Dans le nouveau film de Safy Nebbou, Catherine Frot se glisse dans la peau d'un personnage différent de ceux qui ont assuré sa notoriété au cinéma. L'actrice en est ravie. Et se souviendra longtemps d'un rôle qui, à ses yeux, fait partie de «ceux qui restent«.

Quand elle s'est assise pour voir la version définitive de L'empreinte de l'ange, Catherine Frot a éprouvé un sentiment que les acteurs ont rarement l'occasion de partager.

«J'ai eu l'impression que le film était même supérieur au scénario! a-t-elle révélé à La Presse au cours d'une interview accordée à Paris il y a quelques semaines. Au début, le script ne laissait entendre qu'une seule note pratiquement. Nous avons réussi à le nourrir au fil du travail, à lui donner de beaux contrastes.»

Sous la houlette du même producteur que La tourneuse de pages (Michel Saint-Jean), un autre film où l'actrice a eu l'occasion de se faire valoir dans un rôle plus dramatique, L'empreinte de l'ange fait partie de ces films qui laissent des traces dans la carrière d'un acteur. Dans la mesure où les thèmes abordés peuvent remuer bien des choses.

«J'aime beaucoup jouer ce genre de personnage, toujours sur la corde raide, explique Catherine Frot. Même si ça fait un peu peur. Dans ce cas de figure, je me suis sentie un peu... comment dire, submergée par moments, mais je trouve cela intéressant. Plus le fil est étroit, plus il est tendu, plus le spectacle se fait, me semble-t-il.»

Dans ce nouveau film de Safy Nebbou, la vedette d'Odette Toulemonde prête ses traits à une femme qui semble tout droit se diriger vers la folie. Blessée dans sa chair depuis la mort accidentelle de sa fillette, cette femme jette son dévolu sur une petite fille du même âge. Et s'immisce subrepticement dans la famille de cette dernière. Il y aura évidemment confrontation avec la mère de la petite inconnue, incarnée par Sandrine Bonnaire. À la base de ce drame psychologique, la notion d'instinct maternel, laquelle, ici, se situe proche de l'animalité.

«Les années d'expérience en tant qu'actrice m'ont évidemment appris à bien compartimenter les choses, mais il y a des rôles qui vous confrontent quand même à certaines fragilités parfois, observe Catherine Frot. Il y a des zones d'ombre dans lesquelles vous devez aller qui rendent parfois les choses un peu plus compliquées quand vient le moment de revenir sur Terre.»

L'actrice a toutefois trouvé en Nebbou un allié précieux. «Je ne le connaissais pas auparavant, mais j'ai beaucoup aimé Le cou de la girafe, son film précédent, indique-t-elle. Et puis, Safy est quelqu'un qui, comme moi, provient du théâtre. Il aime discuter des personnages, il aime chercher. Nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé ensemble pour solidifier la partition du film. Il était important de discuter, car le chemin que nous pouvions proposer au public était quand même très étroit. Il fallait savoir exactement comment doser, comment donner des indices par rapport à la folie du personnage, réelle ou pas. Du travail de dentelle pour exprimer des instincts primaires très spectaculaires!»

Une partenaire d'exception

Face à elle, une autre actrice d'exception, Sandrine Bonnaire. Avec qui Catherine Frot a eu le sentiment de pouvoir vraiment «construire» quelque chose.

«Quand on doit se glisser dans la peau de personnages antagonistes, il y a quand même quelque chose d'un peu flou dans les rapports qu'on entretient avec un ou une partenaire, explique l'actrice. Là, ce n'était ni facile ni évident. On essayait, Sandrine et moi, d'aller griller une cigarette tranquillement ensemble après avoir tourné une scène, mais on s'apercevait très vite que nous étions habitées d'un sentiment d'isolement naturel.»

Catherine Frot, que nous verrons bientôt dans Le crime est notre affaire, une comédie policière de Pascal Thomas qui lui a valu une nomination pour un César dans la catégorie de la meilleure actrice, estime que L'empreinte de l'ange est un film marquant. Pour elle en tout cas.

«J'ai le sentiment d'être allée assez loin, confie-t-elle. Certains rôles marquent un acteur plus que d'autres. Ce personnage fait partie de ceux dont je me souviendrai longtemps. Il y a de ces rôles qui restent.»

L'empreinte de l'ange est présentement à l'affiche. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.