L'Office national du film vit une véritable renaissance grâce à un virage numérique abordé à la vitesse grand V. On ne parle plus uniquement de petites vues à l'ONF, mais de plus en plus de web, de son et de zizique.

Après avoir lancé en octobre dernier son application pour iPhone et mis en ligne un vidéoclip interactif de la chanson Contrôle de Malajube le mois dernier, la division web/projets interactifs de l'ONF pousse son exploration des nouveaux médias en lançant Écologie sonore, un documentaire web en quatre chapitres «sur la pollution sonore et notre incapacité à soutenir le silence».

Réalisé par Nicolas Saint-Cyr et ses collaborateurs (de l'agence Toxa spécialisée en contenus multiplateformes), le projet vise à sensibiliser les internautes à la notion de «paysage sonore» ou encore «soundscape», selon le mot de l'inventeur de ce concept, le théoricien du son, compositeur et environnementaliste ontarien R. Murray Shaefer, réputé mondialement pour ses théories d'environnement acoustique.

Écologie sonore invite les internautes à s'immiscer dans le paysage sonore qui nous entoure, en commençant par celui de la ville. L'ONF mettra plus tard en ligne les chapitres suivants: La banlieue (15 avril), La nature (15 mai) et Un ermitage (15 juin).

En se baladant dans le site, le visiteur peut, entre autres choses, visionner quatre courts documentaires dressant les portraits de Montréalais jouissant d'une relation particulière avec notre environnement sonore.

D'abord, la lucide Lili Jetté, qui habite pratiquement sous l'échangeur Turcot et dont les réflexions sur les bruits du quotidiens sont particulièrement savoureuses.

Puis, un étudiant en composition électroacoustique de l'Université McGill, Max Stein, qui organise des visites guidées à travers les paysages sonores de la ville. Nathalie Chartrand, présidente de l'Association sportive des aveugles du Québec, témoigne de son rapport aux sons de la ville et l'audiologiste Tony Leroux explique l'effet de ces bruits urbains sur nos vies.

«L'idée qui anime le site, c'est que les visiteurs puissent avoir un contrôle sur cette reproduction d'un environnement sonore», explique Mathieu Régnier, recherchiste et consultant en environnement.

Il a structuré et rédigé les capsules d'Écologie sonore. Spécialiste de la question de biodiversité (et autres enjeux de la protection de l'environnement), Régnier admet qu'il a rarement eu à se pencher sur la question de la pollution sonore comme dans ce projet de l'ONF.

«C'est pourtant un polluant comme un autre, assure-t-il, que je compare à la pollution lumineuse. C'est un type de pollution qui intéresse moins les gens, et qui n'a d'ailleurs pas de représentant.» Il précise qu'il existe cependant un Regroupement québécois contre le bruit, qui, ironiquement, n'a pas de porte-parole.

«Or, pour comprendre le phénomène de la pollution sonore, il faut comprendre celui du paysage acoustique, il faut qu'on écoute les sons de la ville. C'est ce que R. Murray Shaefer a fait: nous inviter à écouter et comprendre notre environnement sonore. Les sons qu'on entend sont parfois agréables, parfois non.»

C'est aussi de cette façon qu'on apprend à apprécier notre paysage sonore. Paradoxalement, alors que le site web Écologie sonore nous suggère plusieurs trucs pour atténuer les désagréments des bruits de la ville, les témoignages recueillis dans les documentaires tendent plutôt à nous montrer des individus qui se plaisent dans notre environnement souvent bruyant. «On voulait rester neutre», commente le consultant en environnement.

Le site Écologie sonore sera lancé en grande pompe ce soir à la SAT et disponible en ligne dès demain, à l'adresse ecologiesonore.onf.ca. Vincent Letellier (Freeworm/The National Parcs) a composé la trame sonore du site, et les portraits vidéo sont signés Alexandra Guité.