions mais ils n'ont pas de films, cela ne change rien au paysage! Moi, mon but, c'est d'avoir des films qui fonctionnent.»

Christal Films distribuera cette année Cadavres, d'Érik Canuel, mais aussi C'est pas moi je le jure, de Philippe Falardeau, The Timekeeper, de Louis Bélanger, ainsi que le succès phénoménal français, Bienvenue chez les Ch'tis, a-t-on appris.

«C'est sûr qu'à l'avenir, on va avoir des partenaires. Je suis en grosse discussion avec des partenaires, et je pense que ça, ça va être très bien pour toute l'industrie du cinéma. Je pense que Christal est une compagnie importante, elle s'est impliquée dans beaucoup de genres de films», dit Christian Larouche.

«Cette société là est l'un des fleurons de la distribution au Québec, dit, à propos de Christal Films, Gaël Nouaille, responsable chez Wild Bunch, l'un des plus grands vendeurs de films en France qui a souvent fait affaires avec Christal. Si Christal, demain, ferme, c'est la distribution de films au Québec qui en pâtira énormément.»