Christophe Barratier est attiré de façon irrésistible par les grandes et belles histoires, celles qui font émerger ce qu'il y a de meilleur en l'homme. Pas demain la veille qu'il va tourner un film noir comme l'encre. «Je suis animé par une vraie joie de vivre, j'ai foi en la vie. Peut-être cela vient-il de cette peur terrifiante que j'ai de la mort.»

Le succès aussi phénoménal qu'inattendu des Choristes, en 2004, a propulsé le réalisateur de 45 ans sous les réflecteurs. Sa touchante chronique sur l'enfance, adaptée de La cage aux rossignols, de Jean Dréville, a fait plus de 8,6 millions d'entrées en France, récoltant au passage deux Césars et deux nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film étranger.

 

Le triomphe de ce premier film (refusé par tous les studios) n'a pas changé Christophe Barratier d'un iota. Fidèle à ses principes de vie et son optimisme à tous crins, il revient pour un second essai derrière la caméra avec une autre histoire bercée par des qualités de coeur, Faubourg 36 (en salle la semaine prochaine), qui rend hommage au «réalisme poétique» des Carné et Prévert.

Pour l'occasion, Barratier renoue avec son bon ami Gérard Jugnot. Le monsieur Mathieu des Choristes campe le rôle de Pigoil, un technicien d'un music-hall du Paris des années 30 qui travaillera d'arrache-pied pour donner une seconde vie à l'établissement, avec l'aide de ses deux copains (Kad Merad et Clovis Cornillac) et d'une jeune première (Nora Arnezeder). Pigoil est également motivé par le désir d'avoir un emploi stable lui permettant de revoir son jeune fils, confié à la garde de sa mère.

Non à Hollywood

Guitariste de formation, Christophe Barratier avait envie d'un autre film qui lui ressemble, avec de la musique, bien sûr, beaucoup de musique, mais qui fait aussi place à l'amitié, à l'entraide, au partage, des valeurs trop souvent mises de côté de nos jours, déclarait-il au Soleil, fin août, à quelques heures de la présentation de Faubourg 36, en lever de rideau du Festival des films du monde de Montréal.

Les Choristes a fait de Barratier un réalisateur très en demande. Hollywood lui a tendu quelques perches, mais il ne les a jamais saisies. «On m'a offert tout et n'importe quoi... Dès que votre film se vend aux États-Unis, les propositions arrivent par paquets. Mais dans tous ces scénarios, aucun ne correspondait à ce que je voulais. C'étaient des histoires de fond de tiroirs. Si j'avais accepté d'y aller, ç'aurait été avec des intentions sincères, et non par opportunisme, simplement pour avoir une villa à Los Angeles...»

Le cinéaste refuserait aussi catégoriquement de tourner une suite aux Choristes. «Jamais! Même si je devais mourir de faim. J'ai trop d'honneur.»

Aventure collective

Neveu de l'acteur et producteur Jacques Perrin, qui lui a en quelque sorte montré le métier, Barratier s'est alors souvenu d'une comédie musicale proposée à la compagnie de son oncle (Microcosmos, le peuple de l'herbe, Le peuple migrateur), il y a une dizaine d'années, par Reinhardt Wagner, Frank Thomas et Jean-Michel Derenne. Un projet qui évoquait une chronique de la vie quotidienne dans un faubourg imaginaire des années 30, à l'époque du Front populaire.

Le cabaret que tente de faire revivre le tenace Pigoil et ses amis devient le symbole de la résistance du peuple face aux coups bas de la vie, à une époque où personne ne l'avait facile.

«Je regarde des photos de cette époque et je vois des gens qui regardaient l'objectif en se disant que le monde allait changer. Les ouvriers découvraient l'émancipation, rêvaient d'accéder à quelque chose à laquelle ils n'avaient jamais eu droit : la semaine de 40 heures, deux semaines de vacances payées... Quatre-ving-dix pour cent des Parisiens n'avaient jamais vu la mer. Si mon film dégage une nostalgie, c'est celle où l'aventure collective avait encore un sens. Les gens croyaient en de meilleurs lendemains, mais on s'est pris une catastrophe en pleine face (ndlr : la montée de l'extrême droite et la Seconde Guerre mondiale).»

Même si la musique occupe une grande place dans Faubourg 36, son auteur n'en parle pas comme d'une comédie musicale. «C'est un film musical. La comédie musicale, ça divise le public plutôt que de le rassembler. Je ne voulais pas d'un film avec des personnages qui chantent les dialogues.»

Faire des progrès

Une semaine après sa sortie en France, Faubourg 36 a réalisé plus de 438 000 entrées. Devant ces chiffres, un triomphe à l'image des Choristes apparaît de moins en moins probable selon les analystes de l'industrie.

«Ce qui est important pour moi, c'est de faire des progrès», racontait Barratier, à un mois de la sortie de son film. «Le premier film, c'est souvent un coup de chance. On me disait que j'allais m'effrondrer au deuxième, de faire tout de suite le troisième... (rires).»

Et les critiques? «Vous savez, en France, on aime reprendre ce qu'on a donné. Le fait d'avoir fait découvrir mon premier film donnera peut-être à la presse une sorte de droit de sanctionner le second.»

Peu importe la suite des choses, il en faudra davantage pour mettre à mal l'optimisme de Christophe Barratier. Pas question de changer de style. «Je ne peux pas m'imaginer vivre sans espoir. Je ne suis pas du genre poète maudit qui peut travailler seulement dans le malheur.»